Michel Basilières: Octobre 70 en famille dans un Montréal gothique

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Malgré un nom à consonance française, Michel Basilières est avant tout un auteur canadien-anglais, dont les racines québécoises l'ont amené à écrire sur un pan de notre histoire, soit la crise d'Octobre 70. La Loi sur les mesures de guerre, les attentats du FLQ, l'enlèvement de James Cross, la crise existentielle du peuple québécois et les différences culturelles marquées entre anglophones et francophones servent de toile de fond à son premier roman, traduit en français chez XYZ, et intitulé L'Oiseau noir.

Dans ce livre, c’est la famille Desouche qui est mise à l’avant-plan, inspirée de la propre famille de l’auteur, mais aussi des Plouffe et des Bougon, dont il est un fan fini. Une famille montréalaise, les Desouche, où l’on parle anglais malgré, là aussi, des racines francophones. Une famille où le grand-père est pilleur de tombes, où Jean-Baptiste, le petit-fils, tente de se faire une place comme poète et dramaturge, et où Marie, la sœur de ce dernier, a joint les rangs du FLQ et pose des bombes ici et là. L’action se déroule principalement entre l’Université McGill et le Boulevard Saint-Laurent, vu comme la tour de Babel de la métropole. Peuplé de cimetières, d’un corbeau parlant, de personnages mythiques comme le Frère André, le Montréal de l’écrivain est une ville gothique où tout est grisâtre.

Mais le ton satirique, omniprésent dans L’Oiseau noir colore l’histoire. Les faits historiques sont remaniés à volonté et les anachronismes pleuvent, puisque le PQ est au pouvoir et que Kundera est à la mode. Cette période trouble du Québec, Basilières voulait la «re-dramatiser». La crise d’Octobre, ce moment historique, est trop peu présente dans la littérature canadienne anglaise et est trop méconnue des Canadiens nés après 1970. La satire était, selon lui, un bon moyen de revisiter l’histoire, même s’il s’étonne encore que certains critiques s’offusquent de la façon dont il a joué avec l’Histoire, alors que ceux-ci trouvent normaux ses clins d’œil fantastiques puisés dans les univers d’auteurs baroques comme R.L. Stevenson et Mary Shelley.

Le nom de famille «Desouche» exprime quant à lui sa façon de voir les anglos du Québec: différents de leurs compatriotes des autres provinces, mais également des Québécois de «vraie souche». Son livre, dira l’auteur, peut aussi servir à diminuer un peu cette ignorance toute canadienne face à la culture québécoise. Michel Basilières, aujourd’hui torontois, avait dix ans au moment de la crise d’Octobre. Il a été élevé à Montréal, à l’ombre de Mordecai Richler, et malgré cette influence anglo-juive indéniable, c’est davantage les œuvres d’Hubert Aquin et de Gabrielle Roy, citées dans son roman, qui ont marqué son esprit de futur écrivain. Les romanciers québécois, comme Soucy ou Courtemanche, demeurent encore aujourd’hui ses préférés. L’Oiseau noir exprime bien la dualité entre deux cultures divisées, séparées davantage par la langue que par l’argent.

Attendant les réactions que provoquera son ouvrage maintenant disponible en français, et plusieurs fois primé au Canada anglais comme meilleur premier roman, Michel Basilières affirme: «J’espère que les francophones vont reconnaître mon attachement profond envers la culture québécoise et ma ville d’origine; je suis anglophone certes, mais aussi montréalais dans l’âme. Le plus important, c’est que mon livre soit apprécié pour ce qu’il est: un roman, une fiction que les gens liront avec beaucoup de plaisir!»

Bibliographie :
L’Oiseau noir, Michel Basilières, XYZ Éditeur, 218 p., 25$

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