Le tout premier best-seller québécois a célébré ses 100 ans l’an dernier, c’est donc dire que le phénomène de succès de librairie n’a rien de neuf, même s’il demeure assez récent, toutes proportions historiques gardées.

Maria Chapdelaine, best-seller international
En 1916, le Québec s’éprend du roman de Louis Hémon qui raconte l’histoire d’une jeune femme canadienne placée devant le choix de trois prétendants, qui représentent autant de destinées différentes pour la demoiselle. Écrit dans les faits par un Breton, Maria Chapdelaine est depuis toujours considéré comme « le plus canadien de tous nos romans », comme disait déjà à l’époque monsieur Lionel Groulx, et plusieurs s’entendent pour dire qu’il est le tout premier best-seller québécois.

Dans un contexte de censure sans demi-mesure, le fait que l’œuvre de Hémon réussit à s’attirer les bonnes grâces du clergé canadien-français (et de l’abbé Groulx notamment) favorise bien évidemment sa diffusion. Le succès du roman de Hémon dépassera cela dit les frontières du Québec. Il n’est pas exagéré de dire que ce récit du terroir est, dans les faits, un best-seller international.

Publié d’abord sous la forme d’un feuilleton en France, Maria Chapdelaine conquiert rapidement le cœur des Européens en mal d’exotisme dans un contexte de Première Guerre mondiale. La mort prématurée de l’auteur à 33 ans alimente-t-elle aussi l’engouement des lecteurs? Sans doute. N’oublions pas aussi que Maria Chapdelaine a été mis en marché en France par nul autre que Bernard Grasset.

En 1921, l’éditeur en fait un véritable succès de librairie de l’entre-deux-guerres. L’œuvre posthume se voit accoler l’étiquette de chef-d’œuvre, rien de moins, et la critique donne ensuite raison à M. Grasset. Au total, 1 800 000 exemplaires de cette histoire d’amour se seront vendus. Pas mal pour un petit roman de chez nous!

Trois adaptations cinématographiques plus tard, introduit dans de nombreux cursus scolaires, Maria Chapdelaine n’est pas prêt de quitter les tablettes des librairies québécoises. Le cas de la demoiselle Chapdelaine a d’ailleurs captivé de nombreux chercheurs en littérature. Ceux et celles parmi vous qui aimeraient démystifier le succès du roman de Louis Hémon peuvent fureter du côté de la plateforme Érudit, qui recense plusieurs articles fort intéressants sur le sujet.

Les auteurs vedettes des années 80
La littérature québécoise laisse passer quelques années avant de vraiment développer des romans pensés en fonction du grand public. Les années 80 voient apparaître plusieurs grands noms américains; les récits de Stephen King, Ken Follett, Danielle Steel et Tom Clancy, pour ne nommer que ceux-là, s’inscrivent résolument dans une sphère de diffusion grand public. Le Québec suit lui aussi le mouvement avec des œuvres comme Le Matou d’Yves Beauchemin ou encore « Les filles de Caleb » d’Arlette Cousture, des romans qui marquent encore aujourd’hui l’imaginaire de plusieurs lecteurs québécois! On parle ici de romans qui se sont vendus à plus d’un million d’exemplaires, alors que Le Matou à lui seul a été traduit en seize langues.

Louise Tremblay-D’Essiambre et les sagas historiques
C’est d’ailleurs dans les années 80, en 1984 pour être plus précis, que Louise Tremblay-D’Essiambre signe son premier roman (Le tournesol, qui sera réédité sous le titre La fille de Joseph). Or, son véritable succès, elle le rencontre dans les années 2000 avec sa série « Les sœurs Deblois ». Avec près d’une quarantaine de romans à son actif, Mme Tremblay-D’Essiambre a écoulé plus de 2,25 millions d’exemplaires de ses histoires et chaque fois qu’un de ses titres atterrit en librairie, au moins 25 000 exemplaires s’envolent… juste au Québec!

La journaliste Marie-Christine Blais soulignait, dans un article publié en février 2014 dans La Presse, que les ventes de sagas historiques populaires représenteraient plus de 25 % du chiffre d’affaires en littérature au Québec. Un nouvel auteur de saga historique peut espérer un tirage initial de 5 000 exemplaires, alors que la plupart des éditeurs lanceront un nouvel auteur avec 500 à 700 exemplaires. Les éditions Guy Saint-Jean, VLB et Hurtubise ont propulsé ce type d’ouvrages avec des auteurs phares tels que Louise Tremblay-D’Essiambre, Michel David, Jean-Pierre Charland et Pauline Gill.

 

Attention : succès n’égale pas richesse!
Bien que la liste des auteurs québécois de best-sellers semble longue, le nombre d’écrivains qui peuvent vivre uniquement de leur plume au Québec reste très limité. Selon une étude de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, intitulée Écrire ne fait pas vivre, seulement 9 % des écrivains québécois pouvaient compter sur leurs droits d’auteur comme principale source de revenus en 2013. 

Il était aussi mentionné que 5 000 ventes suffisaient très largement pour faire d’un roman québécois un best-seller. En fait, le succès est très variable d’une maison d’édition à l’autre. Pour certaines, 2 000 exemplaires vendus est en soi exceptionnel. Car, faut-il le rappeler, le bassin de lecteurs demeure beaucoup plus restreint au Québec qu’il ne l’est au Canada anglais, en France ou aux États-Unis.

 

Du Cercle des fermières à Marilou : les recettes du succès
En 2016, le tome 2 de 3 fois par jour de Marilou et Alexandre Champagne trônait au sommet des ventes, suivi du deuxième tome de Famille futée d’Alexandra Diaz et Geneviève O’Gleman. Et si les livres de recettes ont la cote, ça ne date pas d’hier! Ils avaient du succès bien avant l’avènement des vedettes télévisées. Pour preuve : les cinq tomes de la collection « Qu’est-ce qu’on mange? » se sont vendus à plus de 1,2 million d’exemplaires. Ce n’est pas peu dire : on trouve un livre du Cercle des fermières dans un foyer sur deux au Québec!

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