Le polar, nouveau genre : Par quatre chemins

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Décidément, le polar effectue un retour en force ! Depuis quelque temps, on ne compte plus les nouveautés du genre et encore moins le nombre sans cesse croissant de collections qui se retrouvent sur les tablettes des librairies. Bien sûr, l'amateur de polar est ravi d'une telle recrudescence du genre, mais il faut bien admettre qu'il devient de plus en plus difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. En effet, comment faire pour trouver la perle rare qui sera sans doute cachée entre le dernier gros canon et toutes ces collections qui servent la même recette jusqu'à saturation ?

Fort heureusement, au milieu de cette surproduction, il existe certaines maisons d’édition qui cherchent à sortir des sentiers battus. Bon an mal an, la collection « Chemins nocturnes » de la maison Viviane Hamy s’impose avec un créneau original et un rythme de production des plus calculés (souvent synonyme de qualité et d’originalité). D’un titre à l’autre, on découvre des polars dotés d’une rigueur et d’un souci formel peu communs aujourd’hui. Cette collection nous a révélé quelques grands écrivains du genre. N’est-ce pas chez Viviane Hamy que Maud Tabachnik a publié ses meilleurs polars ?

Et voilà maintenant que la collection vient de réussir un autre bon coup ! En effet, Fred Vargas (ne pas se méprendre sur le prénom, il s’agit bien d’une femme), l’excellente auteure, entre autres, de Debout les morts et de L’homme à l’envers, s’est associée au réputé bédéiste Baudoin pour nous offrir Les quatre fleuves, véritable petit bijou de polar situé à mi-chemin entre le roman et la BD, à la limite de l’exercice de style (mais quel style !).

On connaissait déjà le goût prononcé de Fred Vargas pour l’archéologie, penchant qui transparaissait chez les personnages de ses précédents romans – on pense ici aux trois historiens de Debout les morts –, et dans la structure même de ses œuvres. Mais voilà que ce souci formel qui caractérisait l’écrivaine est poussé à son paroxysme avec Les quatre fleuves. En s’associant à Baudoin, dont le trait cadre parfaitement avec son univers littéraire, elle semble s’adonner ni plus ni moins à la recherche d’une esthétique du roman noir. À la lecture de cette œuvre inclassable, on plonge littéralement dans un univers tout en contrastes et en subtilité : on pourrait penser que le dessin de Baudoin ne ferait que servir le récit de Vargas, mais il n’en est rien. Ici, le texte se trouve en parfaite symbiose avec le graphisme, porteur de sens au possible, et c’est cette complicité entre les deux médias qui crée le rythme du récit. Et quand, parfois, le dessin alterne avec des pages entières de texte calligraphiées par Baudoin, il n’y a aucun décrochage possible, si bien qu’à la fin, on jubile et on en redemande !

Quant aux amateurs de Vargas qui pourraient s’inquiéter de cette nouvelle démarche, ils n’ont pas à s’en faire, car il s’agit bien ici d’un authentique Fred Vargas, avec ce style et cet humour si particulier auxquels elle nous a habitués. Rassurez-vous, elle n’a rien perdu de son sens de la répartie et de ce petit quelque chose qui fait de ses personnages des sujets profondément humains. On retrouve d’ailleurs avec plaisir le commissaire Adamsberg (héros de L’homme aux cercles bleus et de L’homme à l’envers) à qui on colle enfin un visage.

Les quatre fleuves, le dernier bon coup chez Viviane Hamy, est un incontournable autant pour les amateurs de polar que ceux de BD, novices ou pas. À lire et à relire.

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Les œuvres de Fred Vargas disponibles chez Viviane Hamy dans la collection « Chemins Nocturnes »:
Les quatre fleuves, en collaboration avec Baudoin, Debout les morts et L’homme à l’envers et L’homme aux cercles bleus.

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