Apprendre à penser avec le livre jeunesse

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Le meilleur rempart contre l'intolérance et l'ignorance, c'est une prise de conscience élaborée sur une compréhension du monde et de soi-même dépourvue de préjugés et de lieux communs. Un apprentissage de la pratique du discours philosophique vise justement l'épanouissement de l'esprit critique, l'émergence du raisonnement puis celle du jugement.

Dès son plus jeune âge, l’enfant est enclin, spontanément, à se poser des questions fondamentalement philosophiques. Cette multitude de « pourquoi » et de « comment » qui fusent de toutes parts en est le témoin le plus probant. Ainsi, la pratique de la philosophie s’impose tout naturellement et ce, dès l’école primaire. L’interrogation, la réflexion, la discussion et l’observation permettront à l’enfant de se révéler à lui-même ainsi que dans sa relation au monde et avec ses semblables.

C’est dans une telle perspective qu’une équipe de travail de l’Université Laval, dirigée par Michel Sasseville, s’active actuellement à étudier la question et à développer une approche éducationnelle qui fait déjà des adeptes au Québec. L’élément moteur de ses travaux porte sur la communauté de recherche. Celle-ci vise essentiellement à engager la discussion autour d’une problématique fondamentale à l’aide d’une histoire lue et partagée. L’animateur devra faire converger la discussion dans une perspective philosophique où il n’aura plus qu’à laisser libre cours aux idées émises par les enfants sans jamais les contraindre davantage.

J’ai l’intime conviction que les limites d’un tel exercice ne proviennent pas de l’âge de l’enfant, mais de la capacité même de l’adulte de mener à terme une discussion qui ne correspond pas nécessairement à son propre ordre des choses. Inspirés de ces recherches, allons puiser aux sources de la littérature jeunesse les livres qui favoriseront l’amorce d’une discussion philosophique. De l’album au roman, le choix est vaste et ne demande qu’à être exploité !

Les Réflexions d’une grenouille propose une incursion dans l’univers d’une grenouille pensante. L’observation et le questionnement sont au cœur de ses réflexions, où l’humour irrésistible nous entraîne, à notre insu, sur les chemins de la linguistique ! Tiens-toi droite est un petit album au récit bref et incisif, où la délinquance et le décrochage scolaire questionnent sur les défaillances de notre système d’éducation : un sujet d’actualité qui interroge des valeurs sociales qui opposent normalité et marginalité, l’appartenance et le rejet. L’Étrange guerre des fourmis suggère une discussion sur la guerre et sa finalité, et donne l’occasion de faire un parallèle avec l’humanité en fonction de valeurs antagonistes : créativité et destructivité, respect et intolérance.

Un monde palestinien illustre une identité culturelle à la fois distincte et pourtant semblable à d’autres, une ouverture à l’autre qui mène à soi; une réflexion sur l’identité, cultures versus humanité. Dans Nuit d’orage, l’infini perpétuel sert de toile de fond à la multitude de questions que pose l’enfant éveillé. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? confirmera à l’enfant sa présence au monde et l’amènera à raisonner par induction à propos de l’existence de Dieu. Couleur chagrin vous fera méditer à la mort qui interpelle la vie.

Tous ces sujets vous chavirent ? Attention, ces titres sont dédiés à la jeunesse ; les adultes non avertis pourraient y laisser leurs illusions… la philosophie c’est sérieux, l’éveil à la conscience aussi !

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La Pratique de la philosophie avec les enfants, 2e éd., Michel Sasseville (dir.), PUL
Les Réflexions d’une grenouille, Kazuo Iwamura, Autrement
Tiens-toi droite, Guillaume Lecasble, Seuil
L’Étrange guerre des fourmis, Hubert Nyssen, Actes Sud/Les Contes philosophiques
Un monde palestinien, Collectif, Thierry Magnier
Nuit d’orage, Michèle Lemieux, Seuil
Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?, André Comte-Sponville, Thierry Magnier
Couleur chagrin, Élisabeth Brami & Georges Lemoine, Gauthier-Languereau

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