Déjà sur vos écrans…

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Il peut paraître facile de comparer un livre de science-fiction « contemporain » à 1984 de George Orwell, l’un des classiques fondateurs. Cette dystopie publiée en 1949 pose nombre de bases du genre, que Hugh Howey, avec Silo, applique avec clairvoyance et modernité. Dans les deux cas, le futur est terrifiant, présenté comme postapocalyptique : l’hostilité du monde extérieur est représentée par une guerre lointaine et perpétuelle contre le reste du monde dans 1984, tandis qu’une catastrophe, qui n’est pas clairement identifiée, a rendu la « surface » invivable dans Silo.

Le visionnaire Orwell crée Big Brother, entité générique qui, par une surveillance permanente de l’espace social à travers la multitude d’appareils (micros, télécrans…) auxquels il est impossible de dissimuler quoi que ce soit, maintient le peuple dans un état d’asservissement total. Les populations sont ravalées au rang de bétail, contrôlées comme tel par une élite minoritaire mais toute-puissante, dont le cynisme et la soif de pouvoir se conjuguent à des moyens quasi illimités pour maintenir cette emprise sur les populations et les pensées : le DIT dans Silo ou le Parti extérieur chez Orwell. Si dans 1984, il y a omniprésence d’écrans, ces derniers sont peu nombreux dans Silo, positionnés systématiquement au sommet du silo, et ne montrant que la désolation, la toxicité du monde extérieur.

Ainsi, même si le tabou du monde extérieur est immensément puissant dans le silo, le fait de pouvoir (et même de devoir, dans certaines occasions très codifiées de cette société souterraine) contempler l’écran est la meilleure solution pour réprimer toute velléité de parler de l’extérieur ou même de l’envisager. Howey adapte le rôle de l’écran en lui donnant une dimension fédératrice : les habitants viennent regarder ce qui se déroule hors des murs du silo, mais sont aussi réunis devant l’écran lorsqu’une personne a transgressé les règles de la communauté et est envoyée au « nettoyage », c’est-à-dire à l’extérieur.

L’Histoire à géométrie variable, avec le révisionnisme et la dissimulation comme seules certitudes historiques, est bien sûr la norme : elle s’ajoute à l’analyse d’une certaine lutte des classes dans ces sociétés à travers des personnages représentatifs (shérif, maire, ou alors ouvrier dans Silo, employés ministériels dans 1984) qui se retrouvent en lutte contre des tabous très puissants dont l’emprise semble basée sur des événements d’un passé dont on a entendu parler mais dont on ne sait rien concrètement, générant rumeurs, légendes et bien sûr, paranoïa, dénonciations, antagonismes de classe, etc.

Dans ces deux romans, les écrans sont devenus des outils de contrôle de la population, telles des divinités omniprésentes des temps à venir qu’il faut craindre, respecter et surtout adorer. Ils deviennent des métaphores actives d’un futur aliénant où le bonheur est tributaire de l’immobilisme social.

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