Photo : © Neil Mota

Chris Bergeron
Autrice des romans de science-fiction Valide et Vaillante (XYZ)

En tant que femme trans, vous intervenez fréquemment dans l’industrie publicitaire pour demander une meilleure représentation des minorités. Que pensez-vous de la place des minorités dans le milieu littéraire québécois?
J’ai l’impression que des progrès sont faits. Je pense qu’il y a dix ou quinze ans, personne n’aurait voulu me publier. Ce n’est pas une coïncidence qu’autant de personnes issues de diverses minorités prennent l’avant-scène, ces temps-ci. C’est le fruit d’un long processus, de beaucoup d’efforts de leur part, et de beaucoup de travail de sensibilisation dans l’ombre. La société progresse dans le bon sens, n’en déplaise à ceux qui se méfient de la diversité. Une nouvelle génération d’éditrices et d’éditeurs prend le pouvoir et ouvre la porte à plus de diversité. Je trouve ça formidable. En tout cas, je suis heureuse de partager l’attention des libraires et des médias avec des femmes comme Caroline Dawson, Gabrielle Boulianne-Tremblay et Natasha Kanapé Fontaine. Maintenant, j’aimerais voir plus de diversité à la tête des maisons d’édition. Le pouvoir est encore trop concentré entre les mains de gens qui se ressemblent énormément.

 

Photo : © Cédric Trahan

Nicholas Dawson
Auteur de Désormais, ma demeure (Triptyque)

Votre livre s’inscrit dans la collection « Queer » des éditions Triptyque. Comment s’incarne ce mot pour vous?
« Queer », pour moi, ce n’est pas qu’un mot, c’est une panoplie d’expériences. C’est la mémoire de l’homophobie vécue depuis mon enfance à aujourd’hui, c’est la musique que j’échouais à écouter en cachette pour ne pas trop me outer, c’est le résultat des métissages linguistiques, culturels et identitaires qui me constituent, c’est la souffrance qui m’a habité pendant des décennies et que je reconnais encore aujourd’hui comme une vieille complice, c’est la douleur encore réveillée lorsque je suis témoin (ou moi-même victime) de toutes les formes de domination, et c’est aussi l’émancipation, la création de communautés plurielles et accumulées, les relations, les formes renouvelées d’amitiés et les familles choisies. C’est tragiquement savoir que rien n’est éternel et qu’on peut à tout moment mourir, se faire tuer ou soi-même se tuer; ce savoir, cependant, n’est pas uniquement mélancolique, justement, parce qu’il signifie aussi qu’on peut à tout moment choisir de vivre, et ce faisant se reconstruire, se réaménager une vie qui nous est propre. C’est un peu pour ça que j’écris, je pense; c’est comme ça que j’écris « queer ».

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