Quels artistes admirent-ils? Quelle histoire rêvent-ils secrètement d’illustrer? Ont-ils déjà douté de leur métier? Nous avons posé ces questions à quatre illustrateurs qui, depuis des années, nous font craquer. Découvrez leurs réponses!
Photo : © Mathieu Lavoie / Illustration tirée du livre Le chemin de la montage (Album) : © Marianne Dubuc

Marianne Dubuc

Peuplés d’animaux attachants, les livres de Marianne Dubuc sont souvent considérés comme des incontournables de la littérature jeunesse, comme Le lion et l’oiseau, L’autobus, Le chemin de la montagne, Je ne suis pas ta maman, Au carnaval des animaux et Devant ma maison. Elle a récemment publié Chez toi, chez moi (Casterman) et Que veux-tu, petite mouche? (Album). Ses livres sont maintenant publiés aux éditions Album, une maison d’édition jeunesse qu’elle a créée avec Mathieu Lavoie, également auteur et illustrateur.

Quel artiste admirez-vous?
Les musiciens! Je sais, ce n’est pas UN artiste, mais j’ai du mal à choisir. Et puis pour moi, avec des notes et un rythme, réussir à faire sortir de sa tête une mélodie, une chanson qui inspire des émotions, qui accompagne les gens dans la vie… c’est ÇA qui est fascinant. On me demande souvent comment je fais pour créer mes histoires. Moi, c’est le processus de création des musiciens que j’admire. J’aimerais bien avoir ce talent (que je n’ai absolument pas!).

Quelle histoire aimeriez-vous illustrer?
Si je devais choisir une histoire déjà écrite à illustrer (parce que je préfère grandement créer les images en même temps que le texte, c’est pour ça que je suis auteure et illustratrice), je choisirais peut-être les fables d’Ésope. J’ai adoré ces histoires quand j’étais petite, et, puisque mes personnages sont toujours des animaux, je m’y sentirais chez moi.

Avez-vous déjà douté de votre métier?
Il m’est arrivé de me demander si mon travail apportait quelque chose à la société. Puis, mes enfants ont grandi, et ils adorent les livres et lisent beaucoup. J’ai vu l’impact de cet amour de la lecture à leur entrée à l’école, sur leur accès à tant de connaissances. La relation qu’ils ont avec les livres, qu’on a nourrie dès leurs premiers mois, les aidera toute leur vie. Alors je me dis que peut-être que mon travail fait la même chose pour d’autres enfants. Après, bon, je doute toujours de mes livres. Mais ça, c’est normal, je crois!

Illustration tirée de C’est cha qui est chat! (Soulières éditeur) : © Philippe Béha

Philippe Béha

Cet artiste prolifique a collaboré en tant qu’illustrateur à plusieurs projets (corporatifs, affiches, publicités) et à de multiples livres (Léonard, le mouton qui ne voulait pas être tricoté, Le meilleur moment, Ti-Jos Connaissant, Douze oiseaux, La vérité sur les vraies princesses, Le monde de Théo, etc.) dans diverses maisons d’édition. En plus d’enjoliver les albums jeunesse de ses illustrations colorées et éclatées, il a aussi signé de sa plume plusieurs histoires : C’est cha qui est chat!, Bleu, L’abécédaire du pet et Mon ami Henri.

Quel artiste admirez-vous?
Nous avons tellement d’illustrateurs et d’illustratrices de talent au Québec que je pourrais facilement en nommer plusieurs dizaines que j’aime beaucoup. Des artistes qui n’illustrent pas en fonction d’une mode, mais plutôt avec une personnalité, une créativité, une sensibilité. En bref : des artistes qui illustrent pour les enfants. Je pense, entre autres, à Josée Bisaillon, Manon Gauthier, Jacques Goldstyn, Elise Gravel.

Quelle histoire aimeriez-vous illustrer?
J’aurais aimé illustrer une version de Pinocchio, mais j’aimerais surtout illustrer les histoires que j’ai en écriture et qu’il me faudrait vraiment terminer.

Avez-vous déjà douté de votre métier?
J’ai eu la chance, en plus de quarante ans, d’illustrer pour une clientèle très diversifiée pour qui je devais conceptualiser de façons différentes puis trouver la facture illustrative appropriée. Ce défi permanent m’a permis de pousser chaque fois un peu plus loin cette passion de créer sans jamais douter.

Photo : © Cindy Boyce / Illustration tirée de Gâteau aux pommes (La Pastèque) : © Geneviève Godbout

Geneviève Godbout

Rose à petits pois, Malou, Gâteau aux pommes, Joseph Fipps et Mauvais poil : voilà quelques-uns des titres qu’a illustrés Geneviève Godbout, avec son crayonné distinctif, coloré et délicat qui donne des dessins aux allures vintage. Si je n’étais pas Anne… (Scholastic), sa plus récente œuvre, écrite par Kallie George, revisite le classique Anne… la maison aux pignons verts. Réalisées aux crayons de bois et aux pastels, ses douces illustrations ravissent autant les plus grands que les plus petits.

Quel artiste admirez-vous?
J’en admire tellement, mais j’aimerais souligner le travail de femmes d’ici qui se démarquent par leur style unique : Isabelle Arsenault, Cathon, Mirion Malle, Emmanuelle Walker (qui habite à Londres maintenant), pour ne nommer que celles-ci. Il y a aussi Nadine Robert, tutrice et éditrice de Comme des géants, qui fait un travail extraordinaire d’édition jeunesse au Québec. On dira ce qu’on voudra, il y a encore de grandes inégalités de salaire et de crédibilité pour les femmes artistes. Et c’est en se soutenant que les choses changeront.

Quelle histoire aimeriez-vous illustrer?
Je me considère déjà très chanceuse d’avoir illustré deux classiques de mon enfance : Mary Poppins (P. L. Travers) et Anne… la maison aux pignons verts (Lucy Maud Montgomery). Cette expérience m’a donné beaucoup de visibilité et depuis, je reçois des propositions de textes magnifiques. Je crois avoir donné pour le moment dans la réinterprétation de textes connus, alors les prochaines histoires que j’aimerais illustrer seront celles qui touchent directement mon cœur, ou celles que j’aurai moi-même écrites!

Avez-vous déjà douté de votre métier?
J’ai beaucoup douté de moi, mais jamais de mon métier. Même pendant les moments difficiles, j’étais toujours excitée et heureuse d’illustrer des livres. Toutefois, j’ai eu de longues périodes très frustrantes d’apprentissage où le résultat n’était pas à la hauteur de ce que j’avais imaginé. Le niveau n’y était pas. Il fallait travailler encore plus. J’ai davantage confiance en moi aujourd’hui, mais cette insatisfaction permanente fait encore partie de mon processus de création.

Illustration tirée de de l’album Carmen and the house that Gaudí built de Susan Hughes (Owlkids Books), à paraître cet automne : © Marianne Ferrer

Marianne Ferrer

Créant des univers envoûtants qui insufflent du merveilleux, Marianne Ferrer a illustré plusieurs œuvres : Le jardin invisible, Toucania, Une histoire de cancer qui finit bien, Le lac de singes et Un pique-nique au soleil. Elle a aussi signé les textes et les illustrations de Racines et c’est elle derrière les superbes images de la série « Fanny Cloutier » de Stéphanie Lapointe (Les Malins), dont chacun des tomes colorés forme les journaux intimes ressemblant à des scrapbooks de l’adolescente.

Quel artiste admirez-vous?
J’admire tellement d’artistes qu’il est dur d’en choisir juste quelques-uns! Pour le moment, le travail de Benedikt Luft, Daria Solak, Karina Cocq et Makoto Maruyama m’inspire beaucoup.

Quelle histoire aimeriez-vous illustrer?
J’aimerais vraiment illustrer une histoire qui parle des petits mystères de tous les jours. Pour trouver un peu de magie dans les moments qui sont souvent frustrants! Pourquoi est-ce que mon père perd toujours la clé de sa boîte aux lettres? Oui, c’est peut-être parce qu’elle est petite et qu’il ne vérifie pas toujours ses poches avant de laver ses pantalons, mais peut-être aussi parce qu’une petite créature mystérieuse en a besoin pour son métal et en est très reconnaissante.

Avez-vous déjà douté de votre métier?
Il n’y a aucun métier où on ne doute jamais au moins un petit peu. Surtout dans des carrières créatives, on a peur de ne pas être aussi bon que ses collègues et d’être frustré lors d’un bloc créatif. Mais c’est un sentiment qui passe et ne reste pas pour longtemps. La vie est remplie de tant de moments de beauté, même parmi le laid, et mon instinct est toujours de voir celle-ci avec un œil d’artiste. Alors, malgré des doutes, je finis toujours par reprendre mon pinceau.

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