À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Boo
Neil Smith (trad. Paul Gagné et Lori Saint-Martin), Alto, 440 p., 17,95$
Boo, 13 ans, se réveille dans un endroit étrange, surnommé le Village. Ce lieu, c’est là où tous les garçons de son âge se retrouvent après être passés dans un autre monde, après être morts. Lui, il est décédé devant son casier à l’école, pendant qu’il récitait le tableau périodique des éléments. C’est tout ce dont il se souvient. Grâce à Thelma avec qui il se lie d’amitié, il rencontre Johnny qui lui apprend qu’ils ont été victimes d’une fusillade et que le coupable pourrait être parmi eux. Ils se mettent donc à sa recherche. Cette fable, mettant en scène un attachant et sensible personnage, aborde l’intimidation avec finesse. Voilà un récit original et brillant sur notre place dans le monde et sur le pouvoir de l’amitié.

 

 

La danse juive
Lise Tremblay, Nomades, 136 p., 8,95$
Dans cette œuvre qui aborde les thématiques du corps et de la réussite, le personnage créé par Lise Tremblay est atypique : une pianiste, obèse, sensuelle, qui refuse les régimes et qui a un faible pour l’alcool. Elle lit la honte envers son poids dans le regard de sa mère alors que son père, lui, un ancien gros, ne lui parle dorénavant que de lui-même. Accompagnatrice dans une école de danse, elle côtoie une multitude de nymphettes aux corps sveltes qui lui fourniront le prétexte pour affirmer encore plus fort son désir – est-il réel? – de s’inscrire à contre-courant des canons de beauté. La danse juive, lauréat du prix littéraire du Gouverneur général en 1999, est une ode sensible à la part de monstrueux qu’il est possible de laisser échapper de nous sans pour autant nous laisser sombrer.

 

Les filles bleues de l’été
Mikella Nicol, Le Cheval d’août, 128 p., 10,95$
C’est le roman éthéré, enveloppant et sensuel de Mikella Nicol qui ouvre la nouvelle collection de romans en format poche du Cheval d’août, chapeautée par David Turgeon. Amitié, chagrin et amour : voilà la trinité à laquelle on est convié dans ce roman qui caresse la détresse de deux amies, Clara et Chloé, qui s’échappent, le temps d’un été, dans le chalet qui a bercé leur enfance afin d’y guérir leurs blessures. Si les deux narratrices sont fusionnelles dans leur amitié et s’appuient l’une sur l’autre pour remonter à la surface, elles incarnent également un fort dualisme : l’une est blessée par les autres et l’autre se blesse elle-même. À découvrir en même temps que le second roman de cette jeune auteure, Aphélie.

 

La mort nomade
Ian Manook, Le Livre de Poche, 480 p.
Le commissaire Yeruldelgger, qui a quitté la police d’Oulan-Bator et sa vie tumultueuse, vit des jours plus paisibles dans le désert de Gobi. Évidemment, cette pause sereine sera écourtée alors que deux cavalières auront besoin de son aide. Cette histoire le plongera dans des histoires sordides : enlèvements, assassinats, corruption, malversations des compagnies minières, etc. Avec La mort nomade, un roman sombre et efficace, la trilogie mongole de l’écrivain Ian Manook, qui a remporté beaucoup de succès, se clôt avec brio. Selon le libraire André Bernier, l’auteur « laisse souvent bouche bée un lecteur qui en a pourtant vu bien d’autres ». Vous voilà avertis.

 

Les pêcheurs
Chigozie Obioma (trad. Serge Chauvin), Points, 354 p., 14,95$
Dans un village du Nigeria, en janvier 1996, quatre frères font fi des règles en l’absence de leur père en pêchant dans une zone interdite du fleuve Omi-Ala. Surpris par le sorcier Abulu lors de leur désobéissance, ils seront victimes d’une malédiction lancée par ce dernier, proclamant que l’aîné sera tué par l’un de ses frères. Cette prophétie maudite chamboulera toute la famille, entraînant une sorte de fatalité au sein de la fratrie et des répercussions surprenantes, voire tragiques. Grâce à sa justesse, ce premier roman, empreint d’humanité, qui amalgame conte africain et monde contemporain, a marqué les esprits, se classant même parmi les finalistes du Man Booker Prize 2015.

 

Montréal noir 
Collectif, Numéro de série, 200 p., 16,95$
Montréal, à l’honneur dans les nouvelles de ce collectif, s’avère une ville sombre et noire… du moins sous les plumes de François Barcelo, de Marie-Claire Blais, d’André Truand, de Chrystine Brouillet et de Gilles Pellerin. Pour cette nouvelle édition, Patrick Senécal et André Marois embarquent également dans le terrain de jeu. En plus de possiblement nous faire découvrir le lieu idéal pour se débarrasser d’un cadavre, cette lecture nous entraîne dans les affres de la ville, parfois avec humour. On y croise notamment la suffocante rue Sainte-Catherine, l’éternelle heure de pointe, un chauffeur de taxi, un junkie mort, un mort qui se remémore le drame qui l’a tué, un taxidermiste et un préposé à la morgue. Montréal n’est assurément pas ennuyante

 

Petit pays
Gaël Faye, Le Livre de Poche, 224 p., 12,95$
Si les livres permettent de mieux comprendre notre société, notre monde, Petit pays en fait la démonstration. Ce premier roman de Gaël Faye fait œuvre utile en racontant, avec une justesse incontestable, l’enfance de Gabriel, 10 ans, vivant au Burundi avec son père français, sa mère rwandaise et sa petite sœur. Cette enfance comme les autres, marquée par les joies du quotidien et les mauvais coups avec les copains, glisse vers l’horreur, alors que le pays s’aventure vers la guerre civile et que le Rwanda voisin côtoie les pires atrocités. L’enfance disloquée, le cœur en miettes, les tourments : on respire l’horreur, et on comprend mieux ce que portent en eux les gens qui fuient leur pays en quête d’un monde meilleur. Oui, un roman qui rend humble, qui rend peut-être plus humain.

 

The Girls
Emma Cline (trad. Jean Esch), 10/18, 354 p., 14,95$
Quelle merveille que ce texte d’Emma Cline peaufiné jusqu’à la perfection! Chaque phrase est irréprochable (chapeau au traducteur!), le vocabulaire est à la fois précis et poétique et tous les sens se voient sollicités : difficile de croire que l’auteure n’avait que 27 ans à la parution et qu’il s’agissait de son premier roman. On suit, dans les années 60 en Californie, Evie Boyd, 14 ans, qui nage dans cette période riche en confusions, en émotions et en découvertes qu’est l’adolescence. Par curiosité, interpellée par l’esprit de liberté qui émane d’un groupe de filles marginales qui arpentent son village, elle se joindra à elles. C’est alors que le lecteur comprendra : la jeune fille est entrée dans l’antre de la bête, dans la secte de Charles Manson… Avec sensualité et adresse, Emma Cline nous fait visiter cette spirale cauchemardesque, de l’intérieur.

 
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