En complément à notre dossier sur les littératures LGBTQ+, voici quelques suggestions de lecture de romans ou d'essais incontournables.

Les libraires vous conseillent

N’essuie jamais de larmes sans gants
Jonas Gardell (trad. Lena Grumbach et Jean-Baptiste Coursaud) (Alto)
Un roman dans les règles de l’art, de longue haleine comme il ne s’en fait plus. À travers une narration tant sentie, sensible et intime que sociologique et critique, les personnages nous entraînent dans l’univers à la fois reclus et militant, sombre et scintillant, stéréotypé et fidèle des homosexuels européens au temps de l’éclosion du « cancer homosexuel », le VIH. L’histoire bouleversante de Rasmus et sa bande a tôt fait de nous rappeler, sans morale ni reproches, une réalité que l’Histoire a rapidement relayée au rang des oubliettes. (Anne-Marie Duquette, Librairie Poirier)

 

La fille d’elle-même
Gabrielle Boulianne-Tremblay (Marchand de feuilles)
La fille d’elle-même raconte une histoire de naissance. La naissance d’une femme, depuis le corps d’un homme. Dans cette autofiction, écrite au je féminin, la narratrice nous dépeint le chemin parcouru depuis l’enfance pour éclore, devenir la femme qu’elle sait être et l’assumer. Les courts chapitres illustrent les malaises et l’incompréhension, mais aussi la fierté d’être reconnue lorsque, enfant, on l’appelle « ma p’tite », et l’espoir. L’écriture de Gabrielle Boulianne-Tremblay est à la fois poétique et acérée, se modulant aux situations. Le ton, parfois brutal, est une riposte aux événements racontés, et certains passages nous arrachent littéralement le cœur. Une lecture bouleversante, déchirante, mais aussi lumineuse. (Christine Picard, Librairie L’Option)

 

Daddy
Antoine Charbonneau-Demers (VLB éditeur)
Antoine Charbonneau-Demers propose un roman écrit dans l’urgence, certes, mais surtout avec l’intention de provoquer une forte impression d’explorer, encore une fois, les méandres du désir et de l’amour. Cette histoire [celle d’un jeune écrivain en relation avec un banquier surnommé Daddy, de vingt ans son aîné — le hic, c’est que Daddy est jaloux et amoureux] est, encore une fois, un exemple du talent d’écrivain et confirme la place de ce jeune auteur incontournable au Québec et particulièrement dans la littérature queer d’ici! (Billy Robinson, Librairie de Verdun)

 

Candy
Benjamin Gagnon Chainey (Héliotrope)
Candy, une drag qui renaît chaque soir dans le mythique cabaret Rocambole, à Villecresnes, meurt pourtant petit à petit. Un soir, pendant une représentation, Candy et Mathurin vont s’aimer intensément dans la petite loge de l’artiste, puis décideront de s’enfuir… Une rencontre étrange dans les ruelles de Paris les propulsera vers une fuite, plus grande encore! Entre le conte cruel, la poésie et le thriller fantastique, cet intense roman se lit d’une traite tant la charge émotionnelle y est puissante! On suit un parcours atypique vers l’amour et la passion, le tout contre le temps et la maladie. Fabuleuse aventure de ce couple qui cherche à trouver sa place. Immense coup de cœur pour ce premier roman dont l’écriture m’a rappelé celle, poignante et incisive, de Mathieu Leroux. (Billy Robinson, Librairie de Verdun)

Des incontournables

Déjeuner avec papa / Simon Boulerice (La Bagnole)
L’homoparentalité n’est pas le sujet central de cet ouvrage, ce qui en ravira plusieurs. Il est traité comme naturel et l’histoire évolue alors qu’un jeune garçon va déjeuner, chaque dimanche matin, avec son père. Ce dernier, homosexuel, doit cependant vivre le deuil de son amoureux. Comme tous les livres de Boulerice, Déjeuner avec papa est empreint d’images fantaisistes, de parallèles qui tirent le sourire, d’une langue prête à soutenir l’émerveillement de l’enfance.

 

 

La Shéhérazade des pauvres / Michel Tremblay (Leméac/Actes Sud)
L’écrivain chéri des Québécois a choisi de marquer le cinquantième anniversaire de la pièce Hosanna en consacrant à son personnage central un roman. Sous le prétexte d’un jeune journaliste qui interview Hosanna — un être haut en couleur, alcoolique et au franc-parler —, on plonge dans les coulisses de la faune montréalaise de la Main des années 1970, dans la violence de l’homophobie qui régnait alors, dans le monde des travestis qu’on appelait « folles ». C’est du Tremblay, donc le ton est juste, l’époque parfaitement campée, les personnages plus que vivants.

 

 

QuébeQueer : Le queer dans les productions littéraires, artistiques et médiatiques québécoises / Isabelle Boisclair, Guillaume Poirier Girard et Pierre-Luc Landry (dir.)
Ouvrage à la fois complet, éclairant et original (fictions, essais, poèmes, dessins et récits le composent), ce manuel de référence propose de brosser le portrait de vingt-sept œuvres de fiction, analysées sous un éclairage queer, provenant d’un corpus réunissant des textes d’auteurs et autrices francophones, anglophones et autochtones. Les textes qui y sont présentés réfléchissent au décloisonnement des discours et, dans leur rendu, en appliquent également les théories. Surtout, cet essai ouvre à de nouvelles perspectives, sur une multitude de sujets : désir d’enfant, travail du sexe, polyamour, inceste, racisme, urbanité, etc.

 

Les argonautes / Maggie Nelson (trad. Jean-Michel Théroux) (Triptyque)
Dans Les argonautes, Maggie Nelson décrit sa quête du bonheur, parle de famille et de maternité, le tout dans une réalité queer : l’autrice multiplie les inséminations artificielles avant de tomber enceinte, alors qu’Harry, son conjoint, reçoit des injections de testostérone et subit une mastectomie. Ce récit qui fouille les zones d’ombres et réfléchit avec beaucoup de lumière sur la société a ceci de peu commun qu’il donne la parole à un individu qui partage sa vie avec une personne trans qui reçoit tout son amour.

 

À l’agenda

Édouard Louis au théâtre
Du 22 novembre au 10 décembre prochain sera présenté au Théâtre de Quat’Sous de Montréal la pièce Qui a tué mon père, signée par l’écrivain français Édouard Louis. S’il y est surtout question de politique, du corps usé des hommes d’usines, de transfuge de classe et de pardon entre un fils et son père, on y aborde aussi l’homosexualité de l’auteur, thématique présente dans chacune de ses œuvres depuis la parution d’En finir avec Eddy Bellegueule, en 2014.

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