Nadine Grelet : Une femme comme les autres

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Avec Les Chuchotements de l'espoir, c'est un véritable plaidoyer pour la libération et la reconnaissance de la voix des femmes que nous propose Nadine Grelet, à qui l'on doit deux romans, La Fille du Cardinal et La Belle Angélique. Dans ce récent ouvrage paru chez VLB éditeur, l'auteure d'origine française fait état de cette violence silencieuse, insidieuse, qui se fraie un chemin dans le quotidien, et ce, au point d'étouffer les voix qui veulent s'élever.

Nadine Grelet nous entraîne dans le Paris de la fin des années 60 à la rencontre de Delphine, jeune fille romantique à la féminité naissante, qui veut désespérément être aimée. Les interdits de l’époque ne pourront réprimer ce besoin de tendresse qui l’habite : un vide qu’elle cherchera à combler avec Patrick, un jeune étudiant en médecine. À cause de cet amour de jeunesse hâtif et trop tôt consommé, Delphine se retrouvera enceinte. S’en suivront un mariage, un accouchement, un second enfant. Les années défilent ; Patrick, qui cumule les échecs plus que les réussites, s’éternise sur les bancs d’école, et l’alcool aidant, on assiste à la montée d’une violence sournoise, diffuse, qui prendra racine au sein du couple. Le Québec sera peut-être un Eldorado inespéré pour Delphine…

Derrière l’image de Delphine, il y a Nadine Grelet, qui relate ce passé trouble qui fut le sien : « C’est la partie la plus mouvementée de ma vie que j’ai cru bon d’écrire pour en faire un témoignage, mais sous forme de roman. » La fiction ? Seuls les noms ont été changés, question de discrétion, mais également de distance : « J’avais depuis longtemps l’idée d’écrire une partie de cette aventure, qui n’est pas banale, explique l’auteure. À partir du moment où j’ai commencé à écrire, c’est-à-dire en 1991 (Le Souffle de vie), je me disais : « Un jour, j’écrirai mon histoire « . »

La source tarie

À travers cette quête d’amour, Nadine Grelet relate la quête d’identité de la naïve Delphine, qui est déchirée entre ses désirs et un milieu familial lui ayant imposé des valeurs strictes. Selon la romancière, « les jeunes filles étaient élevées dans l’espoir de se marier. C’était un incontournable ! Lorsqu’on avait reçu une éducation assez stricte, on n’avait pas le choix, donc on rêvait beaucoup et l’époque était beaucoup plus romantique que maintenant. Nous n’étions pas préparées aux difficultés des relations de couple. »

Bien que Les Chuchotements de l’espoir ne constitue pas l’un de ces romans historiques qui ont fait les délices des lectrices de Nadine Grelet, on ne peut s’empêcher de voir un lien entre Delphine et les héroïnes de ses précédents ouvrages ; toutes vivaient dans des sociétés qui les étouffaient. « L’héroïne [de La Fille du Cardinal] était également complètement brimée. Il n’y a pas très longtemps, quelqu’un m’a fait remarquer cet aspect et m’a demandé :  » Si tu réécrivais cette histoire, est-ce que tu ferais subir à tes héroïnes les mêmes difficultés ? Peut-être que, maintenant, je leur donnerais un peu plus de victoires ! », admet l’auteure.

Pour être victorieuse

Loin de l’ouvrage thérapeutique et libérateur, Les Chuchotements de l’espoir représente une main que Grelet tend à toutes ces femmes qui cohabitent avec la répression et la violence : « Tout le monde pense que lorsqu’on vient d’un pays où les femmes sont libres, que ce soit le Canada ou la France, elles n’ont pas de problèmes de communication, dans leurs relations avec leur conjoint, et je crois que c’est une erreur ; il y a beaucoup de femmes qui souffrent en silence ! », lance-t-elle.

Plus qu’un roman, Les Chuchotements de l’espoir constitue également une réflexion sur l’émancipation de la femme : « Quand je vois des jeunes filles avec le nombril découvert ou les seins qui flottent au-dessus de leur décolleté, je me demande quel est leur niveau de conscience ?, commente la romancière, car elles ne mettent en valeur que l’aspect physique ; qu’en est-il de l’intériorité, de la relation à soi ? » Toujours selon elle, cette situation serait imputable au rejet de
« l’image de leur mère, qui était beaucoup trop conventionnelle. En effet, les femmes ne pouvaient pas sortir des rangs et rester tout à fait conventionnelles, alors maintenant elles se comportent malheureusement sans pouvoir apprécier les retombées de leur comportement. »

Et le féminisme, dans tout ça ? « Je ne crois pas qu’on a réussi grand-chose, dans le sens où le féminisme a lutté sur un pied d’égalité avec les hommes ; or, la femme n’a pas le même rôle que l’homme ; ce dernier est un conquérant, un guerrier, un pourvoyeur depuis la nuit des temps, et ces fonctions, il n’est pas prêt de les abandonner. Une déroute qui, selon Nadine Grelet, ne se retrouve pas seulement à travers l’image qui est véhiculée de la féminité : « On a l’impression que tout est fragile. La dimension intérieure de l’individu est fragile. Il a besoin qu’on le prenne par la main et qu’on lui dise :  » Écoute, il faut te retrouver toi-même, faire un retour aux sources pour savoir vraiment qui tu es avant de te lancer dans de grandes actions collectives « . Car si on n’a pas redéfini ses besoins, ça ne marche pas ! »

Le dernier livre de Nadine Grelet est également une ode à la résistance. Une célébration toute personnelle de celle qui fut une Delphine dans une vie antérieure : « Pour moi, être écrivain, c’est être un témoin et pouvoir dire non seulement tout ce que je ressens, mais ce que les gens ressentent autour de moi. Je peux retransmettre tout ça d’une façon qui est hors de toute institution, hors de tout cadre légal. Ça, c’est très important. »

Bibliographie :
Les Chuchotements de l’espoir, VLB éditeur
La Belle Angélique, VLB éditeur
La Fille du cardinal, VLB éditeur

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