Jean Pettigrew présente Les jardins statuaires de Jacques Abeille

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Jean Pettigrew, directeur éditorial des éditions Alire, présente un roman qui l’a particulièrement marqué : Les jardins statuaires de Jacques Abeille (Le Tripode).

« Je vis de grands champs d’hiver couverts d’oiseaux morts. Leurs ailes raidies traçaient à l’infini d’indéchiffrables sillons. Ce fut la nuit. J’étais entré dans la province des jardins statuaires. »

Ainsi débute l’une des œuvres les plus fascinantes de la littérature française contemporaine, et dont l’écriture somptueuse n’a d’égale que la profonde cohérence de l’univers imaginé par son auteur, Jacques Abeille. De fait, je n’hésite pas à placer ce roman sur la même tablette que Le rivage des Syrtes, de Julien Gracq, ou Le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Mieux, le cycle auquel Jacques Abeille a donné vie, celui des « Contrées », ne démérite aucunement face à d’autres, nettement plus connus et adulés, comme le Gormenghast de Mervyn Peake ou le Terremer d’Ursula K. Le Guin.

Originalement paru chez Flammarion, Les jardins statuaires a cherché son public chez Joëlle Losfeld, Attila, Folio avant que le cycle ne soit republié dans son intégralité au Tripode – magnifiquement illustré par Schuiten.

Est-ce en raison du rythme lent du début que le roman a mis un temps certain à s’imposer ? De l’omniprésence du narrateur, au ton posé et réfléchi, qui, ne connaissant personne à son arrivée, laisse peu de place aux dialogues dans les premières pages? Du côté surréaliste de la proposition, à savoir ces statues de pierre qui poussent comme des plantes? Or, pour le lecteur qui s’aventure jusqu’à l’entrée du premier grand domaine de la province, tout retour en arrière deviendra impossible tant il sera captivé par la mystérieuse beauté des décors, le mode de vie des « jardiniers » et la richesse de leur culture. Et, à l’instar du narrateur voyageur, il n’aura de cesse d’en apprendre davantage sur la société qui s’est développée derrière les imposantes murailles de pierre des grands domaines.

Comme pour toute grande œuvre, c’est en fermant le livre que le lecteur mesurera la portée de son geste. Et c’est l’esprit heureux qu’il regardera d’un œil nouveau le monde qui l’entoure, car il ne pourra oublier celui des jardins statuaires.

 

Établies sur la Rive-Sud de Québec, à Lévis plus précisément, les éditions Alire se spécialisent dans le
roman policier et la science-fiction, depuis maintenant vingt ans.

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