Pour un artiste, les réseaux sociaux sont un lieu de promotion exceptionnel de leur travail, leur permettant de rejoindre des clients potentiels, parmi lesquels les maisons d’édition ne font pas exception.

Julie Massy, directrice artistique à la courte échelle, confirme qu’elle a toujours un œil sur les artistes émergents sur les réseaux sociaux : « Lorsque je découvre un nouvel artiste, je consulte systématiquement et quasi exclusivement son compte Instagram, nous écrit-elle. J’aime le côté informel du contenu artistique qui peut être publié sur un compte Instagram (expérimentations, explorations) comparativement à un portfolio officiel. Ça me permet de voir l’étendue de la palette d’un artiste et ses intérêts personnels hors commandes. » C’est de cette façon que Julie Massy a connu Geneviève Bigué (@gen.bigue), qui s’est vu confier le mandat d’illustrer deux ouvrages de la collection « Noire »: Un bruit dans les murs et Quincaillerie Miville. Leur collaboration a été si fructueuse qu’elle souhaiterait avoir d’autres contrats à lui proposer!

Marie-Hélène Racine, artiste, poète et libraire, est active sur Instagram (@la.racine). Elle y diffuse des œuvres en collage, faites de découpes de pages de livres et de magazines qu’elle agence ensuite. Ayant toujours vu son compte comme un endroit pour livrer ses ressentis, à la manière des archives d’un journal intime, elle ne s’attendait pas à recevoir des demandes de collaboration. C’est d’abord le Off Festival de poésie de Trois-Rivières, puis la revue Tristesse qui lui ont fait des offres. Ensuite, Mélissa Labonté des Éditions du Noroît a été attirée par un collage partagé en 2019 : il correspondait en tout point à ce que la poète Evelyne Gagnon voulait exprimer dans son recueil Incidents (et autres rumeurs du siècle). Le contrat fut donc signé. D’ailleurs, Marie-Hélène Racine a elle-même découvert de nombreux et nombreuses artistes sur Instagram, dont Célia Beauchesne (@celia.beau) qui a illustré son recueil Tohu-bohu publié aux éditions de la maison en feu!

L’histoire de Marie-Anne Dubé, Jaune Pop (@jaunepop) de son nom d’artiste, présente une autre facette des réseaux sociaux. Si au départ elle créait des profils sur les différentes plateformes, dont Etsy, pour vendre ses illustrations, c’est aujourd’hui devenu son travail principal. Elle a maintenant une chaîne YouTube où on retrouve sa démarche artistique et un Patreon où elle offre des illustrations à colorier, des cartes postales et des autocollants. Sa collaboration avec la maison d’édition Dominique et compagnie découle de sa participation au blogue Famille au menu — qui l’avait découverte sur Instagram —, et dont l’éditeur avait vu les dessins sur le site. « Lorsque Dominique et compagnie m’a contactée, je n’y croyais pas… », souligne celle qui souhaitait depuis longtemps faire des illustrations pour un album jeunesse. Après quelques discussions et tests, elle a ainsi réalisé des illustrations accompagnant le texte de Charles-Éric Blais-Poulin. Le premier tome Gérard la gerboise à l’école ayant connu un succès auprès du public, Marie-Anne Dubé a continué à collaborer avec Dominique et compagnie pour un deuxième tome mettant en vedette le petit rongeur : Gérard la gerboise en vacances. C’est également grâce aux réseaux sociaux et à ses illustrations qu’elle a collaboré à la réalisation de motifs pour vêtements et a pu exposer ses œuvres à la Librairie L’Intrigue de Saint-Hyacinthe.

En discutant avec les artistes, nous constatons que le parallèle entre leurs réseaux sociaux et le milieu de l’édition est plutôt intrinsèque. Marie-Anne Dubé m’a confié qu’elle s’était tournée vers la plateforme Instagram très instinctivement parce que c’est un médium qu’elle connaissait déjà et qui est très visuel au départ. Les réseaux sociaux peuvent être pratiques pour suivre le cheminement de plusieurs artistes en même temps, sans avoir à consulter un site externe. La directrice artistique de la courte échelle avoue pour sa part avoir une banque de comptes Instagram d’artistes qu’elle consulte à chaque nouveau projet et pour se tenir informée de l’évolution de leur travail.

Si on peut reprocher aux réseaux sociaux de promouvoir une image trop léchée de la réalité ou de donner une tribune à des gens qui s’en servent à mauvais escient, il faut admettre qu’ils ont également des qualités, notamment en ce qui concerne la diffusion des arts et de la culture. Surtout, il ne faut pas oublier que les algorithmes s’adaptent à leur public : en cherchant davantage d’artistes québécois sur les plateformes, c’est possible de recevoir des recommandations de plus en plus intéressantes et de découvrir des artistes qui, autrement, seraient peut-être restés dans l’ombre.

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