La littérature hors Québec s’invite encore une fois avec profusion. Ce sont 521 nouveautés qui sont attendues pour la rentrée, ce qui est beaucoup, mais déjà moins que par le passé où, par exemple, on dénombrait 560 livres il y a tout juste cinq ans. Primoromanciers, auteurs récidivistes ou écrivains confirmés, les uns côtoient les autres, alliant l’audace à la maîtrise. Dans ce vaste éventail, le choix sera certes difficile. C’est pourquoi nous vous suggérons un aperçu de ce qui s’en vient, espérant vous guider à travers toutes les propositions qui se bousculent. N’ayez crainte, il y en a pour tous les goûts… et même un peu plus!

À surveiller

Sidérations
Richard Powers (trad. Serge Chauvin) (Actes Sud)
Pour soigner les troubles du comportement de Robin, son fils de 9 ans, Theo Burn tente la neurofeedback, une approche encore à l’essai qui réorganise l’exercice du cerveau pour l’amener à vivre les conditions psychiques et l’émotivité d’autres patients, notamment sa mère, morte il y a deux ans. Richard Powers, l’auteur du livre L’arbre-monde, vendu à 125 000 exemplaires et qui lui a valu le prix Pulitzer en 2019, nous montre le lien émouvant qui existe entre un parent et son enfant. Le récit se déploie au sein d’un continent nord-américain blessé et remet au premier plan l’importance de ce qui unit l’être humain à la nature et à son prochain.

 

La pêche au petit brochet
Juhani Karila (trad. Claire Saint-Germain) (La Peuplade)
Tous les mois de juin, Elina a trois jours et trois nuits pour attraper le brochet qui habite l’étang du Pieu. Convaincue d’y arriver, elle sera la proie d’un mauvais génie qui lui rendra la chose difficile en lui jouant des tours. Pour contrer les ruses du farceur, elle n’aura d’autres choix que de transiger avec les puissances occultes et de faire face à son premier amour. En parallèle, une inspectrice pourchassera Elina pour une histoire de meurtre, mais elles devront finalement faire front commun pour que l’harmonie des mondes puisse revenir. L’auteur finlandais Karila propose un roman fantaisiste où le commun rencontre l’inédit, façonnant un heureux mariage de finesse et d’humour.

Les occasions manquées
Lucy Fricke (trad. Isabelle Liber) (Le Quartanier)
D’une intelligence où le rire se mêle à l’émoi, ce roman présente Martha et Betty, deux amies qui prennent la route pour mener à bon port le père de la première qui a demandé de se rendre dans une clinique d’euthanasie. De l’Allemagne à la Suisse, elles passeront par l’Italie où Betty, la narratrice, voudra faire un arrêt au cimetière où gît son beau-père, question de régler ses comptes avec celui-ci. À travers cette quête tragi-comique vers la libération, les deux complices vont de ville en ville, échangeant des aveux alcoolisés dans une écriture expressive aux descriptions et aux dialogues savoureux.

 

La définition du bonheur
Catherine Cusset (Gallimard)
Nous suivons les trajectoires de deux femmes qui, bien que différentes, l’une vit à New York tandis que l’autre est à Paris, dissimulent un lien qui les réunit. Ève oscille constamment, en étant tantôt attirée par l’entendement, tantôt par la folie. Avec son époux, elle construit une relation solide basée sur le long terme, le contraire de Clarisse, qui carbure à l’ardeur des moments, peu importe s’ils doivent la précipiter vers des voies sans issue. Le roman s’élabore des années 80 à aujourd’hui, suggérant une réflexion sur les grands axes de la vie, que ce soit le couple, la maternité, l’âge ou ce qu’il faut pour être heureux.

 

Enfant de salaud
Sorj Chalandon (Grasset)
Alors que son père lui a toujours parlé avec ardeur de son statut de résistant pendant l’occupation allemande, un fils découvre que celui-ci n’a pas été ce qu’il prétendait être. Il a souvent collaboré avec l’ennemi, troquant sa veste à tout moment, manœuvrant avec tout un chacun comme s’il faisait partie des leurs. Quand commence à Lyon le procès du criminel de guerre Klaus Barbie, le fils, devenu journaliste, est dans la salle avec l’équipe de presse. Quant au père, il assiste à la séance du côté du public. L’assassin devra expliquer ses actes, mais le père aura aussi à révéler la vérité à son enfant. Écrit par le foudroyant Chalandon!

 

Pas dormir
Marie Darrieussecq (P.O.L)
Sous la plume de Darrieussecq, les événements et les questions offrent un tour particulier. Ici, l’écrivaine explore les contrées du sommeil qui la fuient depuis tant d’années. Pour débusquer ce qui fait d’elle une insomniaque et répondre à l’énigme « Qui est-ce qui ne dort pas quand je ne dors pas? », elle parcourt les livres pour trouver des réponses. Elle découvre quantité d’auteurs que l’état de veille taraude, ce qui l’amène à lier l’écriture à ces moments où l’abandon résiste. Elle se rappelle les nuits passées dans les chambres d’hôtel du monde, nommant le Rwanda où les abjections perpétrées la porteront à voir d’un autre œil l’insomnie. Le regard diffère lorsqu’il voit dans le noir…

 

Shuggie Bain
Douglas Stuart (trad. Charles Bonnot) (Globe)
« Je t’aime, maman. Je ferai n’importe quoi pour toi. » Voilà ce que dit Shuggie, petit garçon de 8 ans, malgré l’alcoolisme de sa mère que tous, parents et amis, ont fini par déserter. Un énorme poids pèse sur l’enfant qui doit également composer avec les actes d’intimidation dont il est la cible à l’école en raison de sa différence. Douglas Stuart signe ici son premier roman, une œuvre tendre et dure pour laquelle il obtient le Booker Prize en 2020 et que le jury a qualifiée de « portrait incroyablement intime, compatissant et captivant de la dépendance, du courage et de l’amour ».

 

Le pavillon des combattantes
Emma Donoghue (trad. Valérie Bourgeois) (Presses de la Cité)
Dans une Allemagne éprouvée par la Première Guerre et l’épidémie de grippe espagnole, Julia Power, une infirmière d’à peine 30 ans, est la seule responsable du département des patientes enceintes ayant contracté la maladie. Se retrouvant avec très peu de moyens, elle essaie, avec pour seul soutien une bénévole et les recommandations d’un médecin, de garder ces femmes vivantes pour qu’elles puissent donner naissance. Avec elle, le lecteur passe trois jours dans cet endroit où vie et mort se font face et où la survie est la seule chose qui compte.

 

Le voyage dans l’Est
Christine Angot (Flammarion)
Christine Angot ne laisse personne indifférent. Elle fait dans l’autofiction et son œuvre ne résiste à aucun tabou. Il va sans dire que ce nouveau roman est attendu de toutes parts. Son sujet, difficile, est narré par la victime, une jeune fille subissant l’inceste de la part de son père. C’est avec ardeur que l’autrice retourne au lieu de sa mémoire pour transmettre avec justesse les émotions ressenties. Elle décrit le silence qui règne autour de l’événement tandis qu’en elle se trouve une clameur assourdissante. Elle raconte le déni qui s’empare involontairement de son cerveau pour se soustraire de l’impensable. Angot ne fait pas dans la légèreté, mais elle secoue et grave les sillons d’une importante œuvre de la littérature du réel.

 

Rien à déclarer
Richard Ford (trad. Josée Kamoun) (L’Olivier)
Dans ce recueil de nouvelles, l’auteur nous amène dans les contrées du souvenir, là où les personnages se rendent pour constater, sans aigreur, le fil du temps qui s’est déroulé. En revisitant les événements passés, ils osent parfois une projection sur ce qui suivra, contemplant les jours et les remous suscités, petits et grands. Rien de tel que Richard Ford, lauréat du Pulitzer en 1996 pour Indépendance et du Femina étranger en 2013 avec Canada, pour forer les pensées et les sentiments d’hommes et de femmes et les transmettre avec le talent et la virtuosité dont sont parés les grands écrivains.

 

Des noms attendus
Le cinéaste Quentin Tarantino, bien connu entre autres pour son film Pulp Fiction, fera paraître chez Fayard Il était une fois à Hollywood, un premier roman inspiré du long métrage du même nom. Il ne s’agit pourtant pas d’une répétition du même, mais d’une œuvre à part entière avec le personnage de Rick Dalton, acteur de western qui cherche à relancer sa carrière au moment où, en 1969, les hippies sont en vogue. Pour y parvenir, il obtient l’aide de Cliff Booth, sa doublure, et compte sur ses nouveaux voisins, qui sont nul autre que Roman Polanski et Sharon Tate, très en vogue au cinéma à cette époque. Tout cela façonné de dialogues rythmés, d’un imaginaire fertile et d’une plume enthousiaste. Elle n’est plus à présenter puisqu’elle fait partie du paysage de la rentrée littéraire depuis près de trente ans. Amélie Nothomb ne déroge pas à la règle et fait paraître cette année Premier sang (Albin Michel). En guise de résumé, cette seule phrase énigmatique : « Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. » Le roman débute alors qu’un homme est devant un peloton d’exécution. Surviennent alors à sa mémoire les moments de sa vie qui l’ont conduit devant sa mort imminente.

 

Au-delà de la province : les talents canadiens
On attend avec impatience Perles de verre, le nouveau titre de Dawn Dumont chez Hannenorak. Un roman qui parle de la jeunesse des Autochtones qui quittent la réserve pour s’installer en ville, de ces repères qu’il leur faut revoir, réinventer. L’auteur Michael Christie de la Colombie-Britannique publie chez Albin Michel Lorsque le dernier arbre, l’histoire familiale des Greenwood, qui s’étale sur quatre générations. Au cœur d’une écologie menacée, allant des années 30 à l’an 2038, évoluent dans une écriture marquée par l’éloquence des personnages riches aux secrets enfouis qui laissent envisager la possibilité d’un renouveau. La Vancouveroise Zsuzsi Gartner nous amène plutôt avec Le malenchantement de sainte Lucy publié chez Alto dans un univers fantaisiste où la protagoniste devient le réceptacle des confessions d’autrui — des mères affligées, des plantes aux intentions malveillantes, etc. Tous ces récits auront ultimement des répercussions sur sa propre existence. Un imaginaire débridé et fécond donne à ce livre un ton unique qui nous plonge, sourire en coin, dans un état d’étonnement perpétuel. L’Ontarien Derek Mascarenhas inaugure la nouvelle collection « Vertiges/Traductions » des éditions L’Interligne avec La neige des cocotiers, un roman par nouvelles qui présente les péripéties d’Aiden et Ally Pinto, deux enfants nés d’immigrants indiens et grandissant en périphérie de Toronto. Exil, liens familiaux et émerveillement de la jeunesse parcourent ce livre qui, lors de sa publication dans sa langue originale, a reçu plusieurs éloges.

Avec Partie de chasse au petit gibier entre lâches au club de tir du coin chez Québec Amérique, l’écrivaine Megan Gail Coles de Terre-Neuve-et-Labrador promet un bras de fer avec la misogynie et assure que cela risque d’en ébranler quelques-uns. Alors que la neige fait rage au-dehors, à l’intérieur du resto Hazel, le branle-bas de combat est aussi à l’honneur. Iris doit supporter son amant nocif, le chef de la place, et sa femme, la propriétaire. Olive n’est pas en reste, échaudée qu’elle est par Damian qui lui doit composer avec son lendemain de veille. À cela s’ajoutent les tensions entre les uns et les autres, où tous tentent de survivre aux relations interpersonnelles qui sont pour le moins critiques. Lee Maracle, née en Colombie-Britannique et membre de la nation Stó:lō, nous fait vivre à travers le personnage de Celia la difficulté de faire face au quotidien quand celui-ci ramène constamment à la mémoire un passé abîmé par un mariage raté et le suicide d’un fils. Dans Le chant de Celia, traduit par Joanie Demers et publié chez Mémoire d’encrier, la protagoniste a des visions qu’elle hésite à considérer. Mais lorsque Shelley, la petite fille de son cousin, sera brutalement agressée, elle devra intégrer le cercle familial et faire confiance à ses forces pour avec les autres mener l’enfant vers la cicatrisation et la paix.

À lire aussi
Ta gueule, t’es belle, Téa Mutonji (Tête première)

 

La condition humaine
Le dixième livre de Nathacha Appanah évoque l’obstination des souvenirs qui réapparaissent bien que nous ne les ayons pas convoqués et que nous aurions préféré les laisser pour morts. C’est ce qui arrive à Tara dans Rien ne t’appartient (Gallimard) qui doit composer, en plus de la tristesse causée par le décès de son mari, avec le réveil de son passé qu’elle croyait enfoui à jamais. Elle devra une fois pour toutes affronter les démons de son pays pour réconcilier toutes les parties d’elle-même et aller de l’avant. Adeline Dieudonné avait remporté tous les prix avec la parution en 2018 de son premier roman La vraie vie. Elle nous revient cette fois-ci avec Kérozène (Guy Saint-Jean Éditeur), un livre où les destins de quatorze personnages nous sont présentés. En résulte une fresque souvent cruelle teintée d’humour noir qui interroge la société dans laquelle nous vivons, faite de démesures et d’incohérences. L’auteur Raphaël Meltz relève le défi dans 24 fois la vérité (Le Tripode) de présenter en vingt-quatre chapitres — de la même façon qu’il faut vingt-quatre images pour fabriquer une seconde d’un film — près d’un siècle de la vie de Gabriel, opérateur de cinéma, qui a observé les grands événements de ce monde à travers les images qu’il a vues derrière sa caméra. Adrien, son petit-fils, est journaliste numérique et entreprend d’écrire sur son grand-père. Ce temps vécu par procuration suscite plusieurs réflexions sur la place que prennent les images et sur la façon dont elles nous transforment.

La vie est parfois composée d’événements grandioses, mais elle est surtout façonnée d’une multitude d’instants fugitifs, teintés d’allégresse et de peine, de beauté et de regrets. Agnès Desarthe, en observant ce qui nous fait rire et pleurer, capte dans L’éternel fiancé (L’Olivier) ces fragments d’existence pour éviter qu’ils passent à la trappe de l’oubli. Combinant aventures et péril écologique, Climax (Flammarion), le nouveau roman de Thomas B. Reverdy, situe son action dans un village du nord de la Norvège. Un glacier qui se brise, un coup du sort sur la plateforme pétrolière, les circonstances consternantes s’accumulent. Originaire de la région, Noah, maintenant ingénieur géologue, revient au lieu qui l’a vu naître. Il revoit ses amis d’autrefois et Anå, un de ses premiers amours. Avec ce livre aux préoccupations très actuelles, l’auteur rappelle la fragilité du monde.

À lire aussi
Memorial Drive, Natasha Trethewey (L’Olivier)
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes, Lionel Shriver (Belfond)
Delta Blues, Julien Delmaire (Grasset)
Le cercueil de Job, Lance Weller (Gallmeister)

 

Le couple dans tous ses états
Le regard un brin décalé de Philippe Djian nous entraîne dans Double Nelson (Flammarion) dans la vie d’un couple qui se fissure. En effet, le travail d’Edith pour les services secrets rend bientôt impossible la poursuite de leur histoire. Mais lorsqu’elle est traquée à la suite d’une affaire ratée, elle demandera à son ex-copain de la garder chez lui, le temps de brouiller les pistes de ses poursuivants. Mais pour ça, ils devront arriver à se comprendre. Pour son premier roman, Antoine Dole explore les tremblements intérieurs d’un couple. Même s’ils sont amoureux, Camille et Jérémy arrivent difficilement à atteindre le bonheur. Lorsqu’elle lui propose d’avoir un enfant, il ne peut plus faire semblant et ses angoisses qui l’assaillent depuis longtemps l’envahissent complètement. Six pieds sur terre (Robert Laffont) convoque les zones sombres que l’on tente de cacher et qui nous rattrapent toujours.

 

Dépaysement
Lire, c’est déjà partir en voyage, alors quand l’un est dans l’autre, le rêve est complet. C’est ce que nous fait vivre Patrick Deville avec Fenua — signifiant « le pays » pour les Tahitiens —, publié au Seuil. Vous ferez une escapade en Polynésie, où tour à tour les noms des écrivains Melville, Stevenson, Segalen et Loti, qui ont tous connu les lieux, sont évoqués. Mais il s’agira surtout du peintre Gauguin, celui qui par ses tableaux aux couleurs riches et à la sensualité vibrante nous aura peut-être donné la plus forte impression de l’endroit. Paysages et aventures sont déployés dans ce roman qui promet l’évasion.

Quelque chose de surprenant est arrivé. Un bébé est couché sur la paille, le dimanche de Pâques, un âne le protégeant de sa chaleur, quand Madame Ballandra l’aperçoit. Elle crie au miracle et l’appelle Pascal. Tout autour, on s’interroge. On se demande s’il est bel et bien le sauveur attendu et s’il pourra libérer les êtres du mal. Avec L’évangile du nouveau monde (Buchet Chastel), Maryse Condé, avec sa foisonnante imagination, se questionne sur l’humanité. Amour et grands espaces se conjuguent dans les montagnes du Val d’Aoste, dans le nord-ouest de l’Italie, quand Fausto, écrivain, et Silvia, artiste peintre, font connaissance au Festin de Babette, où il est cuisinier et elle serveuse. Quand l’hiver s’achève, elle décide de monter au glacier Felik, alors que Fausto est obligé de retourner en ville pour mettre en ordre des affaires, son divorce notamment. Paolo Cognetti, qui avait remporté le Médicis étranger en 2017 pour Huit montagnes, témoigne à nouveau avec force dans La félicité du loup, publié aux éditions Stock, de l’attrait irrépressible de la nature et de sa magnificence.

À lire aussi
La porte du voyage sans retour, David Diop (Seuil)
La boutique aux poisons, Sarah Penner (Guy Saint-Jean Éditeur)

 

Quand la vie vous arrive
Max Le Corre est boxeur, mais il est aussi le chauffeur du maire. Il est également le père d’une jeune fille de 20 ans, Laura, qui veut revenir habiter avec lui. Max pense alors que si le maire pouvait lui donner un coup de main pour dénicher un appartement, ce serait bien. Mais on se doute qu’avec Tanguy Viel, les choses prendront plaisir à effectuer des détours. Avec La fille qu’on appelle (Minuit), l’auteur nous livre un autre roman au rythme fantasque où l’inattendu se cache toujours quelque part. Issue d’un mariage arrangé comme il était coutume d’en voir au XIXe siècle, Aimée, une jeune femme de 18 ans, mariée à Candre Marchère, un homme riche du Jura, voit ses rêves de conte de fées s’assombrir. Elle se retrouve plutôt isolée dans la forêt d’Or entre un mari mutique, une servante omniprésente et le spectre de la première femme de Candre, morte de façon soudaine peu de temps après la noce. Mais l’apparition d’Émeline, professeure de flûte, dans la vie opaque d’Aimée viendra tout changer. Dans Seule en sa demeure (L’Iconoclaste), Cécile Coulon teinte les jours d’amour et de concupiscence.

Dans Nous vivions dans un pays d’été publié aux éditions Les Escales, Lydia Millet n’épargne pas les adultes. En fait, elle met tout son espoir dans la jeunesse, celle qui s’incarne ici à travers une douzaine d’adolescents, notamment Eve, la narratrice. Ces derniers se trouvent rassemblés dans une vaste maison au bord d’un lac avec leurs parents, qui s’adonnent aux vices les plus convenus de la drogue, du sexe et de l’alcool. Mais une tempête déclenche aux alentours un véritable branle-bas. Bien décidés à sauver leur peau, les jeunes partent avec les plus petits, tandis que les adultes restent sur place. Aux dires du New York Times, il s’agit de l’un des dix meilleurs livres de l’année.

Deux femmes qu’au premier abord rien ne rassemble se retrouvent étroitement liées lorsque le mari de l’une d’elles tue le mari de l’autre. Dans cette Barbade qui fait voir une nature à la beauté luxuriante, la riche veuve et l’épouse démunie sont les victimes de la brutalité perpétrée depuis des décennies. Avec son premier roman Et d’un seul bras, la sœur balaie sa maison édité chez Calmann-Levy, Cherie Jones parle de ce cycle perpétuel qu’engendre la violence, mais qui peut cependant un jour prendre fin. En état d’esclavage depuis sa naissance, Hiram Walker perd une partie de son passé lorsque sa mère est vendue, mais elle lui lègue un pouvoir qui se manifestera au moment où il est sur le point de se noyer. Cet événement l’incitera à prendre la fuite et à voir un monde qui lui était resté inconnu. Il traversera une partie de l’Amérique, observateur de la fureur des hommes. Il voudra participer à la lutte entre les maîtres et les esclaves et changer les choses pour sa famille et ceux et celles qui viendront. Ta-Nehisi Coates livre dans son roman La danse de l’eau édité chez Fayard un véritable plaidoyer pour la justice et l’égalité.

À lire aussi
True Story, Kate Reed Petty (Gallmeister)
Milwaukee Blues, Louis-Philippe Dalembert (Sabine Wespieser éditeur)
Les aquatiques, Osvalde Lewat (Les Escales)

 

À partir de faits réels
Justine Lévy imagine le journal de la mère d’Antonin Artaud, homme de théâtre et de lettres qui vécut dans la première moitié du XXe siècle. Avec Son fils (Stock), elle écrit la détermination d’une mère qui toute sa vie tentera de tirer son enfant des internements psychiatriques au cours desquels on lui administrera médicaments et électrochocs qui le fragiliseront de plus en plus. Avec l’introspection dont l’autrice sait faire preuve, elle nous donne à lire un roman poignant. Philippe Jaenada s’est emparé d’un fait divers qui s’est produit en 1964 pour écrire le livre Au printemps des monstres (Mialet Barrault). À Paris, un garçon de 11 ans part de sa maison en courant et on ne le reverra que le lendemain en matinée, mort dans une forêt de la banlieue. Un jeune infirmier, dit « l’Étrangleur », se déclare coupable, puis désavouera tout au long de ses quarante et une années passées en prison. Dans toute cette horreur mêlée d’incompréhension, l’écrivain décide donc de mettre l’accent sur Solange, la femme du tueur, qui incarne clarté et lueur dans tout ce chaos.

Dans la maison rêvée publié chez Christian Bourgois et écrit par Carmen Maria Machado est une sorte de témoignage de la violence émotionnelle et physique qu’a subie l’autrice de la part de son ex-conjointe, dans un récit tissé de manière complètement inventive. Elle construit une structure narrative qui place le lecteur en situation de déséquilibre où il doute de ce qui arrive, peu à peu désorienté comme peut l’être la personne victime d’abus qui perd le sens de la réalité. Hors du commun, ce livre assoit Machado du côté des écrivains devant qui l’on ne peut qu’être admiratifs.

À lire aussi
La carte postale, Anne Berest (Grasset)
Le premier exil, Santiago H. Amigorena (P.O.L)
L’anarchiste qui s’appelait comme moi, Pablo Martín Sánchez (Zulma et La Contre Allée)
Ombres portées, Ariana Neumann (Les Escales)

 

Mondes inventés
Si vous souhaitez lire quelque chose qui sort des sentiers battus, le roman Plasmas (Rivages) de Céline Minard est fait pour vous. Elle crée de toutes pièces un univers hybride entre la réalité et l’invention et imagine une sauvegarde de la mémoire de notre planète lorsque celle-ci aura disparu. Encore, elle propose la chute d’une forme en aluminium venue du ciel et de l’avenir dans un corridor du temps, ou invente un monstre génétique qu’elle place au milieu d’une écurie en Sibérie. Bref, l’autrice se joue des cadres et n’hésite pas à projeter une nouvelle cosmogonie qui ouvre nos champs de vision à d’autres possibles. Kazuo Ishiguro, lauréat du prix Nobel de littérature en 2017 pour avoir « révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde », explore, dans Klara et le soleil publié chez Gallimard, la vérité de l’amour. Klara est un robot qu’on désigne par les lettres AA, c’est-à-dire une Amie Artificielle, conçue pour devenir l’amie d’un enfant ou d’un adolescent. Postée à la vitre d’une boutique, elle attend l’heure où quelqu’un se manifestera, ce qui finit par arriver. Cependant, on l’avise que les humains ne sont pas des êtres toujours fiables et qu’il faut s’en méfier.

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