BQ : 25 ans de littérature en poche

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Qui ne se souvient pas de Menaud, maître-draveur de Félix-Antoine Savard ou encore du Torrent, d’Anne Hébert ? Si les jeunes étudiants peuvent encore lire ces classiques, c’est notamment grâce à Bibliothèque québécoise, qui se fait un point d’honneur d’éditer en format poche les monuments de notre littérature, d’hier mais également d’aujourd’hui. À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la maison, le libraire s’est entretenu avec Pascal Genet, directeur administratif, afin d’en découvrir davantage sur la philosophie de cet éditeur. 

Qui a fondé Bibliothèque québécoise et quels étaient les objectifs au départ?

Bibliothèque québécoise (BQ) a été fondée en 1988 par les Éditions Fides, les Éditions Hurtubise et Leméac Éditeur. Au départ, il s’agissait d’une collection de livres de poche créée par Sœur Micheline Tremblay, alors directrice de Fides. La faillite de Fides et son rachat par Coopsco en 2010 a provoqué son retrait du partenariat. Depuis, BQ est une maison d’édition indépendante, administrée conjointement par les Éditions Hurtubise et Leméac Éditeur.

Les objectifs au départ étaient simples : offrir de bons livres en format de poche, de qualité et au meilleur prix pour permettre la diffusion de textes de la littérature québécoise.

 

Comment sélectionnez-vous les titres du catalogue de Bibliothèque québécoise?

Comme BQ publie dix titres par an, la sélection des titres par le comité éditorial est rigoureuse. Un tiers des titres choisis proviennent des catalogues des éditeurs actionnaires, un second tiers de catalogues d’éditeurs extérieurs et enfin un dernier tiers est tiré d’œuvres du domaine public tombées dans l’oubli et qui méritent une redécouverte. Ce dernier point est important parce qu’on oublie souvent que publier l’œuvre de Saint-Denys Garneau (Regards et jeux dans l’espace), de Albert Laberge (La Scouine) ou de Ringuet (Trente arpents) nécessite un important travail éditorial pour respecter la démarche des auteurs et le contexte historique de production de ces textes.

 

Qu’est-ce que le format poche apporte, par rapport au format régulier dit grand format?

Spontanément, on pourrait affirmer que l’avantage principal du livre de poche c’est le prix de vente qui est souvent 50 % inférieur au prix du grand format. Mais c’est trop simple ! En fait, compte tenu de la réalité du marché du livre au Québec, pour BQ, publier en livre de poche permet avant tout de donner une seconde vie à des textes qui n’ont pas toujours trouvé leur public en primo-édition. On est loin de la réalité française où le livre de poche est avant tout une façon de prolonger le cycle de vie commercial d’un titre best-seller ! Si cette façon de faire peut être favorisée par certains éditeurs québécois, souvent, à grands frais, ce n’est pas notre approche. Tous les titres sont publiés des années après la première édition en grand format. De plus, ils sont entièrement refaits (mise en page, couverture), mis à jour et contextualisés ce qui contribue souvent à apporter un éclairage nouveau sur des textes importants de la littérature québécoise.

 

Quel public souhaitez-vous rejoindre avec la publication de vos ouvrages? La clientèle en milieu scolaire ou celle en librairie et bibliothèque?

BQ tente de rejoindre tous les publics. Par contre, la façon de le faire est très différente selon qu’on travaille avec des libraires ou des prescripteurs scolaires. Une constatation s’impose : le poche est pratiquement absent de l’espace médiatique qui a déjà du mal à couvrir les parutions en grand format. Les médias ne connaissent pas (et ne reconnaissent pas non plus) le travail éditorial qu’une maison d’édition comme BQ réalise. Difficile dans de telles conditions de toucher le plus large public d’autant que les budgets de promotion sont plutôt limités ! Heureusement, les libraires sont des fidèles alliés qui comprennent et soutiennent notre démarche. Du côté des prescripteurs scolaires, on travaille avec les déléguées pédagogiques de Distribution HMH et en direct à travers les réseaux sociaux. Il faut être attentif aux nouvelles pratiques d’enseignement et être capable de répondre à de nouvelles exigences pédagogiques.

 

Est-ce que les livres de Bibliothèque québécoise sont diffusés en France et ailleurs qu’au Québec? Permettent-ils de diffuser la littérature québécoise à l’étranger?

BQ est diffusée en Europe par l’intermédiaire de Distribution du Nouveau Monde, propriétaire de la Librairie du Québec à Paris. BQ participe à différents salons du livre (Paris, Blois) pour contribuer à la diffusion de la littérature québécoise à l’étranger.

 

Quelle est la proportion de livres publiés entre les classiques du terroir et les romans d’auteurs contemporains?

Historiquement, la proportion entre auteurs classiques et contemporains se situait autour de 50/50. Aujourd’hui, seulement un tiers des titres publiés sont des auteurs du patrimoine littéraire québécois. On trouve important d’en publier moins, mais de les travailler mieux tant sur la forme que sur le fond… Par exemple, rééditer Albert Laberge (La Scouine) demande un travail éditorial important compte tenu de l’abondance de (très mauvaises) versions du texte disponibles actuellement sur le marché. Il faut rendre hommage à l’auteur, à son intention, à sa démarche originale, bref : revenir à l’essentiel ! Le soin apporté à ces rééditions exige beaucoup de temps et d’énergie, qui contribue à la qualité finale du livre publié. Les lecteurs sont plus exigeants qu’on le pense, ils sont très sensibles à la qualité éditoriale des textes qu’on leur propose, en grand format ou en poche.

 

Quel livre publié chez BQ fonctionne le plus? Quel a été le plus grand succès de BQ depuis les vingt-cinq dernières années?

En termes commerciaux, on peut affirmer, sans crainte, que ce sont les  auteurs « classiques » (Honoré Beaugrand, Émile Nelligan, Germaine Guèvremont, Saint-Denys Garneau, Ringuet, etc.) qui remportent la palme des meilleures ventes. Le plus grand succès est Maria Chapdelaine de Louis Hémon qui est au catalogue BQ depuis 1990. Par contre, il ne faut pas négliger les auteurs contemporains, comme Hubert Aquin, Jacques Ferron, Mordecaï Richler, et plus récemment, Marie-René Lavoie, Marc Séguin ou Charles Bolduc, qui prennent leur place.

En termes éditoriaux, la plus grande fierté de BQ est de permettre à des œuvres de la littérature québécoise de se côtoyer au sein d’un catalogue prestigieux et d’être défendu avec une énergie et une passion sans cesse renouvelées.

 

Acceptez-vous de publier des livres autres que ceux appartenant aux éditeurs propriétaires de BQ, c’est-à-dire Leméac et Hurtubise?

Historiquement, le catalogue BQ a toujours été ouvert à d’autres éditeurs, c’est un des principes fondateurs ! Aujourd’hui, on accueille avec bonheur de nouveaux partenaires, comme les Éditions du Passage, Liber et d’autres à venir, qui ont compris que BQ est une maison d’édition indépendante qui peut leur apporter un rayonnement éditorial et commercial unique.

 

Quels sont les prochains livres annoncés au catalogue BQ?

25 ans, ça se fête en grand ! Cet automne, BQ accueille Jean-Claude Germain (Nous étions le nouveau monde), Pierre Szalowski (Le froid modifie la trajectoire des poissons), Catherine Mavrikakis (Ça va aller) et Serge Bouchard (Confessions animales). 2014 s’annonce aussi comme une année de grand cru…

 

À l’ère du numérique, quel est selon vous l’avenir de BQ et du livre de poche en général?

Faut-il opposer poche et numérique ? Je ne crois pas, ce sont deux supports du texte distincts qui génèrent des pratiques de lecture différentes. La question est plutôt d’ordre économique puisque le prix du poche est généralement fixé à 50 % du prix du grand format alors que le numérique se situe actuellement à 75 %. Le numérique semble avoir des avantages notamment pour la diffusion de textes du domaine public qui pourront trouver un plus large lectorat avec les risques d’avoir un impact négatif sur les ventes de poche en prescription scolaire. Ce qui explique d’ailleurs la « méfiance » des certains éditeurs envers le numérique…

Je crois que BQ a encore de beaux jours devant elle, il faut être proactif, ne pas succomber aux sirènes de la concurrence et garder le cap sur la production de textes de qualité, tant sur le fond que la forme… 

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