Louise Simard: Bec à face entre un oiseau de proie et un enfant

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Habituée des fresques historiques (La route de Parramatta, Thana), la romancière Louise Simard se consacre depuis peu au créneau jeunesse. Pour le plus grand bonheur des lecteurs de 10 ans et plus, elle les invite à découvrir les nobles oiseaux de proie, dans toute leur fragilité. Paradoxe? Pas dans l'esprit de l'instigatrice de ce rendez-vous fabuleux entre un enfant face aux tourments de sa vie et un volatile, fragilisé dans sa condition d'être blessé. Un appel à l'entraide, au potentiel de dépassement du jeune et à l'émerveillement de la vie. Deux excursions dans des univers aussi éloignés que le Moyen Âge, époque de prédilection de la fauconnerie, et le Grand Nord québécois…

L’omniprésence des oiseaux de proie dans les ouvrages pour la jeunesse de Louise Simard n’est pas un pur hasard. Déjà, dans Le retour du pygargue, premier titre de la série Contes du vent, publié en avril 2007, l’écrivaine dévoilait son attachement pour la race ailée.

Louise Simard a développé une réelle passion pour les «redoutables» oiseaux de proie. Depuis dix ans, sa fille lui présente cet univers. Cette dernière s’est spécialisée lors de stages en Caroline du Nord au cours desquels on lui a confié des oiseaux blessés. Pour sa part, Maman s’est découvert un penchant pour ce type d’intervention tout à fait exceptionnelle. Parce qu’ils sont mystérieux, captivants et dotés d’une âme combative, il n’en fallait pas plus pour que Louise Simard s’éprenne de ces animaux: «J’ai développé un regard poétique sur les oiseaux de proie, et c’est ce que j’exprime dans mes trois œuvres jeunesse», évoque-t-elle à propos de son écriture.

La Belle Province compte plus de vingt-sept espèces d’oiseaux de proie dont le faucon, la buse, la chouette, l’aigle et le vautour, sans oublier maître hibou. Autant de majestueuses créatures vivant parfois dans un environnement à proximité de celui de l’être humain. Basé à Saint-Hyacinthe, l’Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie (UQROP) est un regroupement doté d’une double mission, la réhabilitation des oiseaux de proie blessés et l’éducation du grand public, qui a fortement interpellé Louise Simard.

Le noble combat de vivre
La fauconnerie, aussi reconnue sous l’appellation de «chasse au vol», est au cœur de l’histoire de La chanson de l’autour. Il s’agit de l’art de capturer une proie sauvage dans son milieu naturel grâce à un oiseau de proie dressé à cette fin. Transmise de père en fils, cette pratique, telle que mise en scène dans le roman de Louise Simard, relie différents protagonistes les uns aux autres: la jeune Marie de Leyris et son frère Jacques, élevés par la fidèle Louiselle, servante de leurs défunts parents. Le beau Geoffroy, fils du maître fauconnier de la duchesse de Brabant, est dans la mire de Marie. Celle-ci ressent un profond sentiment amoureux à l’égard de ce dernier, mais leur union semble perdue d’avance. De classes sociales antagonistes, les deux jeunes seront vite confrontés à la dure réalité: ils ne seront jamais destinés l’un à l’autre. Et, comble de malheur, Marie de Leyris se voit aux prises avec un sérieux problème: celui de se marier avec un homme riche pour qui elle ne ressent aucune affection, afin de rembourser les dettes de son père défunt. C’est dans ce cadre noble du cœur et tragique du destin qu’intervient l’autour des palombes. Lors d’une chasse au vol, l’oiseau se blesse. Marie a été témoin de l’événement, à l’abri des regards malfaisants des nobles, et, courageusement, elle entreprend de sauver l’animal. Mettre ainsi en présence un jeune tourmenté et un oiseau blessé relève d’une philosophie toute spéciale pour Louise Simard: «Je souhaitais créer une rencontre entre un jeune et un oiseau au caractère combatif pour que l’un et l’autre s’entraide. Même blessé, l’oiseau de proie manifeste une force de vie unique. Il est très difficile de tuer l’âme de ces oiseaux, ils s’accrochent tellement à la vie…», soutient l’écrivaine. Cet aspect exceptionnel ressort également de la trame de Kila et le gerfaut blessé.

La grandeur nature de l’âme bienfaitrice
Autre tableau pour ce troisième titre jeunesse de Louise Simard: le Nord du Québec et ses beautés de glace. Tout comme Marie de Leyris, la jeune Inuite Kila devra faire face à une épreuve de taille, celle de quitter sa terre natale pour la grande ville afin d’approfondir son potentiel de musicienne. Torturée à l’idée de troquer son espace d’épanouissement nordique pour la métropole, Kila n’en a pas fini avec les épreuves. Sa grand-mère, qui l’a prise sous son aile après le décès de sa mère, lui apprend la nature exacte du trépas de cette dernière: elle s’est suicidée. Pour l’écrivaine, confronter les jeunes lecteurs d’aujourd’hui avec de telles réalités échappe au tabou: «Ils sont au fait de ces phénomènes de société, dotés d’une maturité et d’une compréhension de la vie», croit-elle. Le cœur et l’âme troublée, l’adolescente se réfugie donc dans un coin reculé, se refusant à partir pour Montréal. C’est là qu’elle tombe sur des braconniers qui s’emparent d’œufs d’oiseaux de proie. Un oiseau de proie est blessé lors du vol et échappe aux malfrats. Kila veillera sur le gerfaut et quittera avec son protégé le pays du froid pour la métropole. Le roman s’inspire d’une histoire vraie au cours de laquelle des braconniers se sont emparés d’œufs d’oiseau de proie pour les vendre au prix fort en Afrique et faire fortune: «Heureusement, ces hommes furent stoppés à l’aéroport de Dorval», raconte la romancière. Et dans les deux histoires, celles de Marie et de Kila, les fins s’avèrent réjouissantes: les filles ont acquis confiance et solidité, et leurs oiseaux de proie retrouvent une vie empreinte de liberté.

L’environnement naturel et sa richesse demeurent des thèmes centraux dans les deux œuvres: «Je veux que les lecteurs retiennent un message essentiel, celui de vivre ensemble en harmonie, dans le respect. Il faut ouvrir l’œil, être attentif à ce qui nous entoure… comme le fait l’oiseau de proie», explique Louise Simard. En fait, il s’agit d’attirer le lecteur dans un univers propice à l’émerveillement, au jour le jour.

L’écrivaine convie le jeune lecteur à épancher sa soif de connaissances des oiseaux de proie grâce à des fiches complémentaires qu’on trouve à la fin de chaque récit. Son attachement pour les majestueuses créatures ailées l’a amenée à adopter elle-même deux spécimens dont elle s’occupe avec beaucoup de plaisir. Louise Simard travaille actuellement sur un nouveau projet à caractère historique…

Bibliographie :
La chanson de l’autour, Trécarré Jeunesse, coll. Contes du vent 248 p., 14,95$
Kila et le gerfaut blessé, Trécarré Jeunesse, coll. Contes du vent, 240 p., 12,95$

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