En cette rentrée 2022, les nouveaux venus dans le milieu littéraire ou ceux qui en sont à leurs premières armes du côté du roman sont nombreux et ô combien talentueux!
Photo : © Caroline Thibault

Mélasse de fantaisie
Francis Ouellette (La Mèche)
En nous proposant une véritable plongée dans le Montréal des années 1970, ce primo-romancier, qui fut deux fois lauréat du Prix du récit Radio-Canada, donne à lire, dans une langue totalement déliée et assumée, tout ce qui consume le Faubourg à m’lasse. On y suit un narrateur peu banal qui, aux côtés de Frigo, le gentil « robineux » de la place, revient dans les coins, parfois faits de garnottes, d’autres fois de sourires, de sa mémoire. Au rendez-vous : humour et bonhomie dans un style aussi truculent que délié.

 

 

Photo : © Laurence Labat

Une porte au fond de la forêt
Guillaume Bollée (Flammarion Québec)
Il faut la bonne personne, à la bonne place et au bon moment. Voilà ce qu’apprend Paul, alors que son étrange voisin de siège à bord d’un train qui le mène à Montréal lui explique qu’une vingtaine d’enfants — et les chiffres grimpent — sont tombés dans un état d’endormissement sans que personne puisse l’expliquer. Et, laisse planer l’homme, Paul pourrait être l’homme de la situation. Dans ce roman empreint de réalisme magique, l’auteur — médecin et père — entraîne le lecteur dans une bouquinerie et une forêt, là où les réponses semblent l’appeler.

 

 

Photo : © François Couture

Daddy Issues
Elizabeth Lemay (Boréal)
Daddy Issues se fait le roman de l’amour adultère : une jeune femme se complaît dans son rôle de maîtresse en occupant le temps passé sans son homme à lire Duras ou Aquin, le tout non sans questionner les raisons qui la poussent à garder les choses telles qu’elles sont. D’une plume agile, elle interroge l’amour et le sens qu’on lui donne ainsi que ce type de relation inégalitaire acceptée, et elle rappelle que « les yeux que posent les maîtresses sur leurs amants contiennent mille fois plus d’amour que n’en contiendront jamais les yeux des femmes pour leur mari ».

 

Parfois les lacs brûlent
Geneviève Bigué (Front Froid)
En bande dessinée, nul doute que Geneviève Bigué a fait sa place avec cette histoire qui s’adosse à une légende fantastique pour mieux explorer l’amitié et les revers de la vie. À Rivière-aux-Corbeaux, le lac Kijikone est devenu un véritable brasier. Quatre adolescents veulent vérifier si ce qu’on raconte est vrai : un objet plongé dans le feu du lac se transforme-t-il réellement en or? Pour cela, ils devront marcher au fond des bois et rejoindre le lac, au risque d’y perdre des plumes… Bigué y maîtrise parfaitement l’illustration, les couleurs et les textures.

Photo : © Sandra Kucko

L’angoisse d’être à jeun
Sara Robinson (Triptyque)
La primo-romancière est fascinée par Notre-Dame-de-Paris, ses personnages et leurs liens. Dans son roman, elle choisit donc de mettre en scène une Esmeralada 2.0, amoureuse d’un barman de seize ans son aîné, Phoebus. Quasimodo est son meilleur ami; Frollo, un génie littéraire. Amour, romantisme et libertinage : où sont les limites et à qui sont-elles imposées? L’éditeur le dit sans détour : « Ce roman extravagant fait l’effet d’une bombe à paillettes. »

 

 

 

Photo : © Katya Konioukhova

Glu
Clémence Dumas-Côté (Les Herbes rouges)
Une narratrice, soleil au milieu de la nuit, qui glisse des mots ou des clés dans des bocaux Masson qu’elle laisse dans un abribus ; à qui il arrive de faire l’amour, platoniquement et à distance, avec un ou une inconnu.e de l’autre côté de la rame de métro; qui soulève un téléphone beige dans un étrange bric-à-brac pour y écouter le silence, ce chemin à suivre. Elle est assoiffée de sentir le monde vibrer, de s’y connecter : elle « cherche un contact charnel avec la bande passante ». Œuvre hautement vibrante et puissante, ce premier roman de la poète dénote que le regard qu’elle dépose sur le monde mérite qu’on s’y arrête pour, nous aussi, le voir ainsi.

 

Photo : © Julia Marois

Les insoumises
Fanny Rainville (Libre Expression)
Ce roman tendre et puissant à la fois, palpitant de vie, possède un rythme maîtrisé à la perfection. Les insoumises annoncées dans le titre sont quatre femmes, d’horizons différents : trois sages-femmes travaillant ensemble et une Algérienne sans-papier, Amel, dont l’accouchement provoque moult remous… Elles ont chacune leur histoire et leurs défis — amoureux, professionnels, éthiques —, mais elles ont toutes en commun une grande humanité. Ce roman sonne juste, ses personnages sont forts et il rappelle la force des femmes.

 

 

Photo : © Emilie Mercier

Sauf quand je suis un aréna
Frédérique Marseille (Ta Mère)
La narratrice, presque la trentaine, est propriétaire d’un aréna. Elle y passe la majeure partie de son temps, entre les cours matinaux de patin et les tournois de hockey. Elle navigue dans l’ordinaire d’une vie, traînant avec elle le souvenir de Merle, ce constructeur poète avec qui elle a partagé ses espoirs. Dans ce premier roman, Frédérique Marseille enchaîne les phrases comme si elle remontait un fil de pensées impossible à lâcher, où une idée mène à une autre, où un mot ouvre un nouveau portail dans l’univers de sa narratrice, une femme touchante.

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