Alexandre Bergeron: Un président atypique

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Le nouveau président de la coopérative des Librairies indépendantes du Québec (LIQ) a un sourire vitaminé, une passion pour les chiffres et est, avant toute chose, un homme d’équipe. Si Alexandre Bergeron, 41 ans, est propriétaire de la librairie Larico de Chambly depuis 2013, c’est pourtant bien avant – à 13 ans! –  qu’il entamait sa carrière dans l’entreprise familiale…

Il entrait tout juste au secondaire et lisait avec passion les BD mettant en vedette Astérix, Tintin, Michel Vaillant, Spirou, Fantasio et Lucky Luke lorsque ses parents, Yvon et Linda Bergeron, ont racheté le commerce de la Place Chambly. La librairie portait déjà le nom de Larico, legs de ses tout premiers propriétaires dont les noms étaient Lachapelle et Rivet. En ajoutant « compagnie » à leur patronyme, et en ne conservant que la première syllabe de chaque mot, on obtient l’original Larico. Et force est d’admettre que le nom du commerce, qui a tôt su s’implanter dans la communauté, est maintenant synonyme d’indispensable.

Si, tout jeune, Alexandre Bergeron a grandi très près de l’entreprise, c’est après un certificat en français écrit qu’il fait véritablement son choix : un bac en marketing ce sera, dans le but de prendre par la suite les rênes du commerce familial. « Oui, le marketing est habituellement le maillon faible des libraires. C’est pourquoi je dis souvent que je fais un peu bande à part! », nous dévoile celui qui fut, durant six années, trésorier de la coopérative des LIQ, regroupement qui édite notamment la revue que vous tenez entre vos mains et le site de vente transactionnel (Leslibraires.ca). « Les chiffres font partie de la réalité, et l’aspect gestion est un élément des plus important pour tenir un commerce en santé », ajoute celui qui veille à ce que nos budgets soient équilibrés.

Au bout du fil comme dans sa carrière, l’homme de chiffres n’est pas bien loin et il nous le prouve en nous gratifiant d’une statistique : « Puisque seulement 20% des entreprises réussissent après le passage à la deuxième génération, je m’estime chanceux de poursuivre le travail incroyable fait par mes parents avant moi. C’est encourageant de reprendre une entreprise en santé. » Et, avançons que ses parents sont sûrement heureux de voir leur librairie entre bonnes mains.

Briser le moule
« Je me suis toujours défini comme un libraire atypique, dévoile Alexandre Bergeron. Je suis très curieux, je lis beaucoup de biographies d’hommes politiques, de sportifs ou d’ouvrages qui traitent d’économie. » Selon lui, les livres sont une façon formidable de s’ouvrir à l’actualité, de connaître le monde qui nous entoure. Ainsi, il a lu tout ce qui s’est écrit en matière d’essais sur les années 20 à Montréal : « Comme je viens d’une famille italienne, tous les livres relatant les guerres de territoires entre mafias montréalaises et motards font pour la plupart partie de ma bibliothèque! »

Un libraire qui aime les chiffres et qui ne lit pas uniquement de la grande littérature, c’est donc possible? Oui, assurément, et Alexandre Bergeron est déterminé à prouver que le milieu de la librairie n’est pas exclusivement réservé aux intellectuels. « Je souhaite que les littéraires, comme les gens qui lisent sporadiquement, osent venir en librairie », explique-t-il. Que ce soit dans une librairie de centre commercial ou dans une librairie qui a pignon sur rue, dans les deux types d’entreprises, ce qui importe, souligne Alexandre Bergeron, ce n’est pas leur situation géographique, mais bien la qualité des libraires et l’offre intéressante qu’on y retrouve, laquelle doit correspondre à l’offre du marché afin de répondre aux goûts de tous les clients, ceux qui viennent pour se divertir grâce aux livres comme les autres. Située dans un centre commercial, la librairie Larico offre ainsi autant le dernier John Grisham à ses clients que le Nobel de 1993. « C’est notamment ce que j’apprécie le plus de mon équipe chez Larico : sa diversité. Ce sont des gens aux passions différentes et complémentaires », explique Alexandre, qui cite en exemple cet employé formé en philosophie qui s’intéresse beaucoup à la poésie, et qui leur permet ainsi de répondre à toutes les demandes de leur clientèle. Ainsi, son équipe de dix-sept employés est parée à toutes questions.

Alexandre le libraire, tout comme Alexandre le président, mise énormément sur le travail d’équipe. « À travers mes implications, à travers mes loisirs, j’ai toujours été à la tête d’équipe », explique celui qui entraîne une équipe de baseball et dont le parcours est jalonné de diverses implications : membre de l’exécutif de la Chambre de commerce de Chambly durant six ans, trésorier d’un organisme aidant les enfants en difficulté alimentaire durant cinq ans et membre des conseils d’administration des LIQ et de l’Association des libraires du Québec (ALQ) durant sept ans. « Mon type de gestion en est une participative : je suis plutôt un rassembleur, un coordonnateur », explique-t-il humblement.

L’autre objectif qu’Alexandre Bergeron souhaite atteindre en tant que président est de permettre à la coopérative d’aider les librairies à rayonner et à croître dans une industrie difficile, sans égard à leur situation géographique ou à leur taille. « D’ailleurs, ajoute-t-il, la toute récente vente de la librairie indépendante de Montréal Olivieri à Renaud-Bray est un parfait exemple des défis qui guettent les librairies indépendantes. »

Un milieu dynamique et diversifié
Son mandat en tant que président des LIQ, il le prend à cœur. Comme il œuvre dans le domaine du livre depuis plusieurs années, il a une vision élargie et affirme que le milieu a beaucoup évolué. « Ce qui est formidable, c’est que les librairies et les autres maillons de la chaîne – éditeurs, distributeurs, diffuseurs – sont plus dynamiques que jamais : tout semble possible. Les périodes inquiétantes qu’on a vécues – par exemple avec l’arrivée du livre numérique – ont forcé les gens à travailler davantage. » Et le résultat, on le récolte aujourd’hui, avec une production diversifiée, de qualité, démystifiée. Le libraire en lui n’étant jamais bien loin, Alexandre ne peut alors s’empêcher de citer l’exemple de Charles à l’école des dragons (immense album magnifiquement illustré chez Seuil), qui prouve à quel point la littérature jeunesse a fait des progrès.

Littérature jeunesse, vous dites? Oui, Alexandre en est presque devenu un expert grâce à ses trois filles, âgées de 6 et 12 ans. D’ailleurs, l’une d’entre elles a déjà été prise la main dans le sac, à servir – et avec brio – une cliente de la librairie alors qu’elle s’y trouvait avec son père… Qui sait? Peut-être qu’une troisième génération de Bergeron prendra un jour les rênes? Le président tient sûrement certaines statistiques à ce sujet…

 

Une librairie dans un centre commercial
Larico célébrera ses 50 ans en 2017.  Ayant toujours été située à la Place Chambly, la librairie de 6000 pieds carrés – elle en faisait 3000 jusqu’à ce qu’Alexandre Bergeron reprenne le commerce et en double la superficie – jouit d’une clientèle fidèle, composée en majorité de jeunes familles de professionnels habitant les environs. Et en quoi le fait d’être situé dans un centre commercial est-il avantageux pour Larico? « La clientèle a la chance de venir dans des commerces complémentaires. Étant un centre commercial de proximité, on est un commerce de destination… dans le sens que les gens ne viennent pas faire du lèche-vitrines, mais plutôt pour combler leur besoin. Ce qui est particulier et agréable, c’est que les commerces appartiennent à des gens de ma génération qui ont repris le commerce de leurs parents également. Donc nos objectifs sont sensiblement les mêmes », explique le propriétaire, dont la famille est également propriétaire du centre d’achats.  

 

QUESTIONS EN RAFALE

Votre livre favori?
Les cerfs-volants de Kaboul de Khaled Hosseini

Quels livres conseillez-vous le plus fréquemment aux clients?
Central Park de Guillaume Musso, L’orangeraie de Larry Tremblay (que j’ai adoré) et Hell.com de Patrick Senécal

Quel est votre dernier livre lu?
Yeruldelgger de Ian Manook

Qu’y a-t-il sur votre table de chevet présentement?
Le sans-papiers de Lawrence Hill et Métier : Infiltrateur (t. 2) d’Alex Caine

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