La poète Virginie Beauregard D. a publié les recueils Les heures se trompent de but, D’une main sauvage et Les derniers coureurs (L’Écrou). Elle a ensuite adressé ses mots aux enfants de 9 ans et plus dans Perruche, publié à La courte échelle, dans une collection qui vise à initier le jeune public à la poésie. Alors qu’à la maison, ses parents ne s’entendent pas toujours, un garçon essaie d’oublier sa tristesse et il rêve de liberté, comme celle de son oiseau qui s’est envolé avant de disparaître. L’auteure qui dépeint avec sensibilité les sentiments de ce garçon nous dévoile les raisons pour lesquelles il est important de mettre les jeunes en contact avec la poésie.

1. Le livre de poésie est un livre d’images
À les écouter parler, plusieurs enfants semblent plus avancés que nous en poésie. Elle semble intrinsèque chez eux. À l’instar de ce jour de promenade, durant lequel un enfant m’a dit qu’il connaissait tous ses quartiers d’orange. La poésie prête vie aux choses et leur donne un sens par le biais d’images. Nous ne remettons pas en question l’accès aux albums illustrés chez les petits. Je crois que nous pouvons leur confier des livres de poèmes, ces livres d’images dont les dessins restent à tracer.

2. S’éloigner du cours de français
La poésie est puissante et synthétique. Elle ne requiert pas une attention continue comme le roman. Furtive et surprenante, elle éloigne la langue de son ombre académique et souvent stressante. L’exploration libre du langage permet de décomplexer le français et de stimuler l’envie de l’exploiter. Je pense qu’en lisant de la poésie, les enfants peuvent être incités à écrire et même à retrouver le plaisir lié au langage qui les a poussés à apprendre à parler.

3. Explorer les émotions
Les émotions sont ressenties avant d’être nommées. Après coup, le mot qu’on y accole est approximatif. Davantage de détours et d’attention sont nécessaires pour cerner la bête. Mais la vie étant ce qu’elle est, on dit à l’enfant triste de prendre une gorgée d’eau et de retourner avec le groupe. La poésie explore la pénétrante réalité des émotions. Des enfants m’ont dit qu’en lisant certains poèmes, ils se sentent respectés dans la complexité des sentiments qu’ils éprouvent au quotidien.

4. S’égarer
La poésie ressemble aux jeux de rôle des enfants. On y use de beauté et de laideur, d’amour et de violence. On y propose aux enfants des pistes pour comprendre la vie sans imposer de solution miracle à la condition humaine. La poésie utilise l’égarement comme une astuce pour aborder le monde. Ainsi, le poème explore tout ce qu’il veut. Faut-il redire aux parents et aux enseignants que pour aller loin, il ne faut jamais demander son chemin à qui ne sait pas s’égarer*?

5. S’émerveiller
En cette époque de surstimulation, l’« occupationnel » est glorifié tandis que l’espace pour s’émerveiller rétrécit. La poésie se fonde sur une exploration sensuelle du monde et stimule l’émerveillement essentiel au développement humain. Permettre aux enfants de lire de la poésie et éventuellement d’en écrire, c’est faire confiance à leurs perceptions, valider leurs désirs et accepter la réalité telle qu’ils la conçoivent. C’est un peu comme les laisser aller jouer dehors et fabriquer des cabanes.

* Roland Giguère, Forêt vierge folle, L’Hexagone, 1978.


Célébrer la poésie
Par Alexandra Mignault

1. Peigner le feu / Jean-Christophe Réhel, La courte échelle, 64 p., 12,95$
Le narrateur raconte sa première année au secondaire, avec tout ce que cela comporte de peur, d’inquiétude, d’insécurité et de désarroi. Anxieux, il se sent seul devant ce monde inconnu, cette école qu’il compare à une immense forêt. Il a l’impression d’être différent, voudrait être normal, tout en souhaitant être invisible. Le secondaire et les aléas de l’adolescence, cela en fait beaucoup à apprivoiser. Authentique et touchante, empreinte d’images fortes, cette poésie va droit au cœur. Dès 11 ans

2. Quelques instants d’année / Nadine Descheneaux et Élisabeth Eudes-Pascal, Soulières éditeur, 108 p., 10,95$
Illustré par Élisabeth Eudes-Pascal à l’encre de Chine, ce recueil de haïkus saisit des détails qui jalonnent une année scolaire, capture des moments du quotidien, tels que la rentrée, le temps des pommes, les lunchs, la première neige, la relâche et les vacances. Les mots permettent de cueillir ces souvenirs, de se les remémorer et de prendre le temps d’apprécier ces petites choses qui ponctuent une vie, qu’on oublie parfois. Une douceur émane de ces haïkus contemplatifs. Dès 10 ans

3. Branchez-vous! Et autres poèmes biscornus / François Gravel et Laurent Pinabel, Les 400 coups, 56 p., 22,95$
À travers vingt-sept poèmes, où l’anglais se faufile parfois, l’auteur s’amuse avec la richesse et les incongruités de la langue ainsi qu’avec les mots et leur sonorité. En résultent des jeux de mots brillants, une poésie ingénieuse et libre qui met à l’honneur les beautés de la langue de façon ludique et drôle. Une poésie éclatée et réjouissante — tout comme les illustrations de Laurent Pinabel — qui décroche des sourires et titille notre esprit. Dès 9 ans

4. Quand j’écris avec mon cœur / Mireille Levert, La Bagnole, 44 p., 24,95$
Ce grand album magnifique dévoile ce qu’est la poésie avec un brin de folie et de jolies images, autant en illustrations qu’en mots. Dans ces poèmes émouvants et enveloppants, nous observons les détails du quotidien pour célébrer la splendeur qui nous entoure, pour voir la poésie de la vie, qui est partout quand on regarde bien, pour ressentir les émotions qui nous habitent. Cette ode à l’imaginaire, aux mots et à la poésie donne envie de rêver ensemble. Dès 7 ans

5. Mon lit de rêve / Gilles Tibo et Mathilde Cinq-Mars, L’Isatis, 32 p., 18,95$
Après Poésies pour la vie, Gilles Tibo nous convie au pays des songes, à nous blottir au creux du lit, lieu de bonheur. Cet album apaisant, superbement illustré par Mathilde Cinq-Mars, initie les tout-petits à la poésie, avec des rimes entre autres, ainsi que des mots qui évoquent de belles images sur le sommeil et la nuit. Dans une atmosphère douce et intime, ce livre interpelle les rêves, l’émerveillement et l’imagination des enfants. Dès 3 ans

Photo de Virginie Beauregard D. : © Chantale Lecours

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