Éternel Impressionnisme

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Peu de mouvements artistiques ont connu une postérité comme l'impressionnisme, dont les œuvres sont encore très prisées aujourd'hui. Pour aller au-delà des clichés habituels, la troisième édition du très beau volume L'Impressionnisme, édité chez Taschen, est tout indiquée.

Vue d’ensemble

Six auteurs se chargent de retracer la vaste histoire de la peinture impressionniste. Il est difficile ici de parler de « mouvement », tant les changements dans la façon de voir et la conception de l’art pictural sont profonds, durables et, pour ainsi dire, universels : les auteurs n’ont d’autre choix que d’étendre leur étude jusqu’en 1920 et, dans la deuxième partie, de retracer l’influence impressionniste à travers l’Europe et l’Amérique du Nord… jusqu’au Musée national des beaux-arts du Québec.

La première partie est consacrée au noyau français. S’il est quelque peu déroutant de suivre plusieurs biographies simultanément, la méthode permet au moins d’effacer les détails personnels au profit du mouvement d’ensemble. L’une des qualités certaines du texte est de fusionner les approches, en prenant en considération à la fois les données sociohistoriques et celles plus spécifiques au champ artistique, tout en faisant bien sûr la part belle aux analyses d’œuvres. On se prend à regretter quelquefois que certaines pièces ne soient mentionnées qu’au passage, mais le volume contenant approximativement 1500 reproductions, on serait bien mal venu de critiquer…

Évidemment, la richesse de cet ouvrage tient à son abondante iconographie. Plus qu’un livre à lire, c’est un livre à voir et à regarder. C’est en parcourant ses pages qu’on peut admirer la diversité et la richesse de l’impressionnisme, tant dans la variété des styles que des sujets. Grâce à l’approche historique et comparative, on peut surtout voir que ce mouvement n’est pas sorti de e part : une large place est faite à ses prédécesseurs, tels les peintres réalistes ou ceux de l’école de Barbizon.

Plan rapproché

À l’opposé de cette vue globalisante du mouvement artistique, le biographe et romancier Pierre Assouline a choisi de l’aborder à la fois de l’intérieur et de biais, en scrutant la vie de Paul Durand-Ruel, découvreur et promoteur par excellence de l’impressionnisme. Ce marchand de tableaux unique en son genre fut toute sa vie un défenseur de cette peinture dont on disait à l’époque qu’elle était « de nature à faire se cabrer les chevaux d’omnibus » !

Le sujet d’Assouline permet d’aborder l’impressionnisme sur la longue durée, et d’assister à des changements radicaux, non seulement dans le goût du public, mais aussi dans le champ artistique : en1860, ce sont les institutions (académies, instituts, salons) qui consacrent et font vivre les artistes ; après la génération des impressionnistes, les artistes s’en remettront essentiellement au grand public, par l’entremise des marchands d’art.

Pierre Assouline dit de Durand-Ruel qu’il dut « inventer son métier ». L’affirmation est presque vraie : le commerce des œuvres était une entreprise familiale, inscrite dans un marché florissant. Il a néanmoins inventé plusieurs pratiques qui font sourciller le lecteur d’aujourd’hui, notamment celle de s’assurer de l’exclusivité de la production d’un artiste en échange de mensualités. On se prend à rêver lorsqu’on lit que Renoir lui réservait toutes ses nouveautés…

Le récit d’Assouline est le meilleur de ce qu’on peut espérer d’une biographie. Le personnage est suffisamment effacé pour qu’on nous évite les trivialités, et paradoxalement assez important pour qu’on puisse lire à travers lui une époque incomparable.

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Grâces lui soient rendues : Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes, Pierre Assouline, Folio
L’Impressionnisme, Ingo F. Walther, Taschen

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