Quelques incontournables de la rigolade

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L'humour se manifeste en littérature sous des avatars divers. Voici donc une sélection de livres qui nous ont fait rire à gorge déployer : des polars, des parodies de space-opera, mais aussi des romans et des textes plus clairement étiquetés « cocasses ».

Le roman policier est un terrain fertile à l’humour sous toutes ses formes : humour noir, naturellement, mais aussi beaucoup d’humour de situation et de la franche rigolade. La dérision est souvent une arme fatale ! Certains auteurs alternent même entre des romans très noirs et des romans très drôles, question de relâcher la vapeur, j’imagine. C’est le cas de Lawrence Block. À son personnage de Scudder, sombre et alcoolique, succède un Bernie Rhodenbarr, libraire le jour et cambrioleur sympathique la nuit, toujours emberlificoté dans les situations les plus saugrenues. Son dernier : Les Lettres mauves (Seuil/Policiers).

C’est aussi le cas de Donald Westlake, qui alterne une œuvre très noire sous le nom de Richard Stark et des romans à l’humour corrosifs sous son nom. Dans Moi, mentir ?, il dénonce avec un malin plaisir la presse à sensation, tandis que dans Smoke (tous deux chez Rivages/Noir), il reprend avec brio le thème de l’homme invisible et s’en prend avec une vigueur jubilatoire à l’attitude hypocrite des Américains face au tabac. Avec Westlake, on ne rit pas pour rien ! Ni avec Carl Hiassen qui, à travers des personnages complètement déjantés et des histoires délirantes, est un farouche défenseur de l’écologie et des droits des animaux. Accrochez-vous, ça déménage ! Tous à lire. Son dernier : Mal de chien (Denoël & d’ailleurs).

En parlant de chien, il faut lire Un chien dans la soupe de Stephen Dobyns (Folio policier), du grand comique de situation, ou encore Chiens sales de François Barcelo (Gallimard/Série noire) pour retrouver un air de famille à des personnages loufoques entraînés malgré eux dans des situations cocasses. Barcelo nous fait visiter le Québec profond à un rythme d’enfer, non sans une pointe de sarcasme. Son dernier : L’Ennui est une femme à barbe (Gallimard/Série noire). Bref on pourrait continuer longtemps à citer des auteurs et des titres tellement la littérature policière regorge d’humour. Les Pinketts, Setbon, Pennac, Hortzberg, Greenan, Léonard, Bhem, Kotzwinkle, Winslow, Kaminski, Topin et San Antonio m’ont tous fait rire à un moment ou un autre. Mais je m’en voudrais de terminer ce survol sans citer un grand classique de l’humour noir : Fantasia chez les ploucs (Folio junior), de Charles Williams, à lire sans faute. (DL)

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Si le regretté Douglas Adams a également publié deux bouquins fort amusants qui parodiaient allègrement les poncifs du roman noir (les aventures du privé Dirk Gentry, hélas non disponibles en français), c’est néanmoins la série du « Guide galactique », son hilarante « trilogie en cinq volumes » (sic), qui lui assure une place de choix aux palmarès des incontournables de la rigolade. L’amateur d’humour absurde suivra avec délectation à travers la galaxie Arthur Accroc, l’infortuné dernier survivant de la race humaine, condamné à l’errance intersidérale depuis que la Terre a dû être détruite… pour faire place à une autoroute spatiale ! Dans l’ordre comme dans le désordre, cinq tomes dont les titres annoncent bien la couleur : Le Guide galactique, La vie, l’univers et le reste, Le Dernier Restaurant avant la fin du monde, Salut, et encore merci pour le poisson et Globalement inoffensive, tous récemment réédités en Folio SF.

Il va sans dire que l’œuvre d’Adams doit beaucoup à certains auteurs plus résolument ancrés dans le genre spéculatif mais qui ne dédaignaient pas une touche de nonsense vivifiant. Deux noms nous viennent spontanément à l’esprit : Fredric Brown, dont tant les romans (par exemple, le classique Martiens, Go Home !, Folio SF) que les nouvelles (Fantômes et farfafouilles, Folio SF) témoignent de la virtuosité dans l’art du cabotinage et de la déconstruction des lieux communs ; et son contemporain Robert Scheckley, autre grand maître de la dérision, de la parodie et de la satire (Le Mariage alchimique d’Alistair Crompton et Le Robot qui me ressemblait, J’ai Lu).
Évidemment, dans un registre similaire quoique situé hors du créneau spécialisé de la science-fiction, on relira avec plaisir les trois recueils de textes que nous a offerts Woody Allen (Dieu, Shakespeare et moi, Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture et Destins tordus, Points Virgule), où le cinéaste new-yorkais fait flèche de tout bois en s’attaquant avec férocité et érudition à des cibles fétiches : la psychanalyse, le journal de Kafka, la correspondance de Van Gogh, la littérature russe classique, le roman noir, et j’en passe.

On n’associe pas forcément au registre de l’humour le nom d’Umberto Eco, le célèbre professeur de sémiotique de l’université de Bologne qui nous a donné des thrillers érudits tels que Le Nom de la rose et Le Pendule de Foucault. Pourtant, l’éminent universitaire ne dédaigne pas le divertimento plus léger, comme en témoignent ces parodies qui relatent sur le mode ironique les veines et déveines de l’homme moderne. À ce jour, deux titres publiés : Pastiches et postiches (10/18) et Comment voyager avec un saumon : Nouveaux pastiches et postiches (Le Livre de Poche).

Enfin, parmi les classiques d’hier et d’aujourd’hui qu’il faut absolument fréquenter pour garder la bonne humeur (Alphonse Allais, Alexandre Vialatte, Boris Vian, Raymond Queneau, Tom Sharpe, François Cavana), je ne peux passer sous silence un grand maître, le regretté Pierre Desproges dont le Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis, le Manuel de savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis et enfin Les Étrangers sont nuls (tous en Points Virgule) sont des monuments de l’humour vitriolique, bête et méchant ! (SP)

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