New York : Visite guidée avec Donald E. Westlake

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En choisissant de vous parler de la ville de New York, que j’adore, j’ai vite fait face à un choix bien difficile : quel auteur choisir comme guide? Allions-nous arpenter – à pied – le Brooklyn de Paul Auster ou celui d’Henry Miller? Le Manhattan de J.D. Salinger ou de Holden Caulfield? Ou encore le New York de Tom Wolfe (Le Bûcher des vanités), image de l’éternelle lutte des classes?

Côté polar, ce n’est pas le choix qui manque non plus : Chester Himes, Ed McBain et son 87e District ou Lawrence Block; mieux, Herbert Lieberman qui dans Nécropolis, a livré l’un des plus impressionnants portraits de la ville qui ne dort jamais à son époque la plus noire – Le New York glauque, sans espoir de Taxi Driver et d’avant le nettoyage du maire Giuliani. Toutes ces avenues mènent à New York, et je vous suggère d’aller vous y perdre; rien de tel pour se retrouver. Mais je ne raterai pas ici l’occasion de parler de mon auteur fétiche, le regretté Donald E. Westlake, l’un des derniers grands artisans du métier.

Né à Brooklyn et ayant grandi dans le nord de l’état, il a vécu à Manhattan une grande partie de sa vie. Il est en quelque sorte le New Yorkais type, de qui on dit : « On peut sortir un gars de New York, mais pas New York du gars. »

Si la métropole américaine est présente dans presque toute l’œuvre westlakienne, c’est surtout de la série « Dortmunder », du nom de son protagoniste, un autoentrepreneur en cambriolage malchanceux et pessimiste, que je veux vous entretenir. Dans cette série drôlissime, maintenant entièrement disponible aux éditions Rivages, on visite New York de mille façons : à pied parfois, surtout pour une discrète discussion; en voiture ou en camion « emprunté » très souvent; en métro rarement (et justement quand il y a une alerte à la bombe). Trois ou quatre fois, on s’y promène en hélicoptère ou en bateau. Mais, peu importe le moyen utilisé pour aller, pour affaires, dans une banque ou un musée – hors des heures d’ouverture – ou au poste – afin de faire sortir un ami qui a avalé un diamant avant de se faire arrêter – ou encore dans l’arrière-boutique d’une grande société… peu importe où on va, donc, on y est très souvent conduit par ce cher Stan Murch, fils d’une chauffeuse de taxi mal dégrossie, et as du volant de la bande. Quand on lui demande « as-tu déjà conduit un engin comme ça? », il se peut qu’il ne réponde pas directement à la question – « je t’ai dit que je peux tout conduire » –, mais il est sûr qu’il mènera ses passagers à quasi bon port. S’il est en retard, ne lui demandez pas pourquoi : il passera une éternité à vous expliquer le meilleur chemin pour aller de tel à tel endroit, et comment les travaux sur la 65e ont compromis ses plans. Comme on dit dans la langue d’Edgar Allan Poe : too much information.

En cas de réel problème, pour Dortmunder et sa bande hétéroclite, il y a un véhicule qu’on ne veut pas emprunter pour quitter les lieux : l’autopatrouille. Quitte à s’en aller par le chemin des délinquants : toits, tunnels, arrière-cours, égouts ou pire, ce camion de poisson dont le frigo a lâché. La malchance des uns fait souvent rire les autres!

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