À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Débâcle
Lize Spit (trad. Emmanuelle Tardif), Babel, 528 p., 19,95$
Débâcle, c’est un phénomène : d’abord publié en néerlandais chez un petit éditeur flamand, il a ensuite rejoint plus de 200 000 lecteurs. Cette tragédie nous entraîne dans un village flamand où, en 1988, seuls trois enfants sont nés : Eva, Pim et Laurens. Cette particularité les unit et les rend inséparables. Du moins jusqu’à cet été de leurs 14 ans, où l’éveil de la sexualité des garçons les pousse à instaurer un étrange jeu avec les filles du village, jeu dont Eva se fait l’arbitre malgré elle afin d’éviter l’accablante solitude. Bien des années plus tard, elle revient enfin à ce village qu’elle a quitté, à ses émotions qui, elles, ne l’ont pas quittée. Et c’est là qu’on découvre les dessous de ce fameux été… Ficelé comme pas un et servi par une écriture forte, imagée, qui s’attarde autant aux détails qu’aux silences, ce roman est une bombe.

 

Le lambeau
Philippe Lançon, Folio, 510 p., 16,50$
« […] un roman fabuleux, plein d’humanité, difficile à oublier. Important, bouleversant, essentiel; de ceux qui nous marquent profondément. Une œuvre majeure. » C’est en ces mots que le jury du Prix des libraires du Québec a récompensé Le lambeau, aussi lauréat du prix Femina et élu Meilleur livre de l’année selon Lire en 2018. L’écrivain et journaliste Philippe Lançon se trouvait dans les bureaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, au moment de l’attentat. Il a été gravement blessé et défiguré, mais il a survécu. Entre les visites à l’hôpital, les greffes et la rééducation, il nous raconte sa reconstruction physique, mais aussi sa nouvelle vie, puisque celle d’avant n’existe plus, dorénavant. Le lambeau, c’est le récit bouleversant d’une vie qui bascule; un livre humain sur la fragilité de la vie, la douleur, la résilience et les liens parfois ténus qui nous rattachent à l’existence.

 

Tu te souviendras de moi 
François Archambault, Nomades, 112 p., 9,95$
Maintenant à la retraite, un historien perd peu à peu la mémoire, mais il n’accepte pas ce triste sort, cet étiolement de ses souvenirs. Ses proches, son épouse, sa fille Isabelle et le conjoint de celle-ci veillent sur lui à tour de rôle. Puis c’est au tour d’une jeune femme rebelle, la fille du conjoint d’Isabelle, de s’occuper de lui. Cette rencontre amènera l’homme à revisiter son passé, un pan de sa vie qu’il avait essayé d’oublier. Récemment adaptée au cinéma et lauréate du Prix Michel-Tremblay pour le meilleur texte dramatique en 2014, cette pièce de théâtre émouvante et sensible sonde le temps qui passe, la fragilité de la vie et le refus de disparaître sans laisser de traces. Tu te souviendras de moi explore aussi la mémoire personnelle et collective ainsi que l’obsession du présent.

 

Un lien familial
Nadine Bismuth, Boréal, 328 p., 15,95$
Dans Un lien familial, l’auteure Nadine Bismuth (Les gens fidèles ne font pas les nouvelles, Êtes-vous mariée à un psychopathe?) renoue avec ses sujets de prédilection : l’infidélité, la complexité des relations et les ambiguïtés du sentiment amoureux. On retrouve avec plaisir son regard aiguisé et mordant, son humour noir et sa douce ironie. La relation entre Magalie et Mathieu bat de l’aile; chacun trompe l’autre. Mais le couple, au bord de l’explosion, résiste pour ne pas briser sa famille. Magalie fait la rencontre de Guillaume, un père célibataire, qui est le fils du nouveau conjoint de sa mère. Un désastre annoncé est au menu de ce roman de mœurs qui écorche et ausculte non seulement l’amour en cette époque désenchantée, mais aussi la fragilité des apparences. Ce portrait d’une famille moderne, avec ce qu’elle peut avoir d’aliénant et d’imparfait, fera l’objet d’une adaptation télévisuelle.

 

Le chant des revenants
Jesmyn Ward (trad. Charles Recoursé), 10/18, 288 p., 14,95$
Lauréat du National Book Award en 2017 et du prix America en 2019, ce roman puissant sonde les injustices, le racisme, les inégalités sociales, les racines et le poids du passé. Jojo, 13 ans, a déjà de grandes responsabilités : il prend soin de sa petite sœur et de sa grand-mère malade, tout cela en s’occupant de la ferme où ils vivent au Mississippi. Michael, son père, est en prison, et le garçon ne peut compter sur sa mère, Léonie, peu présente : marquée par la mort de son frère, celle-ci se drogue. Quant aux grands-parents paternels, ils rejettent leurs petits-enfants puisqu’ils n’acceptent pas que leur mère soit noire. Comme Michael sortira bientôt de prison, Léonie entraîne les enfants dans un road trip pour aller le chercher. Trois voix – Jojo, Léonie et un revenant que seul Jojo entend – racontent cette histoire déchirante, mais aussi empreinte de beauté, sur l’âpreté de la vie

 

Fais confiance à la mer, elle te portera
Antonine Maillet, BQ, 248 p., 13,95$
« D’où me vient le besoin d’écrire? » C’est par cette question que s’amorce le récit d’Antonine Maillet (La Sagouine, Pélagie-la-Charrette). Elle dévoile ici les mystères de la création, son univers de même que son rapport à l’écriture et à l’imaginaire. Dans cet essai intime, l’écrivaine acadienne s’attarde au temps qui passe en nous parlant des livres qui ont jalonné sa vie, de son parcours d’auteure, de sa soif de vivre et de raconter ainsi que de son besoin de créer en raison des limites de l’existence. Ce temps qui file est une raison pour elle d’écrire : « Nous n’aurons jamais assez d’une vie pour en faire le tour. Et c’est la vraie raison d’être des créateurs. » Cet ouvrage passionnant nous plonge au cœur de la démarche créatrice d’une grande écrivaine pour qui « la vie c’est l’écriture ».

 

Sam
François Blais, L’instant même, 192 p., 17,95$
Dans une boîte de livres en solde, le narrateur tombe sur le journal de S., une trentenaire dont il aime la plume. Heureuse coïncidence : elle vient elle aussi de Grand-Mère, comme lui. Il n’en faut pas plus pour qu’il s’imagine que l’auteure pourrait bien être la femme de sa vie. Grâce au banal quotidien que celle-ci décrit dans son journal, l’homme y glane des indices et entreprend de retrouver la diariste, qu’il a baptisée Sam, la femme idéale. Cette quête d’une personne insaisissable et mystérieuse le mènera entre autres à la campagne, à Limoilou et à Parent, en Haute-Mauricie. Avec Sam, nous retrouvons ce qui nous plaît tant chez François Blais : sa plume drôle et ironique, l’originalité de son propos, ses univers un brin farfelus ainsi que la réflexion qu’il mène sur la relation existant entre un auteur et son personnage.

 

L’amour harcelant
Elena Ferrante (trad. Jean-Noël Schifano), Folio, 224 p., 14,50$
Avec tout le talent qu’on lui connaît, Elena Ferrante fait encore preuve de savoir-écrire avec ce roman, son premier, publié originalement en 1992 (1995 pour ce qui est de la version française). Le corps d’Amalia est retrouvé sans vie, tanguant sur la mer, avec pour seuls apparats un soutien-gorge griffé et ses bijoux. À partir de ce drame, sa fille Delia, la narratrice, cherchera à savoir ce qui s’est passé, mais surtout si la mère qu’elle connaissait était bien la femme qu’elle était véritablement. Composé de personnages vibrants – dont celui de la mère, qui arbore une grande part de mystère et évoque des sentiments contradictoires –, ce livre est également construit comme une enquête. Or, chez Ferrante, plus on croit approcher les êtres qui nous sont proches, plus ils se dérobent. La recherche de la vérité en révélera plus d’une, comme un prisme qui, par tous ses angles, offre maintes facettes parfois insoupçonnées, voire libératrices.

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