Johanne Vadeboncœur: Passion, culture et mémoire

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«Je cherche un livre, mais je n'en connais ni l'auteur ni le titre: pouvez-vous m'aider?»: voilà le genre de questions auxquelles tous les libraires de ce monde sont confrontés chaque jour. Comment donc arriver à satisfaire ces esprits assoiffés de culture qui n'ont souvent en main que très peu d'information sur l'objet de leur désir? Johanne Vadeboncœur, libraire d'expérience à la librairie Clément Morin de Trois-Rivières, partage avec le libraire les secrets de sa profession.

C’est à la librairie l’Exèdre de Trois-Rivières que Johanne Vadeboncœur a amorcé sa carrière de libraire en 1994. Cependant, le nouveau concept de «café-librairie» que proposait Clément Morin l’a convaincue d’aller offrir, après six ans de loyaux services, son expertise dans cette autre librairie. L’idée de voir les clients consommer caféine et littérature lors d’une même visite lui plaisait. Ainsi, depuis plus de dix ans, elle parcourt les rayons de ce commerce — qu’elle qualifie de lieu de rencontre magique, dynamique et innovateur — afin d’offrir ses conseils de lectures aux clients.

Une curiosité qui vaut de l’or
Outre les «Tintin» et les «Astérix», les contes classiques de Perrault et de Grimm et les romans d’Agatha Christie, Johanne Vadeboncœur s’est découvert une véritable passion pour les livres enseignés au cégep, alors qu’elle n’y était pas encore…! Comment expliquer cela? «Mes parents étaient gestionnaires de plusieurs appartements loués princi-palement à des étudiants du cégep et de l’UQTR. Lorsque l’année scolaire était terminée, les étudiants jetaient dans un conteneur tous leurs livres! Je les récupérais et c’est ainsi que j’ai lu tous mes classiques québécois», raconte-t-elle. Elle mentionne notamment, parmi les livres récupérés et estimés, Bonheur d’occasion, Louise Genest, Le libraire, Le Survenant et La Quête de l’ourse, qu’elle a lu et relu maintes fois.

La question tant appréciée, qui permet au libraire de partager sa passion personnelle de la littérature, est bien entendu: «Que me conseillez-vous?» À cela, Johanne Vadeboncœur propose candidement L’ombre du vent, de l’auteur espagnol Carlos Ruiz Zafón, La Délicatesse, de David Foenkinos ainsi que sa dernière lecture, Quand souffle le vent du nord, de Daniel Glattauer. Elle n’hésite aucunement à partager ces trois coups de cœur avec ses clients. D’ailleurs, cette libraire adore rencontrer ses fidèles visiteurs, particulièrement les lecteurs, «ceux avec qui on échange, on partage nos lectures, nos opinions, et surtout, ceux qui nous suggèrent à leur tour d’excellents romans!»

Bien que ses champs d’intérêt se portent principalement sur la littérature étrangère (il n’y a qu’à voir les commentaires critiques qu’elle signe pour le libraire!) et sur la littérature québécoise, Johanne Vadeboncœur spécifie que, «puisque la librairie Clément Morin est une librairie générale, il est primordial d’avoir une bonne connaissance de tous les domaines». Ainsi, on peut oublier le mythe du libraire spécialisé en philosophie qui récite par cœur tous les auteurs et titres des volumes parus sur le sujet depuis le siècle dernier: polyvalent et curieux, voilà les réelles qualités du libraire d’aujourd’hui.

Johanne Vadeboncœur prouve qu’elle maitrise les rouages de sa profession en répondant sans hésiter à nos deux épineuses questions. Le libraire lui a d’abord demandé quel livre elle offrirait à un libraire qui semble avoir tout lu. Son choix? Azteca, de Gary Jennings: «Ce roman historique de 1000 pages sur l’ère précolombienne est absolument fascinant. C’est un roman parfois cruel, souvent bouleversant et toujours passionnant. Azteca constitue selon moi une belle réussite, littéraire et historique.» Et à la question «Quel livre jeunesse recommanderiez-vous à un adulte?», elle répond Yakouba, de Thierry Dedieu, et La Belle aux Oranges, de Jostein Gaarder. À vous maintenant de vérifier si ces choix correspondent à vos goûts littéraires!

Derrière les étagères
Pour ceux qui croient qu’être libraire ne consiste qu’à placer quelques livres dans les rayons entre deux conversations passionnées avec des clients, détrompez-vous. À la fois commerce et lieu d’échange, la librairie doit trouver l’équilibre entre sa santé financière et la qualité de son service-conseil. À quoi donc ressemble une journée typique pour Johanne Vadeboncœur? Son travail est principalement axé sur le service à la clientèle — conseils, ventes, prises de commandes—, mais plusieurs autres tâches s’y ajoutent, notamment la supervision générale de la librairie, les achats et la réception des livres en anglais, la caisse et d’autres tâches administratives. Tout cela nécessite «une bonne culture générale, de la mémoire, un bon sens de l’observation, un esprit de déduction plutôt développé, du dynamisme, de l’autonomie et, curieusement, une bonne santé!», ajoute Johanne, qui précise qu’il faut également être à l’écoute des clients et savoir user de tact à tout moment. Et c’est justement cette diversité du travail ainsi que les rencontres qu’elle y fait qui lui procurent ce sentiment passionné face à son métier.

Sa plus belle rencontre? Probablement celle de son conjoint! Parce que oui, notre libraire a bel et bien rencontré l’amour entre deux sections de livres! «En fait, ce n’était pas un client… Le propriétaire de la librairie effectuait d’importantes rénovations et c’est lui qui avait eu le contrat en tant que menuisier-ébéniste… Nous avons donc fait connaissance durant les travaux.»

S’impliquer corps et âme
Autre mythe à déconstruire: un libraire n’a certes pas lu tous les livres qui se trouvent dans son commerce — puisque plus de 100 000 sont édités chaque année — et cela ne fait pas de lui un mauvais employé! Il va de soi qu’il est important de savoir où s’informer et de savoir déceler la qualité d’un ouvrage en fonction des contraintes imposées par le client. Mince tâche, croyez-vous? Au contraire. «Le métier de libraire est complexe, soutient Johanne Vadeboncœur. Ainsi, les nouvelles formations en gestion de librairie, notamment celles de l’Université de Sherbrooke, permettront aux finissants d’être mieux outillés et plus compétents dès leur arrivée en librairie. Mais même si cette formation apporte la reconnaissance, rien ne remplacera l’expérience acquise au fil des ans!»

Johanne Vadeboncœur est optimiste quant à l’avenir des librairies. Cependant, elle maintient qu’il s’agit d’un travail quotidien et constant et qu’il est important pour un libraire indépendant de se distinguer des autres et de rester fidèle à ses clients. L’implication dans le milieu culturel est également un élément qui permet la survie de ces types de commerce: «Clément Morin se veut avant tout un lieu de rencontres, de partage et d’échanges pour tous les amoureux de la lecture. Cette librairie veut toujours offrir un service de qualité grâce à une équipe de libraires passionnés, dynamiques et à l’affût de tout ce qui se passe dans le monde du livre et de la culture en général.» Aucun doute, Johanne Vadeboncœur y cadre parfaitement.

Coordonnées :
Librairie Clément Morin
4000, boul. des Forges
Trois-Rivières, QC G8Y 1V7
Téléphone : 819 379-4153

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