Ceux que l’on pensait ne jamais aimer

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Les contes traditionnels fourmillent d'êtres détestables et tyranniques qui sèment nombre d'embûches sur la route du héros ou de l'héroïne. Tel est le rôle généralement attribué aux belles-mères, celles qui, on s'en souvient, ont rendu si pénible la vie de Cendrillon et de Blanche-Neige. Heureusement, cet héritage n'a pas empêché la littérature romanesque pour la jeunesse de délaisser ce stéréotype pour réactualiser complètement le personnage.

C’est ainsi qu’Anne Vantal nous présente, dans Chère Théo, une belle-mère grecque aussi exotique que fascinante, dotée d’une magnifique authenticité. L’attachement qui naît entre elle et l’héroïne est extrêmement fort et demeure au premier plan du roman. Rapidement, la jeune fille souffre d’un sentiment de culpabilité face à sa mère, mais l’auteur en profite pour livrer au lecteur un savoureux entretien où la mère explique pourquoi elle ne se sent en rien menacée. Malgré tout, un véritable drame survient plus tardivement dans le récit lorsque le de la jeune fille et Théo se quittent. Cette femme, qui fut si longtemps dans sa vie, disparaît tout à coup : « L’arrivée de Théo avait été un cadeau des dieux. Son départ, un coup du diable. » En fait, Chère Théo constitue un véritable hommage aux individus qui croisent notre vie et qui, heureusement, y laissent une parcelle d’eux-mêmes.

Dans la même lignée, mais pour les plus jeunes lecteurs, Nancy Montour nous offre Le Cœur au vent, un roman illustré avec chaleur et poésie par Geneviève Côté. Cette fois-ci, le récit relate le temps d’apprivoisement entre l’héroïne et son beau-père. Ce dernier, à l’image de l’ancre tatouée sur son bras, prétend être un port d’attache pour cette famille meurtrie. Au fil du récit, il parvient à se hisser dans le cœur de la petite. C’est avec philosophie et admiration qu’elle l’accueille volontiers dans sa vie : « (…) Vincent, lui, a choisi de veiller sur moi parce que mon papa n’est plus là. »

Dans Tu parles Charles, le héros de Vincent Cuvellier trouve aussi du réconfort, mais pas là où il s’y attendait. Ses parents, autrefois séparés, sont à nouveau ensemble, mais il semble qu’ils n’en aient plus pour bien longtemps. Les chicanes se poursuivent et le héros sent l’inévitable approcher. De plus, il doit chaque jour apporter les devoirs à un garçon de sa classe, Charles, qui est alité à la suite à un accident. Il le fait à contrecœur, car il le considère comme un « type pas comme les autres » qui a « une tête de vieux, des habits de vieux » et même que « quand il n’est pas là, on ne le remarque même pas ». Pourtant, il se sent mieux aux côtés de Charles. Peu à peu, il découvre son humour, ses intérêts et sa véritable personnalité. Étrangement, cette nouvelle amitié saura alléger les souffrances qui le submergent.

Ainsi, bien que ces trois textes traitent d’un sujet très précis, idéal pour susciter des discussions, ils offrent surtout un magnifique moment de lecture empreint d’émotion et de sensibilité. Il est même surprenant de voir de quelle façon ils nous démontrent que, parfois, ceux que l’on croyait nos ennemis viennent tout doucement, à la manière d’une fée marraine, améliorer notre existence.

Bibliographie :
Chère Théo, Anne Vantal (texte) & Marc Boutavant (ill.), Actes sud Junior, coll. Les premiers romans
Le Cœur au vent, Nancy Montour, Dominique et compagnie, coll. Roman rouge
Tu parles, Charles !, Vincent Cuvellier, Éditions du Rouergue, coll. ZigZag

Autres titres sur le thème du divorce :

Le Démariage, Babette Cole, Seuil,
Maman ours est partie, René Gouichoux (texte) & Olivier Tallec (ill.), Père castor/Flammarion
Un chien dans un jeu de quilles, Carole Tremblay (texte) & Dominique Jolin (ill.), Soulières éditeur, coll. Chat de gouttière

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