La bibliothèque québécoise idéale

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Terreau fertile pour démontrer, dénoncer ou déclamer à la fois notre histoire, nos passions ou nos revendications, la littérature québécoise se pose en éclairant miroir social. S’il est délicat de désigner cent titres comme incontournables parmi le lot, il est presque impossible de n’en retenir que douze! Voici un aperçu, bien sûr non exhaustif et très subjectif, de ces livres qui devraient se retrouver dans la bibliothèque de tout amateur du genre. 

1874
Jean Rivard, le défricheur
Antoine Gérin-Lajoie (Boréal compact)
Hymne à ces colons qui, malgré le climat rigoureux, construisaient à mains nues leur futur, Jean Rivard, le défricheur est une oeuvre monumentale pour saisir les enjeux de l’époque. Poignant et fort bien écrit, ce « roman de la terre » dépasse la simple présentation du labeur et nous pousse à vouloir construire, encore de nos jours, un monde meilleur.

1960
Le libraire
Gérard Bessette (Éditions Pierre Tisseyre)
Hervé, c’est notre Meursault québécois. Person nage pragmatique qui n’aime ni les livres ni les gens, il est pourtant responsable du caphar naüm rempli d’ouvrages à l’Index d’une petite librairie de village. Sans fioritures et avec ce ton décalé dont on se délecte, ce roman rappelle l’importance d’avoir aboli la censure au Québec.

1965
Prochain épisode
Hubert Aquin (BQ)
Récit d’espionnage dont on a maintes fois soulevé la teneur psychanalytique, ce roman frappe par sa prose, hautement lyrique. Avec ses personnages aussi engagés que leur auteur, on plonge dans un hôpital psychiatrique, où le narrateur écrit un roman mettant en scène un révolutionnaire, en Suisse. Mises en abyme, discours méditatifs : un chef-d’oeuvre est né en 1965. 

1970
L’homme rapaillé
Gaston Miron (Typo)
Publié pour la première fois en 1970, ce recueil de poésie – remanié non pas une, mais SEPT fois par l’auteur – mérite de passer à l’histoire en tant que prise de conscience – et surtout prise de parole – sur l’identité du peuple québécois. On dit de cette oeuvre qu’elle est un cri du coeur : à nous maintenant d’écouter ce chant.

1973
L’hiver de force
Réjean Ducharme (Folio)
Ducharme, c’est l’énigme québécoise, c’est cette verve explosive de créativité, bourrée d’images fortes. En 1966, à 24 ans, il publie L’Avalée des avalés chez Gallimard. Puis, il remporte en 1973 le GG pour L’hiver de force, cette histoire d’un couple de marginaux issus des beaux-arts, dans un contexte de contreculture des années 70.

1978
La grosse femme d’à côté est enceinte
Michel Tremblay (Babel)
Tremblay s’est inscrit avec force dans le milieu littéraire québécois en osant déposer dans la bouche de ses personnages le joual. Avec ce roman – comme avec ses autres – il décrit comme peu ont su le faire l’intériorité et le quotidien des femmes de la classe ouvrière des années 40. Son oeuvre, c’est notre « comédie humaine québécoise ».

1981
Le canard de bois
Louis Caron (Boréal compact)
Bas-Canada, 1837. Les faibles récoltes, la rudesse de l’hiver et la tension avec le gouvernement, majoritairement anglais, poussent les francophones à s’insurger. Qui suivra le Parti patriote? Un roman historique qui n’a rien de soporifique, puisque porté par la fougue d’un personnage qui a tout d’un héros, historique comme littéraire.

1982
Les fous de Bassan
Anne Hébert (Points)
Lire Les fous de Bassan, c’est plonger dans les décors d’un village au bord de la mer, où souffle un fort vent et où les oiseaux colorent les cieux. L’intrigue, dévoilée par des journaux datés, signés par différents villageois, est celle du meurtre de deux cousines. Une polyphonie dont on ne peut se détacher et qui mérite amplement son prix Femina, reçu en 1982.

1984
La détresse et l’enchantement
Gabrielle Roy (Boréal compact)
Ultime oeuvre de la romancière, ce roman biographique posthume caresse sa jeunesse manitobaine, mettant de l’avant sa recherche identitaire et sa découverte de l’écriture, en évoquant au passage sa famille et différentes rencontres marquan tes. Une oeuvre phare et méconnue: la vie de Gabrielle Roy comme un roman.

1986
Le souffle de l’harmattan
Sylvain Trudel (Typo)
Récit sur le refus du passage entre l’enfance et l’âge adulte, ce roman possède une poésie des mots et du discours qui épate. Hugues et Habéké, deux amis fidèles – deux garçons adoptés de surcroît – s’enfoncent dans un univers imaginaire désarçonnant, à défaut d’accepter de vieillir. À la fois beau et cruel, ce roman est un ravissement.

1989
Le vieux Chagrin
Jacques Poulin (Babel)
Il a le mot juste du traducteur, l’imaginaire du poète et la tendresse de l’amoureux. Entre Mon cheval pour un royaume (1967) et L’homme de la Saskatchewan (2011) se déploie une oeuvre forte qui parle d’écriture, de chats et des rues de Québec. Récit de femmes mystérieuses, de caverne énigmatique et d’écrivain qui n’arrive pas à parler d’amour, Le vieux Chagrin n’a certes pas remporté plusieurs prix pour rien. 

1991
L’odeur du café
Dany Laferrière (Typo)
C’est dans son Haïti natale, au côté d’une grand-mère au coeur en sucre d’orge et à la parole d’or que Laferrière transporte son lecteur. Il a alors 8 ou 9 ans et le temps ne semble pas exister. On hume avec lui l’odeur du café, on ressent la chaleureuse présence de ses tantes, on se laisse porter dans la contemplation grâce au regard pur et naïf de l’enfance.

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