Le punk : génération néant

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Après les années du Flower Power, au tournant des années 70, vinrent les années de violentes désillusions. Une nouvelle génération de rockers, au look débraillé, allait incarner cet air du temps.

New York dans les années 70, on se retrouve dans la fureur d’une ville qui s’avère un bouillon intense et tapageur dans lequel vrombissent tous les extrêmes. C’est à cette époque, marquée du sceau de la mutation, que le courant punk commence à se définir. New York 73/77 de Will Hermes (Rivages) est un des récits de cette explosion dont le monde ne s’est jamais complètement remis. Déboulent dans cette foisonnante chronique les noms fameux de tous ceux et celles qui ont foulé les planches du mythique CBGB, club new-yorkais et berceau de la musique punk. Richard Hell, Patti Smith, The Ramones, Blondie et j’en passe, nous sont ainsi racontés, sans oublier ceux qui les ont précédés, les Velvet Underground, les Modern Lovers et autres New York Dolls. Une épopée échevelée qui met brillamment en contexte le brasier sur lequel la musique punk a fait ses premiers pas.

Le bel album Punk Press. L’histoire d’une révolution esthétique (La Martinière)met de l’avant un élément central de la culture punk : le « fanzine ». Ces publications faites maison avec les moyens du bord – l’accès à une photocopieuse à peu de frais est, à cette époque, une révolution – colportaient, autant par la forme que le contenu, l’esprit même du punk. Cette esthétique négligée – on dirait ici « broche à foin » –, complètement assumée, voire accentuée, reflète on ne peut mieux l’urgence de dire qui caractérise le punk. Le DIY ( « Do it yourself », « Fais-le toi-même ») dans ses plus belles grosseurs! Dans cet album, les pages couvertures de différentes publications aujourd’hui disparues défilent à travers des pages d’entrevues avec des musiciens de l’époque ainsi que des collages, des dessins et même quelques palmarès. Une chose à souligner de Punk Press, c’est que le livre ne s’est pas limité qu’à la seule culture anglo-saxonne. On y trouve en effet des reproductions de certaines publications françaises, le courant punk ayant connu de belles années là-bas avec des formations comme Métal Urbain et Starshooter.

Dans la BD Punk Rock & Mobile Homes (Çà et là), Derf Backderf (Mon ami Dahmer, même éditeur, Prix révélation au Festival d’Angoulême 2014) s’inspire de sa propre histoire pour nous raconter l’univers de la jeunesse désœuvrée d’une petite ville de l’Ohio au tournant des années 80. Gravitant autour d’une banque convertie en bar où défilent les plus grands noms de la mouvance punk (The Clash, The Ramones, etc.), le récit narre les aventures improbables d’un jeune homme qui se surnomme lui-même le Baron, personnage atypique, un « rejet » paradoxalement baraqué et qui trouve dans la musique punk le terreau propice à l’expression de son exubérance. Et, bonheur, le créateur de Punk Rock & Mobile Homes nous propose une liste de titres majeurs et qu’il juge essentiel d’écouter en lisant son ouvrage.

Pour terminer, mentionnons deux beaux gros morceaux publiés il y a quelques années chez Allia, Please Kill Me. L’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs (Gillian McCain et Legs McNeil, 2006) ainsi que England’s Dreaming. Les Sex Pistols et le punk (Jon Savage, 2002). Ces deux considérables pavés (600 et quelques pages chacun) nous livrent ce qu’il y a de plus fouillé au sujet de punk. Pour le premier, c’est la scène punk américaine qui est au cœur du livre. Les deux auteurs ayant recueilli le fruit de plusieurs heures d’entretiens, l’ouvrage est à ce chapitre un témoignage vivant de ce que fut cette époque trouble. Le second, quant à lui, nous entraîne dans le sillage du groupe les Sex Pistols, groupe emblématique de la mouvance punk. À partir de l’histoire du groupe ainsi que de son esthétique, Savage élabore des filiations sulfureuses à l’origine du mouvement punk en Angleterre, dont une influence considérable du mouvement situationniste dans la critique de la société marchande et l’esprit du détournement.

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