La vie est si fragile

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Comme le disait si bien Brel «on oublie rien […] on s'habitue, c'est tout». On s'habitue à la vie comme à la mort, même à supporter le vide incompréhensible que laisse le suicide d'un être cher. C'est «dire si on se fait à tout!», comme l'affirme Colin, du haut de ses (presque) neuf ans. Le personnage principal du Parfum des filles de Camille Bouchard, comme la Lou-Anne, 15 ans, de Ma vie ne sait pas nager d'Élaine Turgeon, émergent de la perte, cruelle et irrémédiable, d'une sœur.

Un avant et un après
Pour Lou-Anne, la vie ne sera plus jamais la même, «il y a maintenant un avant et un après» Geneviève. Sa jumelle ne voulait pas vraiment mourir en se laissant couler au fond la piscine de l’école, seulement être libérée de «ses sables mouvants». Sa famille est déchirée: la grand-mère est submergée par sa colère, les parents inconsolables, rongés de culpabilité, oublient qu’il leur reste une fille. Absorbés par leur insoutenable peine, ils oublient, comme la regrettée, que «l’on n’est jamais seul à vivre ce que l’on vit». Dans Le parfum des filles, il y a aussi Colin qui ne comprend pas pourquoi, depuis que sa sœur s’est transformée en cerf-volant pour échapper à la vie (et à l’oncle Jérôme…), les membres de sa famille s’isolent dans leurs mondes de tristesse: «si on fusionnait ces mondes ensemble, pense-t-il, la tristesse, au lieu de s’accroître, se diluerait». Colin voudrait pouvoir retrouver sa famille joyeuse d’antan. Si seulement Julie avait parlé de sa douleur, peut-être aurait-elle pu «rependre goût au parfum des fruits»?

Les mots comme une bouée
Après ce moment de dérive inévitable résultant de la perte, l’espoir renaît au sein des deux clans par les mots. Lou-Anne sortira de son isolement, trouvera sa libération dans ses conversations avec Simon et les lettres écrites à sa jumelle disparue pour combler le vide et ainsi apprendre à «respirer sous l’eau». Colin, aidé de son ami Antoine, correspond avec Julie en attachant des messages à son cerf-volant. C’est elle qui l’a dit: «le cerf-volant permet de communiquer avec les anges». Il arrive ainsi à se libérer, aux quatre vents, de toutes ces questions sans réponse. Les mots d’Élaine Turgeon, intenses et vrais, de Camille Bouchard, remplis d’absence et touchants, décrivent brillamment les réalités fragiles du deuil, de la dépression et du suicide, et laissent passer la lumière dans l’éclat des plus petites choses; un regard, un geste, une parole.

«Tout passe. Comme la marée monte et redescend. Il y aura toujours des moments à marées basses, mais ils seront nécessairement suivis de marées hautes. Il faut y croire.» (Ma vie ne sait pas nager)

Bibliographie :
Ma vie ne sait pas nager, Élaine Turgeon, Québec Amérique, coll. Titan +, 120 p., 10,95 $
Le parfum des filles, Camille Bouchard, Dominique et compagnie, coll. Roman bleu, 73p., 9,95$

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