En 2018, on dénombrait au Canada plus de 7,1 millions de grands-parents et d’arrière-grands-parents. Rappeler leur influence bénéfique au sein des familles n’est plus d’une grande originalité tant ce fait est scientifiquement prouvé depuis longtemps. Les petits adorent passer du temps avec ces membres de leur famille et plusieurs livres les mettent de l’avant, sous l’angle de ce qu’ils ont de merveilleux à transmettre, mais aussi de l’apprivoisement de leur perte, lorsque le moment est venu…

Des grands-parents qui surprennent
Certains grands-parents savent parfois user de ruse avec adresse pour émerveiller leurs petits-enfants. Dans Le livre de grand-papa (Bayard), on découvre un petit garçon fasciné par les histoires nombreuses, rocambolesques et variées de son grand-père. Toutes ses histoires tiennent dans un livre, un vieux bouquin usé, sans images, le seul et unique livre d’ailleurs qu’il y avait dans la maison des grands-parents. On lit cet album avec un sourire en coin : c’est si beau de voir un petit-fils et son papi partager une telle passion! Et à la toute fin (attention, divulgâcheur!), on comprend toute la magie, encore plus puissante, qui unit les deux lorsque, rendu à 7 ans, le petit arrive par lui-même à lire le fameux livre… Un almanach? Qui parle de semences et de lune? Mais où sont les histoires merveilleuses que racontait son papi?! On apprend que si ce dernier ne savait aucunement lire, il n’en était pas moins doué comme conteur pour autant! Un album génial pour aborder les différences entre générations, pour parler de l’éducation et de l’amour d’un grand-papa pour son petit-fils.

Pour les 10 ans et plus, un roman vient bousculer l’idée reçue qu’une grand-mère, ça ne fait que tricoter. Dans Mes 162 voisins, de Françoise Cliche aux Heures bleues, la protagoniste Lucie doit aller passer trois semaines à l’île d’Orléans, chez sa grand-mère qu’elle connaît peu. Quelle surprise Lucie aura-t-elle en découvrant que sa grand-mère est très active, écoute du Metallica et a une vie sociale fort remplie, notamment en côtoyant plusieurs travailleurs mexicains qui travaillent au champ de fraises voisin! Un roman qui évoque une relation mamie-petite-fille qui a été trop longtemps en jachère.

Quand la maladie frappe
L’Alzheimer est une maladie répandue, qui a un impact sur tous les membres de la famille. Parfois, il est difficile d’aborder le sujet avec les enfants, difficile d’expliquer pourquoi ces grands-parents qu’ils ont tant aimés ne se ressemblent plus en rien. Émilie Rivard a écrit Vrai de vrai, papi? (Bayard) pour rappeler la force qui peut unir deux personnes de générations différentes, au-delà de la maladie qui s’immisce entre eux. De façon positive, elle relate l’histoire de Louis, qui adorait par-dessus tout les histoires de son grand-papa. « Maintenant que je suis grand, papi ne raconte plus d’histoires. Il ne se souvient ni du pirate, ni de la sorcière, ni du gnome. Une vilaine maladie a mangé sa mémoire et ses mots. Elle a même avalé son sourire. » Mais tranquillement, il comprendra mieux la maladie, apprendra qu’il doit vivre avec elle autant que son papi, qu’il continuera de visiter. Il comprendra également que cette magie que possédait son papi — celle de raconter de merveilleuses histoires — est maintenant en lui. Toujours au sujet de la maladie d’Alzheimer, La petite rapporteuse de mots (Danielle Simard et Geneviève Côté, Les 400 coups) met à profit le lien fort entre une petite et sa grand-mère, dont les mots lui échappent de plus en plus.

Ce qu’ils laissent en héritage
Un des albums les plus touchants sur l’héritage laissé derrière soi est Le calepin picoté avec un canard dessus (Phoenix). Dans cet album pour les 7 ans et plus, il est question d’un arrière-grand-père qui offre en cadeau à son arrière-petite-fille un drôle de cahier « Je l’ai depuis très, très longtemps. Presque cent ans. C’est un souvenir », lui dit-il en le lui donnant. Et la petite le sait : rien n’est plus précieux qu’un souvenir. Avec ce cadeau, Vieux-Grand-Papa souhaite qu’elle y collige ses pensées et moments importants : « Quand tu seras une grand-maman, tu n’auras pas à attendre que quelqu’un te raconte tes souvenirs. Tu n’auras qu’à lire ton petit calepin. Et tous les autres que tu rempliras en grandissant. » La petite commence alors à y dessiner ses souvenirs, mais aussi ceux qui s’échappent de la mémoire usée, trouée, de son Vieux-Grand-Papa. La relation qui les unit s’approfondit, elle l’écoute, le découvre. Les mots utilisés par la petite sont d’une belle candeur juvénile qui ajoute à la profondeur du texte : « C’était difficile de le comprendre, même réveillé, à cause de ses dents qui bougeaient dans sa bouche. Ça émiettait les mots. » Écrit par Pierre Chartray et Sylvie Rancourt, cet album est illustré de main de maître par Marion Arbona, qui a trouvé la façon parfaite de mettre en images les souvenirs de l’arrière-grand-père, qui s’imbriquent dans le quotidien de la petite.

Dans Si le monde était… de Joseph Coelho et Allison Colpoys aux 400 coups, on découvre une autre histoire de filiation, une autre histoire de souvenirs et de carnet, alors qu’on suit une petite-fille et son grand-père d’origine indienne, qui découvrent ensemble la vie, les saisons. Mais un jour, la petite devra découvrir seule comment vivre sans son grand-papa. « Si le monde était des printemps, je replanterais chaque anniversaire de mon grand-père pour qu’il ne vieillisse jamais. » Un bel album tout en couleurs revigorantes pour aborder positivement le deuil, pour aller de l’avant en gardant la mémoire de cet être cher.

Et finalement, dans Les dahlias de grand-papa d’Angèle Delaunois et Claire Anghinolfi (L’Isatis), on aborde la question de l’héritage par une histoire très touchante, et tout en subtilité, sur un grand-père qui avait choisi de planter des dahlias afin de colorer son milieu de vie. En hommage à cet homme, sa famille continuera, année après année, à honorer sa mémoire en faisant fleurir ces fleurs dont le rouge éclatant lui rappelle son amour pour son aîné. Car même si lui n’est plus, ces fleurs-souvenirs prouvent que la vie continue…

Illustration tirée de Si le monde était… (Les 400 coups) : © Allison Colpoys

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