Le balado porte bien son nom : en voiture, en autobus, à pied ou confortablement assis dans notre salon, il peut nous accompagner là où nous le voulons. À partir d’un téléphone portable, d’un ordinateur, d’un baladeur numérique ou d’une tablette, une panoplie de reportages, d’entrevues ou de discussions sur le sujet de notre choix peut nous arriver directement dans les oreilles en temps voulu. Et à partir de ce moment, toutes les surprises sont permises.

La littérature n’est pas en reste en matière de balados et de belles propositions de ce genre. Elle suit la tendance qui démontrait en août 2018, selon une étude de l’Observatoire des technologies médias, qu’un adulte francophone sur dix aurait fait usage d’un balado au cours du dernier mois au Canada, ce qui constituait une progression de 300% en cinq ans. Et contrairement à d’autres produits, aucune contre-indication n’aurait été faite quant à la consommation de ce moyen d’expression tout à fait licite.

Il y a d’abord le balado en rattrapage, qui correspond à l’enregistrement d’une émission régulière inscrite à la grille horaire d’une station radiophonique et qu’il y a moyen de réécouter aux heures et à l’endroit qui nous conviennent. La quotidienne Plus on est de fous, plus on lit!, animée par Marie-Louise Arsenault sur les ondes d’ICI Première, en est certainement un bon exemple. Diffusée en direct du lundi au vendredi de 13h à 15h, elle peut également être écoutée dans son intégralité ou par segment, quand bon nous semble.

Pensons aussi aux balados indépendants qu’il est possible de trouver sur certaines plateformes, les plus vastes catalogues internationaux étant iTunes et Google Play. Au Québec, les sites baladoquebec.ca, rzoweb.com et radioh2o.ca en hébergent quelques centaines.

© La Fabrique culturelle
Enregistrement de La vie secrète des libraires

La vie secrète des libraires
L’an dernier, six balados littéraires conçus et réalisés par Les libraires et La Fabrique culturelle de Télé-Québec ont été dévoilés. La mission de cette série, intitulée La vie secrète des libraires, est de tenter de répondre à une question nichée au cœur d’une œuvre québécoise. Par exemple, nous avons voulu savoir : que font les fées quand elles ne travaillent pas pour Walt Disney? Inspirée par le livre La dévoration des fées (Le Quartanier), de l’auteure Catherine Lalonde, cette interrogation a été soumise à un libraire et à divers intervenants qui ont exploré le texte sous différents angles pour en tirer quelques hypothèses.

En résulte une enquête en bonne et due forme qui rappelle que le livre est un prisme par lequel il est possible de découvrir et de penser le monde. Un balado complémentaire construit sous forme de table ronde présente l’analyse de libraires qui poursuivent en profondeur les questionnements suscités par la lecture des œuvres. Les univers de Karoline Georges, François Blais, Simon Boulerice, Blaise Ndala et Erika Soucy ont aussi été explorés. Une deuxième saison sera lancée au printemps, où cinq nouvelles enquêtes – toujours narrées par le comédien James Hyndman et ponctuées par la musique originale de Julien Mineau, des groupes Malajube et Fontarabie – prendront l’affiche. Cette fois, les cinq ouvrages québécois à l’honneur sont Trente de Marie Darsigny, Je suis une maudite sauvagesse d’An Antane Kapesh, Sports et divertissements de Jean-Philippe Baril Guérard, Sudbury de Patrice Desbiens et Les maisons de Fanny Britt.

Les déclinaisons du balado
Le balado est un moyen de transmission de la parole, une réflexion autoportante qui mesure un rayonnement d’autant plus grand lorsque les auditeurs sont réunis pour participer ensemble à ce qui se discute. C’est ce qui se passe pendant le Festival Transistor, à Gatineau, un événement créé par Steven Boivin et Julien Morissette qui a vu le jour en 2017 et qui fête la baladodiffusion sous toutes ses formes. Réunis en un même lieu, les créateurs et animateurs invitent les gens du public à venir assister et réagir en direct à l’enregistrement de balados durant trois jours. La plateforme Transistor Média a ensuite été mise en place en 2018. Toute une gamme de balados s’y trouve, dont ceux captés dans le Transistruck, un camion FedEx converti en studio de radio mobile pour aller à la rencontre de la population. Il est aussi possible d’y écouter Le cabaret des variétés littéraires, une série enregistrée devant public et réalisée avec le Salon du livre de l’Outaouais qui nous fait entendre notamment les auteurs Jean-Philippe Baril Guérard, Stéfanie Clermont et Biz et qui nous plonge dans l’atmosphère bien particulière d’une nuit du polar.

Présenté par le Centre Phi, à Montréal, ainsi que par l’entreprise Magnéto, le Festival Résonance – dont la troisième édition a eu lieu au début du mois de septembre dernier – met en valeur le rôle de l’art audio. Plusieurs de ses créations concernent le livre, comme le balado Lire, c’est vivre,qui se penche sur la part de la littérature dans nos vies à travers l’œuvre Ces enfants de ma vie, de Gabrielle Roy. Sous forme d’entretien, un autre balado pose la question suivante : la création audio et la littérature ont-elles une identité commune? Un document d’archives nous convoque en Durasie, à la découverte du continent polyphonique de Marguerite Duras. Par ailleurs, le concept de « la question oubliée » permet à une dizaine d’auteurs de suggérer une question qui ne leur est jamais posée lorsqu’ils sont invités en entrevue à la radio, d’y répondre et de la soumettre à un autre.

Bien sûr, il y a moyen d’en entendre davantage – notamment des fictions destinées aux 8 à 12 ans – sur la plateforme de Magnéto, qui, dans son manifeste rédigé à l’occasion de l’International Podcast Day (Journée internationale du balado), spécifiait que « la création en format balado peut favoriser la distance nécessaire à la réflexion critique et à la liberté de penser ». Cela démontre bien que le balado possède également une dimension sociale importante.

Pour les uns et les autres
La diversité est probablement ce qui fait que le balado a pris tant d’expansion. Approche, style, genre : il y en a aussi pour tous les âges. Sur le site d’ICI Première de Radio-Canada, les jeunes peuvent écouter les aventures d’El Kapoutchi, le roi des méchants, ou encore celles de l’unique et célèbre Agent Jean. Les adultes qui sont amateurs de bandes dessinées seront certainement intéressés par Vous avez dit BD?, un balado de Jean-Dominic Leduc, qui s’entretient avec les grands noms du 9e art québécois (par exemple Iris, Jimmy Beaulieu et Michel Rabagliati). Les éditions La Peuplade, quant à elles, ont inauguré la série À la ronde, qui présente quelques-uns de leurs auteurs dans un contexte intimiste. Christian Guay-Poliquin, Larry Tremblay et Marie-Andrée Gill, entre autres, y livrent leurs observations et leurs points de vue sur divers sujets. Du côté français, il est possible de revisiter les classiques et les textes d’envergure de manière prégnante avec Guillaume Gallienne, qui, par l’entremise du balado Ça peut pas faire de mal, fait la lecture d’œuvres phares, de Marcel Proust à Annie Ernaux, de Simone de Beauvoir à Françoise Sagan, de Léon Tolstoï à Franz Kafka.

Dans un monde où l’image prend une place prédominante jusqu’à saturation, le balado apparaît comme un moyen privilégié de restituer un espace de choix aux mots. Une voix, des voix, uniques et multiples, qui fabriquent un récit que chacun peut suivre, créant des liens et pouvant poursuivre la transmission que la parole a toujours eu l’art d’assurer.

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