Édition québécoise : Le Souffle nouveau

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Depuis quelques années, on a pu assister avec plaisir à l'émergence de nouvelles maisons d'édition québécoises. Certaines se distinguent par leur politique et leur démarche éditoriales s'inscrivant à des lieues de celles de maisons solidement établie, d'autres se démarquent plutôt à travers les moyens de distribution originaux mis en place. Mais toutes ces entreprises partagent sans contredit le désir et la volonté ferme de se tailler une place prépondérante dans le milieu de l'édition ainsi que sur la scène culturelle.

Le paysage littéraire québécois tend donc à se redéfinir grâce aux nouvelles voix singulières que ces éditeurs ont l’audace de nous faire découvrir en sortant des cadres plus traditionnels de l’édition. Il est fort agréable d’assister à un véritable travail d’exploration, de création et d’évolution littéraire offrant une option culturelle nécessaire à la bonne santé du milieu de l’édition. S’impose donc un petit tour d’horizon chez quelques-uns de ces courageux éditeurs qui persistent et signent malgré le vent orageux soufflant sans relâche sur le milieu du livre.

Répandre la bonne nouvelle

La démarche des Éditions Marchand de feuilles s’appuie sur une réflexion qui allie la littérature aux nouvelles technologies. Cette maison fait donc le pari de marier l’image et les mots à travers une démarche exploratoire unique. En plus de publier les voix émergentes de la relève, Marchand de feuilles a mis sur pied une série de fabuleuses explorations littéraires et visuelles. Il suffit d’aller fureter dans la galerie virtuelle de leur site Internet (www.marchanddefeuilles.com) afin de découvrir ces embryons de recherche. Au menu : haikus électroniques, holopoésie, hypertexte, sculptures et clips littéraires. En redéfinissant ainsi l’expérience littéraire, ces explorations suscitent chez le lecteur des émotions nouvelles et parviennent à enrichir l’univers littéraire de façon inusitée. Deux nouveautés à surveiller cet automne : Voleurs de sucre d’Éric Dupont, délicieuse fable gourmande et hédoniste et Mademoiselle : Manuel de l’imparfaite célibataire d’Eva Rollin, qui sera le premier titre de la collection bande dessinée « bonzai ».

Les bons petits pots

Fondés et dirigés par Brigitte Bouchard, Les Allusifs se distinguent eux aussi par la voie éditoriale empruntée : la publication de courts romans choisis dans le corpus de la littérature mondiale. Ce choix rafraîchissant représente une réelle nouveauté dans le monde des lettres québécoises. Les Allusifs célèbrent la pluralité des horizons culturels en embrassant les littératures issues de contrées diverses. L’éditeur de Montréal nous propose ainsi une franche ouverture sur l’Autre au gré d’une littérature de grande qualité. Soulignons également le soin apporté au graphisme et à la mise en page de ces courts récits, ce qui contribue à faire de ces lectures un immense plaisir. Cet automne, Les Allusifs nous régalent avec trois titres aux résonances rêveuses : Le Jour des corneilles de Jean-François Beauchemin, La Mort d’Olga de Maria de Horacio Castellanos Moya et Ici repose Nevares de Pere Calders.

Toi, tu me fais de l’effet

Aux éditions de l’Effet pourpre, la volonté de transformer le monde de l’édition québécoise se traduit par la publication de voix singulières réfléchissant sur leur condition humaine. Création, lucidité et remise en question jalonnent la démarche de cette maison pilotée par François Couture. Ici, le livre a l’ambition de dépasser le simple divertissement pour devenir un réel outil de transmission de savoir à la portée universelle. Tout, dans la trajectoire de ce jeune éditeur, des talents révélés à la philosophie prônée, laisse présager que l’ambitieux mais essentiel pari sera gagné. Cette année verra les Éditions de l’Effet pourpre célébrer leur cinquième anniversaire. Pour souligner l’événement, paraîtra un recueil de textes inédits d’auteurs de la maison.

La parole est d’or

Une autre maison d’édition fort sympathique retient notre attention : les éditions Planète Rebelle. D’abord dirigées par André Lemelin, Planète rebelle est aujourd’hui placée sous la gouverne de Marie-Fleurette Beaudoin. Cette maison symbolise le renouveau du conte dans le monde de l’édition québécoise en éditant sous la forme de livres-disques des œuvres conjuguant littérature et oralité. Le créneau éditorial ne se limite pourtant pas à la publication de contes ; la maison offre également une tribune aux poètes et aux auteurs engagés de la parole (spoken word), à l’expérimentation et à la création littéraire. Au programme cet automne : Journal Territoire. Bestiaire à têtes de femmes, douze nouveaux textes poétiques de Christine Germain avec enregistrement sur CD. Paraîtra également Les Légendes des Îles-de-la-Madeleine du père Anselme Chiasson, véritable trésor de la tradition orale acadienne. Mentionnons qu’il s’agit d’une réédition bienvenue, puisque ce riche héritage de contes et légendes n’était plus disponible.

Pour peu qu’on s’y attarde, notre paysage littéraire déborde d’initiatives et de riches découvertes : bonheurs de lecture garantis. L’enthousiasme et la détermination des jeunes maisons d’édition dans la poursuite de leur idéal sont peut-être le signe d’un renouveau essentiel à l’évolution littéraire. Cet automne, laissez-vous happer par les voix de la relève ! Lecteurs, à vos livres !

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