Road trip littéraire en Gaspésie

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Le tour de la Gaspésie est un circuit de rêve pour quiconque aime la mer, le vent du large et les paysages contrastés. Pas étonnant que cette région ait marqué l’imaginaire de nombreux auteurs. Je vous invite donc à prendre la route et à découvrir la Gaspésie à travers les mots de Jacques Poulin, Gabrielle Roy, Madeleine Gagnon et plusieurs autres.

C’est parti! Direction : le bout du monde!

Vallée de la Matapédia              
À partir de Sainte-Flavie, la presque mythique route 132, ce ruban de 885 kilomètres ceinturant la Gaspésie, propose deux points de départ : nous opterons pour le sud et traverserons la vallée de la Matapédia, longerons ses splendides rivières à saumons et ses falaises abruptes pour aller nous détendre sur les plages de la baie des Chaleurs.

Premier arrêt : Amqui, le village qui a vu naître Madeleine Gagnon, poète, essayiste et romancière maintes fois récompensée. Cette dernière nous raconte, dans son autobiographie Depuis toujours(Boréal), la Gaspésie de son enfance peuplée de doux souvenirs : « La grange, ses animaux et son foin, mais aussi le bosquet […] où la température était clémente, fraîche sous la canicule et chaude par grands froids d’hiver; les champs qui s’étendaient loin jusqu’au lac à truites et jusqu’à la forêt d’orignaux. »

Roulons encore quelques kilomètres sur le chemin sinueux de la vallée et quittons quelques instants la route 132 pour découvrir le décor panoramique des Plateaux : un rendez-vous magique avec la nature et l’écriture de Mahigan Lepage. Dans son roman Coulées (Mémoire d’encrier), publié en 2012, le poète et romancier raconte les territoires et les paysages qui ont façonné son identité, il y décrit le décor de son enfance dans un langage très imagé donnant au lecteur l’impression de prendre place à ses côtés : « La route se collait de près à la rivière Matapédia, suivait ses méandres, s’accrochait aux chevilles des montagnes. Par endroits s’élevaient des murs de roche dynamitée, surfaces lisses et verticales dont certains avaient profité pour exprimer, en des graffitis aux couleurs diverses, leur amour de Jésus ou de Julie. »

Baie-des-Chaleurs
Le décor défile dans le rétroviseur et nous voyons disparaître peu à peu la vallée verdoyante. Vous sentez l’odeur de l’air salin? Nous y sommes enfin, dans la belle et somptueuse Baie-des-Chaleurs!

« Ici, ce n’est pas l’océan avec ses hauts rideaux de vagues, ses plages de farine et son horizon qui donne un sens noble et excessif à l’idée de profondeur. Non, ici c’est une véritable baie. Conciliante, imparfaite, presque humaine. Mais tout le long de la côte, à l’est comme à l’ouest, même si parfois le regard est arrêté par une courbe du littoral ou par le bras de la province voisine, on dit la mer. » (Noces de sable, Rachel Leclerc, Boréal)

La mer, en Gaspésie, est partout. Elle façonne le décor, la langue, l’identité, comme « une courtepointe. Des morceaux de vagues attachés par des fils de soleil. » (Nous étions le sel de la mer, Roxanne Bouchard, VLB)

Que diriez-vous d’une petite sortie en mer pendant que nous y sommes? Laissez-vous bercer par les vagues, voyez l’eau qui « déploie son tapis houleux contre la coque du voilier et fait vaciller les facettes brisées du levant. Le vent gonfle les voiles, le rouge éblouit l’horizon, l’aube emplit la mer de couleurs et transforme cette histoire en fresque écarlate. » (Nous étions le sel de la mer)

Il est temps de rentrer.

La pointe
De retour sur la terre ferme, nous reprenons la route et roulons jusqu’à Port-Daniel, là où Gabrielle Roy a passé de nombreux étés dans les années 1940 et 1950. Elle nous raconte son coup de cœur pour Port-Daniel et ses habitants dans son livre à caractère autobiographique Le temps qui m’a manqué (Boréal)  Que j’aime ce coin-ci! Plus je le connais et plus mon attachement est grand. »C’est d’ailleurs dans ce village qu’elle écrira son premier roman, Bonheur d’occasion.

Nous nous rapprochons lentement de l’impressionnant et majestueux rocher Percé, celui qui a tant fasciné André Breton lors de son passage en Gaspésie à l’été 1944. Il le décrit dans Arcane 17 comme « une nef toujours impérieusement commandée […] frétée pour le plus vertigineux des voyages au long cours » et nous invite aussi à découvrir l’île Bonaventure où le« repos des oiseaux épouse les anfractuosités de cette muraille à pic ».

Jack Waterman, l’alter ego de Jacques Poulin, s’est lui aussi rendu jusqu’à Percé à bord de son bibliobus lors de sa Tournée d’automne (Leméac) en 1993. De là, il a pris la première barque qui partait pour l’île Bonaventure pour assister au spectacle grandiose que nous offrent les fous de l’île : « Entre le bord de la falaiseet une clôture de bois s’agglutinaient, en une masse mouvante et piaillante, plusieurs milliers d’oiseaux à la tête blanche casquée de jaune; ils pointaient le bec en direction de leurs congénères qui tournaient au-dessus d’eux, venant de la mer bleu foncé où ils avaient plongé pour attraper un poisson. »

Jack s’était aussi arrêté dans la baie de Gaspé une dizaine d’années plus tôt, dans son Volkswagen blues (Leméac). Il y avait trouvé « des bancs de brume sur la baie » et avait vu le soleil se lever avant de reprendre la route qui le mènera bien plus tard jusqu’à San Francisco.

La Haute-Gaspésie
Nous longeons maintenant le littoral nord et accompagnerons la poète Laure Morali jusqu’à Cap-Chat. Avec elle, nous allons écouter les gens nous parler de« l’eau devant la porte, de la montagne et des forêts derrière les fenêtres… »Nous allons voir le décor prendre vie sous sa plume: « Il est des presqu’îles au pelage d’herbes souples qui allongent de lourdes pattes vers l’horizon, comme des lionnes au repos. Certaines pointes ont une posture d’affût. On les dirait prêtes à saisir les bateaux dans leurs griffes de récifs pour les étouffer contre leur flanc… »  (La route des vents, La part commune)

Métis Beach
Nous voilà déjà à la fin du parcours. Tant de kilomètres parcourus, de livres sillonnés. Bientôt la boucle sera bouclée. Nous traversons Métis Beach et ses « pins majestueux, les épinettes, les haies de cèdres centenaires, et les grandes demeures d’été avec leur court de tennis… […] la végétation […] dense et vigoureuse ». Nous aurons droit pour notre retour, comme un cadeau du ciel,« à un de ces couchers de soleil rouges flamboyants. »(Métis Beach, Claudine Bourbonnais, Boréal)

Savourons le spectacle.

C’est ici qu’on se quitte. J’espère que vous avez fait bon voyage!

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