Christiane Duchesne: l’art de raconter

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Je me retrouve dans l'écriture de Christiane Duchesne, dans la beauté de ses mots, dans ses images fortes ou vaporeuses, sans banalité. Ses romans sont sans longueurs, comme je les aime, et tout ce qui y est dit se doit de l'être.

Christiane Duchesne est pour moi, qui ai publié deux romans, une source d’inspiration. J’aime de cette auteure le rêve sous les phrases, ses personnages attachants, aux émotions qui ne peuvent laisser indifférent. On trouve dans ses romans une agréable diversité, des intrigues menées comme des contes sur des portées de poésie. La lecture de L’homme des silences et de L’île au piano m’a laissé un souvenir et un plaisir impérissables. Je les recommande toujours avec chaleur aux lecteurs recherchant des romans sortant de l’ordinaire et qui procurent une détente certaine. C’est un moment de lecture où une intimité est créée et où l’on se lie avec les personnages. Christiane Duchesne nous fait voguer dans l’imaginaire, elle nous fait effleurer la terre tout en nous faisant planer, par moment, au-dessus de la vie.

Née en août 1949, Duchesne était destinée à une grande carrière d’écrivaine. Touchée par la baguette d’une fée à la naissance, elle a reçu le don magnifique de jouer avec les mots. Elle a publié depuis trente ans une soixantaine de romans et de contes. Ses nombreux ouvrages destinés à la jeunesse racontent des aventures à faire rêver. De plus, elle a traduit plus de 500 albums pour la jeunesse, elle a écrit pour le cinéma, la radio et la télévision.

Elle est récipiendaire de nombreux prix prestigieux dont le Prix du livre jeunesse des bibliothèques de Montréal pour l’ensemble de son œuvre (2005), le Prix France-Québec et celui de l’Académie des lettres du Québec pour L’homme des silences (2001), le Prix du Gouverneur général pour La vraie histoire du chien de Clara Vic (2001) et le Prix M. Christie pour Bibitsa ou l’étrange voyage de Clara Vic (2005), pour La 42e sœur de Bébert (1993) et pour La bergère de chevaux (1991).

Double ravissement
Malgré tous ces prix, les deux romans de cette auteure qui m’ont le plus marquée sont deux ouvrages pour les adultes, soit L’homme des silences et L’île au piano. Dans L’homme des silences, Christiane Duchesne nous entraîne avec ses images douces et ses mots empreints d’émotions dans le cœur d’une petite fille qui a perdu ses parents, avalés par l’océan lors d’une banale sortie en mer, quelques mois après sa naissance. La quête de l’enfant devenue grande nous fait voyager au fond de nos âmes et de nos vies à la recherche incessante de ce qui compte vraiment. On découvre, à travers le brouillard du bord de mer et les chemins solitaires du sable ou de la forêt, le désir profond qu’a la petite Marie de prendre contact avec son père et sa mère. Dans le silence des brumes marines, son père demeure et veille. Compagnon tranquille, son chien Tempête, adopté par ses parents le jour fatidique de leur disparition, l’accom­pagne et veille sur elle avec deux autres personnages: Pauline, devenue sa mère de rechange, et Michel, l’homme-enfant tout aussi orphelin qu’elle, également sauvé par Pauline. La magie de l’histoire nous porte et l’on côtoie le réel et le merveilleux. L’invisible survole le visible, et l’étreinte qui nous est réservée en fin d’histoire nous laisse songeurs et ravis.

En 2003, Christiane Duchesne publie L’île au piano. On y découvre Rose, qui est enceinte et qui part s’installer sur l’île où a vécu sa grand-mère. Elle emménage dans une maison inhabitée depuis très longtemps et fait la connaissance d’un médecin qui a été amoureux de son aïeule. Isolée sur cette île après un déluge inattendu, elle vit un retour dans son passé et renoue avec ses souvenirs. Dans la solitude forcée, avec les natifs de l’endroit qui ne connaissent rien d’elle, bien qu’elle soit connue dans le monde de la danse, elle devient anonyme et avance dans cette nouvelle vie où le temps semble s’être arrêté, où tout se joue entre drames réels et intériorité. La force destructrice de la nature oblige chacun à se retrouver seul avec lui-même et à lutter contre ses démons. Rose doit trouver la force d’être, pour elle et pour l’enfant qu’elle porte. Son passage sur cette île changera toute sa vie.

Impossible de relever une phrase ou une autre plus belle ou plus attachante dans l’œuvre de Duchesne, car chaque mot nous charme. Chaque écrivain parle de l’existence à sa manière: Christiane Duchesne en parle avec finesse, comme une brise qui nous effleure et nous porte plus loin.

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