Copibec, société de gestion collective des droits de reproduction spécialisée dans le droit d’auteur, célèbre cette année ses 25 ans d’existence. Avec sa nouvelle présidente élue de son conseil d’administration, l’autrice Mélissa Verreault, Copibec entend assurer la pérennité de sa présence dans la vie des créateurs tout en relevant les défis qui l’attendent.

Fondée en 1997 par l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), Copibec, une entreprise d’économie sociale à but non lucratif, représente aujourd’hui plus de 30 000 autrices et auteurs et plus de 1 300 maisons d’édition. C’est sous le slogan « On compte pour vous » que la société de gestion sort et s’affiche en grand. Copibec compte, oui, car en vingt-cinq ans, ce sont 245 millions de dollars qui ont été remis aux auteurs et aux maisons d’édition d’ici. « On reçoit bon an mal an environ 15 millions de dollars grâce aux différentes licences signées (avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, avec des institutions gouvernementales, des compagnies privées et des Villes, etc.). Un montant est prélevé pour les frais de gestion et on redistribue la balance aux auteurs et aux éditeurs — ou encore aux artistes en arts visuels et aux journalistes, qui sont aussi des ayants droit. Le cumul des déclarations reçues sert à chiffrer la redistribution », explique Christian Laforce, directeur général de Copibec depuis juillet 2021. Il souligne que pour certains auteurs, bien que les chiffres varient grandement, le montant reçu peut faire une différence notoire dans la continuité de leur pratique artistique. Notamment pour les rares chanceux qui ont tiré le numéro gagnant et dont le texte est cité lors d’un examen ministériel, vu le grand nombre de copies.

Mais comment cela fonctionne-t-il? Voici un exemple, parmi les plus simples : un professeur d’histoire qui souhaite mettre à l’étude pour ses trois groupes de 30 élèves un chapitre de La femme qui fuit, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, devra remplir un formulaire de déclaration. Copibec colligera ensuite toutes les données recueillies par ces formulaires, puis redistribuera à l’autrice et à la maison d’édition les sommes auxquelles elles ont droit. « Copibec travaille actuellement à faire augmenter le nombre de redevances aux auteurs et aux éditeurs en diversifiant ses sources de revenus par la signature d’ententes privées, avec différentes compagnies ou, par exemple, avec des Villes », ajoute le directeur de la société de gestion. Par exemple, une licence a été achetée par la Ville de Laval, confirmant une collaboration de 2019 à 2025, période durant laquelle ses administrateurs verseront environ 137 000$ à Copibec afin que l’organisme redistribue l’argent aux ayants droit dont les œuvres auront été utilisées par la Ville — des extraits de manuels techniques envoyés à leurs employés, des passages d’un texte plus littéraire ajouté à leur rapport annuel, etc. « Les Villes et les compagnies privées sous licence avec Copibec s’affichent ainsi comme partenaires et deviennent des ambassadeurs pour le respect du droit d’auteur », souligne M. Laforce.

Christian Laforce : © Copibec

Pour les auteurs qui nous lisent actuellement : si ce n’est déjà fait, mettez vos coordonnées à jour chez Copibec; de l’argent vous attend peut-être, nous souffle-t-on à l’oreille. Pour les éditeurs : n’oubliez pas d’inscrire vos livres dans la base de données de Copibec; c’est du temps, mais ça peut vous rapporter! Et pour les enseignants : ne sous-estimez pas l’importance de faire vos déclarations d’utilisation malgré les efforts que cela peut nécessiter. « Notre travail, c’est de sensibiliser, de démontrer le bienfait de Copibec, de sa mission. On dirait que les gens ne mesurent pas toujours l’impact du geste de déclarer. L’argent ne va pas chez nous, elle ne fait qu’y transiger. Notre système de rétribution permet d’encourager le contenu québécois : et veut veut pas, quand on redistribue l’argent dans le milieu, ça encourage la pratique », ajoute M. Laforce.

À la défense de la décence
Mélissa Verreault porte plusieurs chapeaux : elle est écrivaine, traductrice, éditrice, enseignante de création littéraire et travailleuse culturelle. Dans un texte dont vous pourrez lire l’intégralité sur le site de Copibec (et dont les droits de reproduction des extraits nous ont été accordés, bien entendu!), la nouvelle présidente explique que ce qui l’anime dans cette mission de défense d’une rémunération plus juste, c’est de faire comprendre à un grand nombre de gens — étudiants, lecteurs, utilisateurs — qu’écrire est un travail qui mérite d’être rémunéré : « Les personnes qui écrivent devraient avoir une vie décente. On a créé des programmes universitaires pour former ces gens-là, pour faire ce métier-là. Et après l’école, quels sont les débouchés? […] Ce qu’on veut, c’est créer un milieu littéraire sain qui permet aux autrices, aux auteurs et aux maisons d’édition de bien vivre. Pour y arriver, on doit travailler ensemble et de façon concertée. »

Le cas litigieux de la gestion des droits d’auteur de l’Université Laval, en 2014, avait fait les manchettes et braqué les projecteurs sur le flou entourant sa gestion des rétributions. « Le tout avait découlé des modifications sur la Loi sur le droit d’auteur en 2012, qui ne donnait pas une définition claire de l’utilisation équitable d’un texte. L’Université Laval disait qu’elle pouvait reproduire tant qu’elle voulait parce qu’elle jugeait que c’était une utilisation équitable. Copibec avait appuyé l’action collective pour faire en sorte de tuer dans l’œuf le mouvement qui aurait pu s’opérer pour prendre la tangente prise au Canada anglais », explique M. Laforce, réitérant qu’il s’agit d’une grande réussite. En effet, l’utilisation « équitable » pouvait se faire à la discrétion des universités seulement si les ouvrages n’étaient pas sous licence, telles les licences de Copibec. Ce à quoi monsieur Laforce fait référence, en parlant de nos voisins anglophones, c’est de l’appui gouvernemental. « Au Québec, on a un avantage parce qu’on est appuyé par le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur. C’est important, car cela nous permet d’avoir des licences. » Ce n’est pas le cas ailleurs au pays, où, depuis une décennie, une baisse draconienne des redevances aux auteurs et éditeurs est notée.

Mélissa Verreault : © Copibec

Si au niveau provincial des ententes ont cours, bien qu’il faille toujours s’assurer des appuis, c’est au niveau fédéral que la partie n’est pas gagnée. Copibec tente d’ailleurs d’attirer l’attention du ministre Champagne, un des deux ministres fédéraux mandatés pour le dossier de la révision de la Loi sur le droit d’auteur, sur les enjeux qu’elle défend. D’ailleurs, en octobre, Access Copyright, l’homologue de Copibec du côté anglophone, lancera une campagne de sensibilisation. « On souhaiterait que le ministre Champagne puisse, avec son homologue, nous revenir avec un calendrier indiquant une date pour la présentation d’un projet de loi, exprime M. Laforce. Ce serait intéressant que l’ensemble des créateurs au Canada puisse avoir sa juste part du marché pour les droits de reproduction. »

Les mots de Mélissa Verreault, confiants et tournés vers des solutions, prouvent que les vingt-cinq années de vie de la société de gestion n’ont pas été vaines : « Notre mission a de l’impact. Copibec, c’est un organisme d’économie sociale; on redonne ce qui est dû aux travailleuses et travailleurs du milieu du livre. En redistribuant les droits de reproduction, on réinjecte directement dans la création de nouveaux livres. Et tout le monde y gagne. C’est l’avenir en littérature et ailleurs, ce rôle de consolidation d’un milieu fort, où les gens se parlent et collaborent sur des projets, plutôt que travailler chacun de son côté. On peut se permettre de rêver grand avec la force du nombre et en étant solidaire. »

Pour plus d’information ou pour produire des déclarations, rendez-vous sur copibec.ca

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