À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

C’EST LE COEUR QUI LÂCHE EN DERNIER / Margaret Atwood (trad. Michèle Albaret-Maatsch), 10/18, 480 p., 15,95$
Avec cette sombre dystopie, la grande Atwood frappe encore fort : ce brillant et percutant roman explore les travers, les obsessions et les failles d’un monde qui semble peu à peu s’écrouler. Aux États-Unis, en raison de la crise économique, Stan et Charmaine survivent difficilement, logeant dans leur voiture. Comme leur vie est loin d’être un rêve, une publicité les attire et ils partent pour Consilience, une ville qui semble prometteuse. Ils ont un toit et un travail un mois sur deux, l’autre mois, ils sont en prison pendant qu’un couple vit dans leur maison avant de lui-même retourner en prison le mois suivant. La situation se complique lorsque Stan trouve un mot de celle qui partage aussi son lit : « Je suis affamée de toi ». Son désir chamboule tout, surtout qu’aucun contact ne doit avoir lieu entre les couples qui s’alternent.

 

L’AVANCÉE DE LA NUIT / Jakuta Alikavazovic, Points, 278 p., 14,95$
L’amour sauve-t-il de tout ? Quand Amélia et Paul se rencontrent, on serait tenté d’y croire. Elle vit dans un hôtel parisien qui appartient à sa famille. Il y travaille comme gardien de nuit. Absorbé par les allées et venues de cette inconnue, il en tombera follement amoureux. Jusqu’au jour où sans avertir, celle-ci part à la recherche de sa mère disparue pendant la guerre de Bosnie. Quand Amélia revient auprès de Paul dix années plus tard, elle n’est plus tout à fait la même. Meurtrie par la violence, ses nerfs sont fragiles et elle jongle entre réalité et délire. L’écriture imbriquée de l’auteure permet d’englober cette fresque complexe et riche qui donne la mesure du monde et de son abîme. Ce qui n’empêche pas la beauté de s’en mêler parfois, malgré et contre la noirceur.

 

AU FOND DE L’EAU / Paula Hawkins (trad. Corinne Daniellot et Pierre Szczeciner), Pocket, 500 p., 14,95$
Après le suicide de sa soeur, Nel, retrouvée dans la rivière, Julia retourne dans sa ville natale, Beckford. Julia était en froid avec sa soeur depuis des années et elle n’a pas répondu quand cette dernière l’a appelée une semaine avant sa mort. Julia est effrayée à l’idée d’affronter son passé. De plus, elle doit s’occuper de Lena, sa nièce de 15 ans qu’elle connaît à peine. Et il y a aussi cette rivière terrifiante où plusieurs tragédies ont eu lieu, un sujet sur lequel Nel comptait écrire. Les secrets du passé ont des répercussions accablantes pour les trois femmes de ce récit choral, Julia, Nel et Lena. Comme dans La fille du train, Paula Hawkins échafaude un polar sombre, prenant et efficace.

 

RENDEZ-VOUS À POSITANO / Goliarda Sapienza (trad. Nathalie Castagné), Le Tripode, 240 p., 21,95$
C’est un hommage aussi bien à une femme qu’à un lieu que nous livre l’auteure dans ce récit qui sera le dernier de Sapienza et qu’elle écrit trente-cinq ans à rebours. Comme un souvenir jamais évanoui tant les moments vécus auront été ineffables, elle décrit sa rencontre et son ardente amitié avec Erica, femme surnaturelle en même temps que terriblement humaine, dans ce Positano, village italien d’une beauté particulière. Écriture sensuelle par l’union des couleurs avec la lumière, par l’angle, parfait, du soleil qui se réfléchit sur la mer, la peau et dans les yeux de l’amie, c’est aussi l’art de la maîtrise qui émane des mots de Sapienza. Dans cette traversée du coeur, on hume l’air napolitain, on savoure le verbe haut, on se laisse prendre par les sentiments qui, comme tout amour, nous subjuguent sans permission.

 

DOULEUR / Zeruya Shalev (trad. Laurence Sendrowicz), Folio, 464 p., 15,95$
Ce grand roman interroge le sens de la vie, les choix déchirants et les blessures enfouies. À Jérusalem, Iris, une femme accomplie et une mère investie, a été blessée dans un attentat dix ans auparavant. Elle semble avoir surmonté son traumatisme malgré des tracas quotidiens et des douleurs qui l’accablent, mais son équilibre bascule alors qu’elle consulte un médecin, qui s’avère être son premier amour. Cette rencontre ravive une passion dont elle avait oublié l’existence et Iris essaie de garder le contrôle de la situation pendant que son mari s’éloigne et que sa fille lui cause des soucis. Comment choisir entre sa vie familiale et une passion retrouvée? Marquée par son passé, Iris devra inévitablement l’affronter.

 

LES REMPARTS DE QUÉBEC / Andrée Maillet, BQ, 192 p., 10,95$
Pendant une journée, en compagnie d’un Américain de l’Idaho, Arabelle Tourangeau se remémore sa vie et ses frasques, notamment son séjour en Europe où ses parents l’avaient envoyée pour apprendre les bonnes manières et où elle avait plutôt vagabondé, au grand désarroi de ses parents. La veille de cette journée de souvenirs, elle s’est promenée nue sur les plaines d’Abraham dans un geste de révolte, qui est malheureusement passé inaperçu. Cette jeune femme n’a pas envie d’être celle que ses parents bourgeois exigent qu’elle soit. Elle rejette le cadre établi, s’insurge contre la société conservatrice et se désole d’être enfermée dans les remparts de Québec. Andrée Maillet, lauréate du prix Athanase-David, entrecroise ici la petite et la grande histoire avec brio. En librairie le 14 novembre.

 

LA DERNIÈRE HEURE ET LA PREMIÈRE / Pierre Vadeboncoeur, Boréal, 120 p., 10,95$
La dernière heure et la première est initialement paru en 1970, alors que le Québec était en pleine ébullition. L’essayiste Pierre Vadeboncoeur rêvait alors d’un Québec libre et solidaire et posait un regard sévère sur la situation du Québec et sur le peuple tenu à l’écart du pouvoir. Selon lui, ce n’était certainement pas le fédéralisme du Parti libéral du Canada qui allait inscrire le peuple dans son histoire. Destiné à Pierre Elliott Trudeau, cet essai politique, prônant l’indépendantisme québécois et la prise de possession du pouvoir par le peuple, érige des constats fascinants et, de surcroît, toujours actuels. Voilà la pensée brillante et lumineuse d’un libre-penseur et d’un écrivain hors du commun qu’il faut prendre le temps de lire encore aujourd’hui.

 

DE SYNTHÈSE / Karoline Georges, Alto, 240 p., 15,95$
Récompensée par de nombreux prix, cette oeuvre de Karoline Georges possède en effet un caractère d’exception. De synthèse désigne à la fois l’image virtuelle que la narratrice tente de mener à l’apogée de son idéal et les médicaments administrés à sa mère pour apaiser la douleur que lui inflige un cancer. Entre humanité et réalité fantasmée, ce roman ouvre des perspectives qui remettent en question l’intime tout comme le désir de transcendance propre à chaque individu. Ces confessions sur les rapports familiaux et sociaux, sur nos obsessions et nos fêlures, l’affranchissement des frontières entre le réel et l’imaginé qui anime le personnage, son besoin impérieux de se reconnaître telle qu’elle est, tous ces éléments à la périphérie l’un de l’autre nous conduisent au centre d’une quête poétique, celle, éperdue, de vouloir exister. En librairie le 13 novembre.

 
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