« Avez-vous Sinatra a un rhume? »

C’est grâce à cette question toute simple que j’ai appris l’existence des Éditions du sous-sol. Cette toute jeune maison d’édition parisienne fondée par Adrien Bosc a tout de suite attiré mon attention. Elle apporte un vent de fraîcheur dans le monde du livre grâce à des choix éditoriaux audacieux et un éventail de titres d’horizons très variés. La fiction de Mordecai Richler côtoie ainsi les récits de Maggie Nelson et les reportages journalistiques de Gay Talese. Voici donc un aperçu de quelques-unes de leurs œuvres phares issues de différentes collections. La maison est malheureusement encore trop méconnue et ses livres passent souvent inaperçus parmi la kyrielle de titres qui paraissent chaque semaine. En espérant que votre curiosité aura été piquée et que vous souhaiterez lire un de leurs petits bijoux!

Le motel du voyeur / Gay Talese
Depuis les années 1960, Gay Talese est reconnu comme un des représentants les plus talentueux du nouveau journalisme, usant d’un croisement très intéressant entre la littérature et le journalisme. Son ouvrage Le motel du voyeur a connu un accueil très mitigé. Certains ont applaudi le talent de Talese et l’originalité de l’œuvre alors que d’autres l’ont vivement critiqué. Il faut avouer que le sujet du livre de Talese est assez perturbant. En 1980, le réputé journaliste reçoit une lettre d’un certain Gerald Foos, un homme qui affirme avoir acquis un motel et y épier presque tous ses clients. Leur relation épistolaire dure jusqu’en 2013 alors que Foos accepte que Talese révèle son identité dans un article paru dans le célèbre New Yorker. Cet article devient un livre l’année suivante. À travers les lettres de ce voyeur et les impressions de Talese, le lecteur peut ressentir un grand malaise. Toutefois, il s’agit d’un livre extrêmement intéressant qui brosse un portrait intime et révélateur des États-Unis depuis la fin des années 1960.

 

Une partie rouge / Maggie Nelson
En 1969, un drame frappe la famille de Maggie Nelson. Jane, la sœur de sa mère, est sauvagement assassinée. Il aura fallu attendre trente-cinq ans pour qu’un homme soit accusé du meurtre de la jeune femme. Maggie et sa mère décident d’assister au procès de cet homme, dont plusieurs moments sont dépeints au cours de ce récit. Même si elle n’a jamais connu sa tante, l’auteure reste fascinée par celle dont l’ombre plane toujours sur sa famille. Celle dont le deuil n’a jamais vraiment été fait. Il ne s’agit pas que du simple compte-rendu d’un procès, mais d’un récit très personnel où Nelson revit des moments-clés de son enfance et de son adolescence. Autant de moments banals comme des vacances en famille que de moments significatifs comme la fugue de sa sœur ou la mort de son père. À chacun de ces moments, Maggie Nelson réussit à nous transmettre toutes les émotions qui l’habitent avec une grande finesse. Une grande poète et auteure américaine dont l’œuvre mérite d’être connue!

 

10 jours dans un asile / Nellie Bly
En 1887, une jeune femme se fait engager comme journaliste pour le célèbre New York World de Joseph Pulitzer. Son nom est Nellie Bly et elle a tout juste 23 ans. Sa première mission : infiltrer l’asile pour aliénés de Blackwell’s Island. Avec tout le courage qui la caractérise, la jeune femme accepte de se faire passer pour folle et de se faire interner pour dix jours. Son enquête la mène dans un monde où la pauvreté et la maladie mentale se côtoient. Un monde où le gouvernement préfère entasser les malades dans des endroits insalubres et cruels plutôt que de les traiter. Même si cet essai a plus de 130 ans, il reste tout aussi pertinent et intéressant. Nellie Bly est une femme exceptionnelle, reconnue comme une des premières journalistes d’investigation. Dans ce reportage, elle ose dénoncer les conditions de détention horribles des femmes souffrant de maladie mentale et sa détermination aura permis d’améliorer leur sort. Si vous ne connaissez pas encore Nellie Bly, ce livre est une excellente façon de vous familiariser avec son œuvre.

 

La blonde dans la valise / Collectif
Dès leurs débuts, les Éditions du sous-sol font paraître la revue Feuilleton, dans laquelle une sélection de reportages côtoie des œuvres de fiction. La blonde dans la valise regroupe une série de reportages ayant comme thématique le fait divers. L’équipe éditoriale a vraiment fait d’excellents choix pour ce livre. Tous les articles présentent des sujets fascinants, que ce soit la traque d’un père et de son fils, le double suicide d’un couple américain ou encore la prolifération des gangs de rue mexicains. Chacun de ces reportages présente une situation troublante, par exemple l’agression violente d’une jeune femme. Cependant, plutôt que d’en faire un fait divers comme les autres, de rendre le récit sensationnaliste, les auteurs réussissent à présenter leurs sujets avec humanité, en ne négligeant jamais l’aspect sociologique de ceux-ci. Une lecture qui vous fera réfléchir, mais vous divertira également!

 

Ce que nous avons perdu dans le feu / Mariana Enriquez
Les nouvelles qui composent le recueil de Mariana Enriquez sont toutes de petits chefs-d’œuvre. L’auteure d’origine argentine possède un tel talent qu’il est difficile de ne pas dévorer son livre. Définir le style d’Enriquez n’est pas chose simple, mais on sent l’influence du réalisme magique sud-américain. Elle sait nous tenir en haleine en développant des histoires à saveur surnaturelle pourtant bien ancrées dans le réel. Le réel, c’est Buenos Aires et ses habitants, qui sont décrits dans toute leur complexité. C’est surtout la violence, omniprésente, pernicieuse. La violence d’une société aux prises avec des problèmes comme la pauvreté, la prostitution, la drogue. La violence qui réside dans chacun de nous. Les enjeux personnels et sociaux sont abordés dans toutes les nouvelles de manière intelligente. Mariana Enriquez possède une sensibilité hors du commun et un sens de l’observation aiguisé. Elle est un véritable trésor de la littérature sud-américaine!

 

D’autres livres à découvrir
/Le diable et Sherlock Holmes de David Grann
/Que le diable m’emporte de Mary Maclane
/Madeleine Project de Clara Beaudoux
/Newjack de Ted Conover
/Le voleur d’orchidées de Susan Orlean

 

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