Rentrée 2014 : littérature québécoise

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Chaque automne, ils sont plusieurs auteurs à jouer du coude pour se tailler une place en librairie, pour se frayer un chemin jusqu’à vous, lecteurs. Cette année, nous vous proposons un tour d’horizon, toutefois loin d’être exhaustif, des têtes d’affiche de la rentrée 2014. Ainsi, sortez votre panier et cueillez dans ce champ de nouveautés vos prochains coups de cœur!

À LIRE SUR-LE-CHAMP:

No man’s land
Charlotte Gingras (Druide)
« Tu n’as jamais eu de parents protecteurs, ce grand malheur vient de là, de l’absence d’une personne calme qui se serait penchée vers toi, t’aurait caressé la joue, tenu la main lorsque les monstres grouillaient sous le lit. » Voilà les paroles que tient Jeanne, vieille dame en peine d’amour, à l’égard d’Éden, 15 ans, issue d’une famille dysfonctionnelle et emmurée dans la douleur et le silence. La rencontre inopinée entre ces deux femmes au parcours épineux leur sera des plus salvatrice. Avec ce premier roman destiné au lectorat adulte, Charlotte Gingras prouve que les émotions, que l’on ait 10, 15 ou 75 ans, construisent l’authenticité d’un récit, la puissance d’une histoire. Un roman réussi, troublant, écrit comme une lettre d’espoir adressée à la détresse humaine.

Coupée au montage
Laurette Laurin(Québec Amérique)
La sœur de Danielle Laurin, critique littéraire, n’a rien à envier à son aînée. Avec ce texte qui nous sert trois voix, trois puissants chants du cœur d’un triangle amoureux, elle nous embarque dans une envolée sensuelle et lyrique dans les profondeurs du désir, de la culpabilité et de l’amour fou. Il y a la maîtresse, le mari et la femme de ce dernier. De chapitre en chapitre, on parcourt l’évolution des sentiments de chacun. Et parfois, hop, le « réalisateur » fait une mise en abyme et commente : « celle-ci est trop fleur bleue, celui-là se vautre dans son quotidien, c’est trop mélodramatique, prévisible », etc. Un roman choral qui chavirera le cœur de tous ceux qui, un jour ou l’autre, ont ressenti une puissante passion.

Play Boys
Ghayas Hachem (Boréal)
Beyrouth, la guerre. Un jeune de 12 ans tente, comme il peut, de mettre de la couleur dans son quotidien. Avec son cousin, il se raconte des histoires, aux limites du grivois, sur les femmes qui peuplent leur immeuble, s’invente des récits pour raviver l’espoir. Le soir, le narrateur écoute les pleurs de sa tante, battue par son mari infidèle. Ramzi, le grand frère, a quant à lui décidé qu’il jouerait à la guerre, séparant ainsi le maigre territoire de leur petit appartement, imposant ses règles – dures –, son drapeau, ses ministères. Jouer à la guerre, alors que dehors, celle-ci sévit : c’est ça l’innocence des enfants. Ce premier roman, signé par Ghayas Hachem, né à Beyrouth mais installé à Montréal depuis les années 80, est plus poignant que morose, plus lumineux qu’il n’y paraît.

B.E.C. Blonde d’entrepreneur en construction
Suzanne Myre (Marchand de feuilles)
Une histoire d’amour sans prétention, par une narratrice hilarante d’excessivité, cleptomane à ses heures, clown à sa guise, hypothyroïdienne de surcroît et cynique en tout temps. Un réel plaisir de lecture que ce roman léger, féminin, drôle et intelligent, qui possède toutes les qualités que l’on connaît de la plume de Suzanne Myre. La narratrice, qui travaille dans la bibliothèque d’un centre médical, ne peut s’empêcher de : faire des blagues de type « tache de suie sur le nez de ses collègues », voler des vêtements puis les retourner illico, dérober du café fraîchement moulu à l’épicerie ou encore se quereller avec son conjoint, le fameux « entrepreneur en construction » du titre, au sujet de la gestion des débarbouillettes.

Le chasseur inconnu
Jean-Michel Fortier (La mèche)
Deux réunions se tiennent, chaque semaine, au village. Il y a celle du lundi, avec le maire, Monsieur Moche, qui bégaie, et celle, clandestine, du vendredi, avec le professeur, dans la main duquel tous les disciples mangent naïvement. Dans un habile jeu de narration, l’auteur qui en est à son premier roman, entraîne le lecteur dans une spirale de questions : mais qui donc sont ces gens de la réunion du vendredi, qui, apprend-on goutte à goutte, sont parfois également présents les lundis? Lorsqu’un meurtre a lieu, rien ne va plus. Mais les villageois, un peu naïfs, s’en laissent passer de bonnes, quelle que soit la réunion à laquelle ils assistent… Un petit ovni original, dans une langue fluide dont le rythme se rapproche de l’oralité; un faux polar qui use d’un esprit ludique et mystérieux.

 

BONHEURS DE SAISON:

L’haleine de Carabosse
Marise Belletête (Triptyque)
Servi par une écriture habile où les métaphores filées référant aux contes traditionnels sont légion, ce court roman nous plonge dans l’histoire intime de la jeune Ève, à qui son père absent a légué un journal parsemé de fables « pour battre la mort dans un château d’Espagne ». Se retrouver, cerner ses origines, s’en libérer : voilà le poids qui pèse.

La ballade d’Ali Baba
Catherine Mavrikakis (Héliotrope)
Mavrikakis émerveille encore une fois par sa sensibilité et son talent pour raconter ce récit où les vivants côtoient les morts. Alors que son père revient la hanter après sa mort, Érina se remémore des souvenirs d’enfance et la vie mouvementée de son père.

Je suis là
Christine Eddie (Alto)
Après un drame bouleversant, Angèle s’accroche à ce qu’elle peut et apprivoise peu à peu sa nouvelle vie. C’est toujours un ravissement de plonger dans les univers tendres, sensibles et touchants de Christine Eddie, qui nous habitent longtemps.

L’enfant dans la cage
William Drouin (XYZ)
Dans une cage, posée en plein soleil, un jeune garçon écrit sans relâche, lui qui ne connaît que l’absurdité de l’immoralité des adultes qui l’entourent et la légèreté de l’enfance. Un bien étrange coup de cœur que ce roman, parfois dur et violent, mais toujours littéraire et réussi.

Les gens du Sud n’aiment pas la pluie
Patricia Portella Bricka (Pleine lune)
Alternance entre le journal intime d’une fillette de 10 ans qui nous raconte sa grand-mère, laquelle « ressemble à une bouteille de Tia Maria », et le récit qui relate la vie de ladite aïeule, née en Andalousie, ce roman est un voyage intergénérationnel et culturel, un récit au rythme irréprochable.

Azami
Aki Shimazaki (Leméac)
Épurée, limpide et évocatrice, l’écriture d’Aki Shimazaki charme à tout coup. Écrit en français, mais dans la pure tradition japonaise, Azami raconte la rencontre d’un homme, marié et satisfait malgré l’absence de sexe dans son couple, avec son béguin d’enfance : la mystérieuse Mitsuko, devenue prostituée.

Bunyip
Louis Carmain (L’Hexagone)
On a souligné son style imagé, son écriture classique et son histoire qui transporte. Voilà Louis Carmain de retour, qui nous entraîne cette fois dans les années 80, en Tasmanie, là où un photographe reporter et une belle Taïwanaise deviennent les prisonniers de guérilleros sanguinaires.

Mot
Julie Hétu (Triptyque)
Si art, corrida et musique se côtoient dans ce roman, Mot possède cette tension entre amour et mort, entre beauté et violence, qu’on retrouve dans les tragédies grecques, alors que Cybèle scellera malgré elle le destin de ses enfants avec trois grains d’or, trésors libanais emportés en Espagne, laissés à eux comme un cadeau empoisonné.

L’année où Marilyn fit scandale
Richard Vézina (Sémaphore)
L’année où Marilyn fit scandale, c’est l’année 1952, alors que le jeune protagoniste n’a que 13 ans, qu’il passe ses journées à pêcher ou encore à tirer du calibre .22. Ici, Vézina nous transporte dans la nature verdoyante, dans les recoins de la relation, souvent bourrée de non-dits, entre père et fils.

Le silence du banlieusard
Hugo Léger (XYZ)
Sans fioriture aucune, Léger signe un récit polyphonique dans lequel on cherche à comprendre ce qui a pu arriver au narrateur, un traducteur tout ce qu’il y a de plus ordinaire, qui, du jour au lendemain, semble avoir disparu… Sa femme, son pharmacien, sa fille : qui connaît réellement ce banlieusard?

Le puits
Daniel Lessard (Éditions Pierre Tisseyre)
Le puits du titre, c’est celui dans lequel la femme tant aimée de Ryan, soldat de retour du front, en 1944, est retrouvée, nue et décédée. Aucune n’enquête n’a eu lieu, l’affaire fut étouffée, personne n’ose parler. Mais Ryan est bien décidé à se venger des coupables.

La revanche de l’écrivaine fantôme
David Turgeon (Le Quartanier)
Voilà un court roman composé d’une multitude d’histoires imbriquées, qui ont comme point d’ancrage un dessinateur qui raconte le récit d’une lectrice à qui il arrive moult rebondissements. Amateurs de mises en abyme, vous serez servis!

Les fleurs carnivores
Marie-Chantale Gariépy (Tête Première)
Si les prémices s’avèrent sombres – un mari tente d’empoisonner sa femme, dorénavant amnésique –, une belle luminosité se dégage de ce roman intime, qui met le doigt sur la mince ligne entre folie et désir. Bien écrit, intrigant et poignant!

Les improductifs
Martin Doyon (Hurtubise)
Voilà une réelle histoire à dormir debout : Charles, trentenaire désabusé, possède le rare talent de dormir où il veut, quand il veut et, surtout, de changer le monde réel grâce aux actions posées dans ses rêves. Un premier roman frais, décapant et original!

 

Collectifs en vue!
Cet automne, plusieurs collectifs qui piquent déjà la curiosité sont annoncés. Tout d’abord, Bienvenue aux dames, chez VLB éditeur, qui donne la parole à douze auteurs masculins sur le thème de la taverne. Ensuite, Pourquoi cours-tu comme ça? (Libre expression), où huit auteurs, dont Florence Meney, Patrick Dion et Michel Jean, parlent de la course. Puis Nu (Québec Amérique), sous la direction de Stéphane Dompierre et avec notamment la participation de Guillaume Vigneault et Miléna Babin, se veut un recueil érotique collectif. Et, finalement, les fans de Dominique Fortier et de Nicolas Dickner seront ravis de découvrir leur correspondance inusitée dans Révolutions (Alto), où 366 mots, un pour chaque jour de l’année, deviennent tour à tour le point de départ prétexte à l’écriture. Neuf bonnes nouvelles d’ici et une bonne nouvelle d’ailleurs (La Bagnole) regroupe des textes inspirés du pays respectif d’Aline Apostolska, Camille Bouchard, Simon Boulerice, Perrine Leblanc, Elsa Pépin, Jennifer Tremblay et bien d’autres!

On a hâte de lire…
On ne cache pas notre grand intérêt devant l’annonce d’un prochain Marie-Christine Arbour (Schizo, Triptyque), d’un Marie-Claire Blais (Aux jardins des Acacias, Boréal), de même que d’un nouveau Marie-Sissi Labrèche (La vie sur mars, Leméac), alors que l’auteure nous entraîne dans un nouveau registre, côtoyant cette fois (oui, oui!) la science-fiction. Stéphanie Pelletier, récipiendaire du GG 2013 pour son recueil de nouvelles Quand les guêpes se taisent, offre déjà un nouveau roman, Dagaz (Leméac), très prometteur. Quant à elle, Nicole Houde conserve ses personnages de laissés-pour-contre, cette fois avec Céleste, déficiente légère de 38 ans, qui se questionne sur sa vie, sa perception (La vie pour vrai, Pleine Lune). Aux éditions David, nous surveillerons Les oiseaux de nuit finissent aussi par s’endormir, signé Martine L. Jacquot. Annie Loiselle, avec Papillons (Stanké), offre quant à elle un émotif roman qui parle de recommencements, une fois qu’on a tout perdu, surtout l’amour. Du côté des hommes, au Quartanier, on attendra notamment Hervé Bouchard qui nous parle avec humour de hockey, dans Numéro six, alors que chez Leméac, c’est Patrick Isabelle et Simon Boulerice qui sont déjà nos chouchous avec respectivement La danse des obèses et Le premier qui rira. Patrice Lessard, un bien-aimé du Prix des collégiens, propose cette saison L’enterrement de la sardine (Héliotrope). Aussi, un calepin d’observation sensible, dans la veine de ce à quoi on s’attend de Jean-François Beauchemin, est annoncé sous le titre Une enfance mal fermée (Leméac).

Jeunes plumes
Du côté des premiers romans, notons Même ceux qui s’appellent Marcel (Leméac), de Thomas O. St-Pierre qui fera assurément des ravages grâce à son penchant pour l’autodérision et ces jeunes adultes qui peinent à vieillir. François Racine, avec Truculence (Québec Amérique) nous invite à un roadtrip avec des profs, trentenaires, dont les joutes verbales se laisseront dévorer. Chez le même éditeur, on nous entraîne dans le Paris de 1539, au côté de l’illustrateur de La Fabrica, ce traité d’anatomie qui devait, quels que soient les moyens, représenter tous les détails du corps humain. Portant le même titre que le traité en question, La Fabrica est un grand coup signé Marilyne Fortin. L’animatrice Catherine Perrin nous parle, dans un récit très intimiste, de la maladie dégénérative rare de sa mère (Une femme discrète, Québec Amérique). Dans Jour de folie (JCL éditeur), Suzie Robichaud livre une histoire d’amour, entre le confort quotidien que Simone, le personnage principal, entretient avec son conjoint et son désir de retrouver son amour de jeunesse…

Pour voyager
Au Costa Rica, une femme de chambre rencontre une touriste qui lui renvoie les images de son passé, dans un récit qu’on dit teinté d’un climat menaçant (La chaleur avant midi, Mylène Durand, Pleine Lune). Plus près de chez nous, Wildwood  (Libre Expression) nous attend, sous le regard de Johanne Seymour, qui présente, non pas un polar, mais une fille de 16 ans, dans les années 60, qui a un pied dans l’adolescence et ses tumultes, et l’autre dans l’âge adulte, qui implique la conscription d’un ami dans l’armée américaine pour le Vietnam. Il est également question du Vietnam dans Anderson’s Inn, de Danielle Dussault (Lévesque éditeur), alors que, à son retour de la guerre, un jeune homme doit prendre en charge l’auberge de son père, en Nouvelle-Angleterre. Son aventure le mènera à des découvertes surprenantes, notamment sur sa famille. Dans Les Fantômes de la Sierra Maestra, de Paul Ohl (Libre Expression), on s’évade à La Havane, en 1949, et on côtoie Hemingway et un certain Fidel Castro Ruz, alors âgé de 23 ans…

Nouvelles
Les nouvellistes sont nombreux cet automne à proposer de nouveaux recueils : Olivier Demers (Contes violents, Triptyque), Sylvie Massicotte (Avant d’éteindre, L’instant même), William Lessard Morin (Ici, la chair est partout, La Mèche), Marc-Alain Wolf (Histoires de famille, histoires de guerre, Triptyque), Bertrand Bergeron (Ce côté-ci des choses, L’instant même), Loïse Lavallée (Lune d’entre elles, Vents d’Ouest), Charles Le Blanc (Catin Basile, Vents d’Ouest), Véronique Bossé (Vestiges, Lévesque éditeur) et Daniel Castillo Durante (Fuir avec le feu, Lévesque éditeur).

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