Écosociété: Un engagement durable

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En 1992, un regroupement de citoyens mettait sur pied l'Institut pour une écosociété (IPE), destiné à s'imposer comme un think tank alternatif. Les objectifs de l'Institut, qui se voulaient «partie prenante des grands courants sociaux qui combattent le productivisme, la surconsommation, les pouvoirs hiérarchiques et de domination», ne souffrent d'aucune ambiguïté. Quatorze ans plus tard, les Éditions Écosociété et leurs cent dix titres publiés ont rempli une bonne part de l'ambitieux programme de l'Institut.

Small is beautiful

Reflet fidèle de la profonde culture démocratique de ses fondateurs, la rare souplesse de gestion l’entreprise l’a pourtant conduite à des extrémités peu souhaitables. Écosociété a en effet frôlé la catastrophe. La nomination de Julie Mongeau comme coordonnatrice de la maison en juin 2004 résulte directement de ses difficultés: «Je suis arrivée dans un moment de crise. Il y avait 5-6 employés à temps plein, mais personne ne portait de titre. C’était un peu à l’image de la boîte, en toute collégialité: les problèmes en ont été d’autant plus aigus.» Le comité de gestion, forme antérieure de l’actuel conseil d’administration, comprenait l’ensemble des employés, en plus de simples sympathisants. Ceux-là, remplis de bonne volonté, étaient souvent peu au courant de la marche quotidienne d’Écosociété. Sollicité pour son expertise, un professeur de management remettra quelque peu les pendules à l’heure. Là où on croyait faire de la cogestion, il n’y verra simplement… pas de gestion du tout! «La difficulté financière s’était avérée être si sérieuse, explique Julie Mongeau, qu’il a fallu prendre des mesures draconiennes. Et ça a voulu dire le licenciement de tout le monde.»

À ce contexte houleux s’ajoutait encore son inexpérience du monde du livre. Après des études en journalisme, en enseignement de l’anglais et en communications, Julie Mongeau, endossera toutefois l’habit d’éditrice avec bonheur, à la mesure de sa polyvalence: «Il fallait apprendre, gérer, n’échapper aucun morceau. Mais je pense que le défi a été relevé.» Repartie sur des bases nouvelles, Écosociété n’emploiera désormais que trois personnes à temps plein. À part sa nouvelle coordonnatrice, on retrouve depuis novembre 2005 à l’éditorial et à la direction de la production Valérie Lefebvre-Faucher, et un poste aux communications était toujours à pourvoir au moment de mettre sous presse. À temps partiel, on compte sur les services d’Hasna Addou à la comptabilité et de Serge Mongeau, qui demeure un véritable voltigeur pour la maison… et l’un de ses auteurs-vedettes: La Simplicité volontaire, plus que jamais, édition revue et augmentée en 1998 de ce titre phare, s’est écoulé à ce jour à plus de trente mille exemplaires.

Des succès sans compromis

Pas de recette spéciale chez Écosociété: la nécessité de rendre l’information accessible au plus grand nombre prime sur la recherche de bons coups. Les rééditions emploient d’ailleurs une part importante des énergies de la maison qui, pour les même raisons, consacre une grande proportion de son activité annuelle aux traductions: «On se le fait reprocher et parfois moi-même je m’en insurge, mais ce n’est pas évident de trouver un livre sur certains sujets. C’est plus facile de s’exprimer sur un ˝produit fini˝ que d’attendre qu’un Québécois finisse, éventuellement, par envoyer un manuscrit intéressant, explique Julie Mongeau, qui se montre d’ailleurs sensible à la condition des étudiants ou des personnes vivant d’un faible revenu. Partager les livres ou les faire acheter par sa bibliothèque locale constituent autant de solutions qu’elle n’hésite pas à présenter ouvertement aux lecteurs rencontrés dans les salons. La Simplicité volontaire propose d’ailleurs en page 245 cette dernière possibilité, qui peut sembler paradoxale pour un éditeur.

Malgré cela, un ouvrage comme Les Dessous de la politique de l’Oncle Sam de Noam Chomsky passe la barre des vingt mille exemplaires vendus. Plus près de nous, on se souviendra d’Acheter, c’est voter de Laure Waridel, d’Équiterre, et de Bien commun recherché, signé par la porte-parole de Québec Solidaire, Françoise David. L’Envers de la pilule, quant à lui, connaît une vie plus qu’honorable avec trois réimpressions et près de 5000 exemplaires vendus depuis l’automne 2004. Écrit par Jean-Claude Saint-Onge, cet essai brosse un tableau sans complaisance de l’industrie pharmaceutique, dont les profits déjà faramineux s’accroissent au même rythme que les dépenses publiques en santé.

Du reste, entre ces ouvrages bien couverts par les médias et les livres pour ainsi dire mort-nés, d’autres s’écoulent comme des petits pains chauds en dépit d’un silence radio presque complet. Au chapitre des livres négligés par la critique, on compte Repenser l’action politique de gauche, troisième livre du sociologue Pierre Mouterde à paraître chez Écosociété, après ADQ: une voie sans issue et Quand l’utopie ne désarme pas, une enquête sur la gauche sud-américaine qui, à l’aune des dernières élections de la région, mérite une relecture attentive. Sorti l’automne dernier, Repenser l’action politique de gauche tombe tout autant à pic. Une agréable surprise pour Julie Mongeau: «Un mois après sa parution, j’étais en réimpression. Au Salon du livre de Montréal, les gens s’arrêtaient, interpellés. Le livre arrivait à point avec la course au leadership du Parti québécois, la création de Québec Solidaire…»

Figurant parmi les quatre-vingts éditeurs canadiens à s’être engagés auprès de l’organisme Écoinitiatives à ne pas utiliser de papier issu de forêts anciennes ou menacées, Écosociété imprime à l’encre végétale sur un papier recyclé, sans e trace de chlore. Signataire québécois, avec L’instant même et Les Écrits des Forges, de la Déclaration des éditeurs indépendants du monde latin, qui réclame notamment des gouvernements une politique du livre accentuant la protection des droits d’auteurs et l’instauration d’un prix unique, la maison d’édition participe de plus à la collection «Enjeux Planète». Paru dernièrement, La Diplomatie non gouvernementale d’Henri Rouillé d’Orfeuil, qui analyse et explique les pouvoirs et les limites des ONG à l’échelle internationale, représente déjà le dixième de ces «livres équitables», dont la production est prise en charge par Écosociété et ses dix partenaires d’Europe et d’Afrique.

Les mots «patience et dévouement» pourraient servir de slogan à Écosociété: «J’ai encore récemment réimprimé un livre qui est paru en 1994. Mes défis à moi ne sont pas les mêmes que ceux de Michel Brûlé, par exemple, qui fait plus des livres collés à l’actualité. À chaque maison sa spécificité et ses difficultés aussi.» À l’instar de sa coordonnatrice, «digne fille de son père» mais volant depuis belle lurette de ses propres ailes, Écosociété a trouvé sa niche entre le savoir et l’agir: «Pour chacun de nos livres, on a ça en tête, conclut-elle: qu’ils ouvrent des pistes de solutions, qu’ils proposent des voies à suivre.»

LES ÉDITIONS ÉCOSOCIÉTÉ
C. P. 32 052, comptoir Saint-André
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