La librairie Planète BD est devenue au fil des ans une véritable référence pour tout ce qui concerne le 9e art. Son propriétaire, François Mayeux, travaillait dans le milieu des librairies depuis déjà trente ans quand il a fondé son commerce. Il s’implique aussi depuis très longtemps dans l’organisation d’événements sur le genre, ce qui fait que lorsqu’on parle avec lui, il ne fait pas de doute que nous avons affaire à un véritable spécialiste.

Originaire de la région de Saint-Étienne en France et arrivé au Québec en 1982, M. Mayeux ouvre Planète BD en 2008, il y a donc tout juste dix ans. Située en plein centre du Plateau-Mont-Royal sur la rue Saint-Denis à Montréal, Planète BD est un centre névralgique dans la vie de la métropole. Au Québec, elle est la seule librairie agréée spécialisée en bande dessinée, ce qui veut dire qu’elle peut offrir ses services aux institutions et ainsi, en faire bénéficier le plus grand nombre. « On sent un intérêt croissant de la part des enseignants et des bibliothécaires, ils veulent constituer un fonds conséquent en bande dessinée et savoir quoi tenir pour telle clientèle ou telle tranche d’âges. » Planète BD est également détentrice du titre de Meilleur détaillant de bandes dessinées au Canada, décerné en 2011 par l’équipe des Joe Shuster Awards, la plus grande récompense dans le domaine au pays.

Les prix et les distinctions apportent une solide renommée à l’entreprise, il est vrai, et viennent prouver que sa réputation n’est pas feinte, mais il est important de dire que derrière ces honneurs, le travail quotidien et la constante implication des libraires de Planète BD sont la pierre angulaire de son excellence. En additionnant le nombre d’années d’expérience des huit libraires de Planète BD, on se rend aisément jusqu’à 100. Chacun possède ses champs d’intérêt spécifiques, ce qui fait que, mis bout à bout, la toile des connaissances de la bande de Planète BD représente une incroyable superficie. C’est ce qui caractérise la librairie spécialisée, elle atteint un niveau de compétence incomparable qui fait que tant le grand amateur que le néophyte trouveront à l’évidence ce qu’ils cherchent quand ils passeront la porte de Planète BD. Même quand ils ne savent pas exactement ce qu’ils cherchent.

Une librairie au service des bulles
Comme la librairie est sise sur une rue très passante, maints curieux s’y arrêtent. C’est encore plus vrai depuis le déménagement en 2017 dans un nouveau local aux hauts plafonds et basé au rez-de-chaussée, qui a été complètement refait par une équipe de designers, donnant une touche originale à l’endroit. Avec une classification bien à elle, puisque les sections sont organisées par grands genres, allant de la BD québécoise à la BD de science-fiction, en passant par la BD policière, historique et celle dite d’auteurs, la librairie dénombre un inventaire pour le moins enviable de 12 000 bandes dessinées francophones avec presque l’intégralité, sinon la totalité de la production québécoise. Il y a nécessairement à l’intérieur de ce magasin une BD pour chaque client. Plusieurs fidèles visitent régulièrement la librairie, en font même un rendez-vous hebdomadaire afin de reluquer les parutions fraîchement sorties.

François Mayeux s’emploie autant à vendre de la bande dessinée qu’à la faire découvrir et apprécier. « On est très impliqués avec le Festival de BD de Montréal, avec les prix Bédélys, on fait le Salon du livre depuis une dizaine d’années pour la maison Hachette, on fait des lancements, des événements, on est très proactifs. » Et à entendre la façon dont M. Mayeux parle de BD, cet investissement de temps et d’énergie semble participer avant tout d’un élan naturel pour la cause beaucoup plus que d’un plan de ventes stratégique. « On a assez vite cessé de commercialiser toute la parabande dessinée, c’est-à-dire les produits dérivés, les figurines, les statuettes, les choses comme ça qui n’étaient pas vraiment notre marché. On est avant tout des passionnés de livres et ce qu’on aime, c’est en conseiller. »

Une incroyable (r)évolution
Décider de se consacrer entièrement à un genre, ça veut aussi dire l’aimer beaucoup. L’époque où l’on considérait la bande dessinée comme un genre mineur est bien révolue. Sa diversité, sa richesse tant visuelle que narrative sont patentes à plusieurs égards. « La BD, depuis une bonne vingtaine d’années, c’est un genre qui s’est extrêmement développé et épanoui, et qui touche tous les publics aujourd’hui. C’est ce qu’on va démontrer dans une librairie spécialisée, on ne va pas suivre simplement les tendances du moment ou parler sans arrêt de Tintin, par exemple. » La librairie a aussi l’avantage d’être membre du réseau Canal BD, un regroupement de librairies spécialisées surtout européennes. Planète BD est la seule en Amérique du Nord à en faire partie, ce qui lui permet d’être à l’avant-garde des nouvelles parutions et même de présumer des prochains succès dans les librairies généralistes. « C’est toujours une fierté d’avoir été les premiers à pousser tel ou tel titre, et même souvent réveiller les distributeurs en leur disant qu’ils avaient une perle entre les mains et qu’ils avaient peut-être négligé de le travailler comme il faut au départ. » La librairie tient également les fanzines et les BD autodistribués, une façon d’aider la relève et d’assurer la pérennité du genre. Il n’est pas si rare de voir après quelques années ces mêmes artistes parmi les plus sérieux publier dans des maisons, et même devenir parfois éditeur. « Je pense à Luc Bossé de Pow Pow qui, au début, nous amenait son fanzine. Il s’est démarqué rapidement en faisant preuve de professionnalisme, pour finalement se lancer dans l’édition et aujourd’hui être un des très bons éditeurs au Québec. » Un autre aperçu de l’engagement volontaire de Planète BD.

QUELQUES CONSEILS…
Le service à la clientèle et le sentiment de convivialité, avec la pertinence du conseil, sont les joyaux de la librairie Planète BD. Profitant d’avoir à notre portée M. Mayeux, nous lui demandons quelques pistes sur ses titres incontournables. La série « Blast » de Manu Larcenet reste ce qu’il choisirait d’apporter sur une île déserte. Zaï Zaï Zaï Zaï de Fabcaro figure aussi dans ses préférences et est un exemple d’album propulsé par les libraires spécialistes, au même titre que « Les vieux fourneaux » de Lupano et Cauuet ou « L’Arabe du futur » de Riad Sattouf. « En jeunesse, il y a une BD qui est vraiment exceptionnelle actuellement et c’est “Imbattable”, une série très dynamique qui joue beaucoup sur la composition des planches, sur le personnage qui a le pouvoir de passer d’une case à l’autre. Ça permet de jongler beaucoup avec le langage BD. » Pour celui ou celle qui souhaiterait s’initier à la bande dessinée, Tout seul de Chabouté est une belle entrée en matière. Pour finir, notre libraire ne pouvait passer sous silence Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris, un titre qu’il n’a pas eu encore l’occasion de lire au moment où ces lignes sont écrites, mais qui récolte déjà des critiques dithyrambiques, « un vrai coup de tonnerre » qui résonne d’un bout à l’autre de la sphère phylactère.

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