À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Le premier qui rira / Simon Boulerice, Nomades, 320 p., 13,95$
Maniant encore une fois avec brio la comédie et la tragédie, Simon Boulerice échafaude un chassé-croisé chaotique entre trois personnages dépareillés, soit une mère monoparentale caissière dans un magasin à grande surface, qui lâche son fou dans son Club du rire ; un dramaturge qui multiplie les déceptions amoureuses ; un étudiant en cinéma qui voue une passion au nettoyage. La banalité de leur quotidien se mêle à des profils de sites de rencontres, à des pourriels et aux personnages de la bande dessinée Archie. Un roman authentique, sensible et profondément humain, comme l’auteur sait si bien en créer.

Ásta / Jón Kalman Stefánsson (trad. Éric Boury), Folio, 480 p., 16,25$
Accès direct au grand sentiment et à la mélancolie, ce roman généreux porté par un souffle grandiose met en scène la vie d’Ásta, ainsi nommée par ses créateurs à cause d’un personnage de roman du nobélisé Halldór Laxness. Un prénom qu’ils espèrent prédestiné — ást en islandais veut dire amour. Ce qui ne préservera pourtant pas leur fille d’une houle agitée. Sans linéarité, à l’instar des souvenirs qui vont et viennent, l’histoire d’Ásta nous est racontée à travers celle d’Helga et Sigvaldi, ses parents, et traverse tout le XXe siècle sous des paysages islandais qui ajoutent au prodige. Le sous-titre du livre, qui fait référence à un poème de Jósef, le grand amour d’Ásta, représente bien la teneur de l’œuvre : Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde? Les mots de Stefánsson sont des lieux superbes pour habiter.

Oss / Audrée Wilhelmy, Nomades, 72 p., 7,95$
L’auteure réinvente les constituants du conte, s’emparant de ses codes pour se les approprier et en tirer toute la grandeur et la violence qu’ils recèlent sous leur apparence bon enfant. Par la voix de ses personnages éminemment atypiques, elle fait refluer nos appétits primaires, notre animalité enfouie, nos passions impropres et goulues. Aucun tabou ne semble résister à Audrée Wilhelmy et elle endosse joyeusement tous les péchés du monde. Jusqu’au pasteur qui a des vues sadomasochistes — qu’il assouvira — sur la jeune Noé, la fille de Grumme que personne d’ailleurs ne pleure à Oss, petit village de pêcheurs, lorsque celle-ci meurt. L’étrangeté parcourt les pages de ce court roman aux images sans filtre (corps boursouflé, voyages en bécosse, enfants qui toussent des mouches noires) et creuse la part exquisément infâme qui grenouille en nous. En librairie le 16 septembre

Le pouvoir / Naomi Alderman (trad. Christine Barbaste), Le Livre de Poche, 512 p., 15,95$
La prémisse de ce roman s’avère intrigante : voilà que ce sont les femmes qui détiennent le pouvoir dans le monde entier, parce qu’elles sont capables de générer une décharge électrique avec leurs doigts. Elles peuvent donc se défendre, mais aussi détruire. Et surtout, elles ne laisseront plus les hommes les dominer. Que feront-elles avec ce nouveau pouvoir? Le fait de goûter au pouvoir change-t-il la donne? C’est ce qu’on se dit quand certaines renoncent à leurs convictions, deviennent des bourreaux ou commettent des actes répressibles qui n’étaient pas dans leur nature auparavant. Troublant et fascinant, ce roman dystopique interroge les aléas du pouvoir et ses dérives, explore comment le pouvoir peut corrompre les gens. En librairie le 16 octobre

Nord Alice / Marc Séguin, BQ, 280 p., 12,95$
Un médecin s’exile à Kuujjuaq, où s’enracine Alice, médecin elle aussi, la femme qu’il vient de quitter et de laisser derrière lui à Queens et dont les angoisses existentielles l’ont éloigné. Malgré sa fuite, il n’arrête pas de penser à elle ; il essaie de mieux la comprendre en côtoyant son monde. Il soigne des blessures et des cicatrices invisibles à l’hôpital, pêche et tente de combler le vide en consommant des femmes sur le Web. Il se remémore aussi l’histoire de son arrière-grand-père, Roméo, qui avait quitté Montréal pour rejoindre ses frères et tenter sa chance sur les rives du Klondike. En plus de témoigner des beautés que recèle le Nord, Marc Séguin illustre aussi la dure réalité qui y règne, passant de la déroute aux désillusions et aux abus d’alcool. C’est puissant, beau et émouvant, sans fioritures.

De vengeance / J. D. Kurtness, L’instant même, 132 p., 14,95$
Meurtre et humour peuvent-ils faire bon ménage? Si l’on en croit ce roman, tout à fait. Est-il possible de s’attacher à une criminelle? En faisant la connaissance de la narratrice de ce livre, on n’en doute plus. L’auteure réussit ce défi considérable de nous rendre agréable une antihéroïne qui, pour générer un monde meilleur, entreprend de tuer tous ceux qui nuisent à son harmonie. Si Robin des Bois était le prince des voleurs en enlevant aux riches pour donner aux pauvres, elle est certainement habilitée à recevoir le nom de reine des assassins puisqu’elle n’a aucune gêne à éliminer la mauvaise graine pour alléger l’humanité de ses trouble-fêtes (chauffards, voisins bruyants, mauvais propriétaires, etc.). En créant un personnage qui assume pleinement ses gestes scabreux, l’auteure nous donne l’occasion de vivre par procuration quelques-uns de nos fantasmes les plus secrets. En librairie le 16 septembre

La saison des feux / Celeste Ng (trad. Fabrice Pointeau), Pocket, 470 p., 15,95$
Dans une banlieue huppée et tranquille de Cleveland, à Shaker Heights, tout semble parfait et paisible. Y vit notamment la famille Richardson, composée d’Elena, journaliste, et de Bill, avocat, et de leurs quatre enfants, des adolescents. Elena loue une maison à Mia, une mère célibataire et artiste bohème, qui emménage à Shaker Heights avec sa fille, Pearl. Leur présence fissurera peu à peu le vernis irréprochable des relations entre voisins et créera des tensions. L’auteure de Tout ce qu’on ne s’est jamais dit dépeint avec justesse les rapports sociaux et familiaux ainsi que les apparences conventionnelles et lisses qui dissimulent souvent autre chose.

Faunes / Christiane Vadnais, Alto, 144 p., 13,95$
En sa qualité de première œuvre, Faunes est déjà honorée du Prix de création littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec 2019. Elle participe à l’élaboration d’un imaginaire qui est à la source des mythes et des légendes qui façonnent nos quêtes les plus profondes. Sauvages et libres, les univers qui constituent Faunes teintent les personnages et les actions, et non le contraire. Le lecteur est amené à Shivering Heights, là où la nature possède encore tous ses privilèges. L’ambiance hautement merveilleuse où déambule Laura, biologiste, exemplifie la force du vivant, la puissance des désirs, la sublimation de toute chose par son immortalité. Ancré dans les cycles et les courants qui le gouvernent, ce livre célèbre en quelque sorte la beauté du monde. En librairie le 23 septembre

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