Tendresse en apesanteur

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La traduction est une histoire d'amour se déguste comme il s'est écrit… lentement! L'«écrivain le plus lent du Québec» nous offre un onzième roman auquel on s'attache en douceur la lecture à peine entamée. Quel bonheur de retrouver le légendaire Jack Waterman et le charme douillet de l'univers poulinien: les chats, le Vieux-Québec, les bouquins et le fleuve Saint-Laurent.

Après Marie, Marika, Macha, le personnage féminin s’appelle Marine, une traductrice d’origine irlandaise, rousse aux yeux verts, nomade et amoureuse des livres habitant la mythique Île d’Orléans. Elle fait la rencontre du célèbre Jack dans le cimetière de l’église St. Matthew de Québec. Hasard ou destin? Elle travaille justement à la traduction du dernier roman de cet écrivain qu’elle admire. Un lien se tisse entre les deux solitaires, lien qui se développe, comme c’est souvent le cas chez Poulin, par une quête. Que ce soit la quête identitaire vers le «pôle intérieur» du Cœur de la baleine bleue, la recherche d’un frère, le Théo de Volkswagen blues ou la poursuite de l’idéal amoureux de Jim dans Le Vieux Chagrin. Ici, la découverte d’un petit chat messager d’une énigme lance le jeu. La traductrice et le romancier se mettent à enquêter, et se retrouvent sur la piste de Limoilou, l’éternelle adolescente croisée dans Faites de beaux rêves et Les Yeux bleus de Mistassini. Une fois de plus, notre écrivain passera plus de temps à épier à la fenêtre la jeune femme qu’à travailler. Résultat, deux, ce n’est pas assez. Un trio se forme. Dans la famille poulinienne, non conventionnelle, on s’adopte les uns les autres en toute liberté!

L’enchantement de lire Jacques Poulin tient à ce que les pièces de son œuvre se répondent, se complètent, s’emboîtent à la manière d’un casse-tête. Avec le temps, elles ne formeront qu’un seul livre! Voyage au royaume d’Hemingway, cet univers de l’écriture en suspension, des conversations silencieuses et brumeuses, des écrivains impuissants, des émotions flottantes inexprimables, est celui de l’incommunicabilité humaine car «l’art de dire, chez Poulin, c’est de ne pas dire directement». Quand les mots dérivent, il reste la tendresse!

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Bibliographie :
La traduction est une histoire d’amour, Jacques Poulin, Leméac/Actes Sud, 132p., 15,95$

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