© Makoko Doi-Poplar

Ito Ogawa (1973 – )
Empreintes de douceur et de sensibilité, les œuvres de l’écrivaine Ito Ogawa parlent d’écoute, de partage, de bienveillance, d’amour et de bonheur. Son premier roman, Le restaurant de l’amour retrouvé, a obtenu beaucoup de succès et a fait l’objet d’une adaptation cinématographique sous le titre Rinco’s Restaurant. Une jeune femme de 25 ans, Rinco, vit une peine d’amour qui lui fait perdre la voix. Elle retourne à contrecœur vivre chez sa mère, une femme excentrique qui possède un cochon comme animal de compagnie. Rinco reprendra peu à peu goût à la vie à force de rendre les gens heureux autour d’elle en leur préparant des plats. On retrouve ce même genre d’univers lumineux dans ses autres livres : Le ruban, Le jardin arc-en-ciel, La république du bonheur et La papeterie Tsubaki. Dans ce dernier titre, Hatoko hérite de la papeterie de sa grand-mère et devient une écrivaine publique en écrivant pour les autres. Elle sera donc à l’origine de lettres apaisantes, d’aveux amoureux, de réconciliations, de consolations et de mots partagés de toutes sortes. Ogawa écrit également des livres pour enfants, des articles pour des magazines de cuisine et de voyage ainsi que des chansons.

 

© Kawabata, 1938

Yasunari Kawabata (1899-1972)
Considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle, Yasunari Kawabata a été couronné du prix Nobel de littérature en 1968. C’était le premier écrivain japonais à recevoir cette récompense et un seul autre l’a obtenue depuis (Kenzaburō Ōe). Il a notamment publié Pays de neige, Le grondement de la montagne, Première neige sur le mont Fuji, Les belles endormies, Kyôto, Tristesse et beauté et Les pissenlits. Ses œuvres s’inscrivent dans une recherche d’esthétique, une quête du beau afin de rendre les sensations et les émotions, abordant entre autres la solitude, le vide, l’absence, la mélancolie et la mort. Avec sensibilité, des images singulières et une écriture dépouillée qui fait place aux silences, l’écrivain tente de dépeindre la richesse des sentiments humains. L’auteur et Mishima ont correspondu entre 1945 et 1970, ce qu’on peut découvrir dans Correspondance (Le Livre de Poche). Deux ans après la mort de Mishima, qui l’avait bouleversé, et après s’être prononcé contre le suicide, Kawabata met également fin à ses jours en ne laissant aucune explication, ce qui a scellé sa réputation d’homme secret et complexe.

 

© PD-JAPAN-oldphoto, 1913

Junichirō Tanizaki (1886-1965)
Lui aussi considéré comme un grand écrivain du XXe siècle au Japon — il a d’ailleurs déjà été pressenti pour un Nobel dans les années 60 —, Junichirō Tanizaki a publié son premier texte en 1910, Le tatouage, une nouvelle cruelle qui a lancé sa carrière d’auteur. Parmi ses autres publications, on compte Un amour insensé, Svastika, Éloge de l’ombre, Le coupeur de roseaux, Histoire secrète du sire de Musashi, La clef et Journal d’un vieux fou. Ses textes ont parfois fait scandale ou ont été censurés. Par exemple, sa fresque familiale Quatre sœurs a été interdite vers 1943-1944 parce qu’on jugeait ce texte inconvenant en temps de guerre; elle a finalement été publiée plus tard en 1948. Son texte Tourbillon, qui abordait le désir sexuel des jeunes, sera également interdit à la vente. Ses œuvres, parfois jugées provocantes, voire perverses, feront souvent l’objet de surveillance étant donné leurs thèmes : sexualité, séduction, fétichisme, etc. L’auteur sonde également l’amour obsessionnel, l’infidélité, la trahison, la perfidie, la quête identitaire et la modernité contre la tradition. Plusieurs films ont été réalisés d’après son œuvre et une importante récompense littéraire porte son nom au Japon, le prix Tanizaki.

 

Akira Yoshimura (1927-2006)

© Japan Foreign Rights Centre

Auteur de romans et de nouvelles, Akira Yoshimura a signé notamment L’arc-en-ciel blanc, Voyage vers les étoiles, Le convoi de l’eau, Un dîner en bateau et Naufrages. Son roman Liberté conditionnelle, qui a été à l’origine du film L’anguille de Shonei Imamura, s’inspire de l’histoire de Yoshie Shiratori, un prisonnier japonais célèbre qui s’est évadé quatre fois de prison. Souvent sombre, l’œuvre de Yoshimura explore les thèmes de la mort, de la maladie, des traumatismes ainsi que des liens entre les êtres. Yoshimura puise aussi son inspiration dans des faits historiques. Par exemple, son livre Le grand tremblement de terre du Kantô raconte les conséquences et la destruction du séisme qui s’est déroulé en 1923 à Tokyo. Même s’il s’agit d’un roman, l’auteur a fait un énorme travail de documentation pour relater ce désastre avec précision, recueillant entre autres des témoignages. L’écrivain a également été marqué par la guerre lorsqu’il était adolescent — un de ses frères est d’ailleurs mort dans les combats en Chine. Plusieurs de ses textes témoignent de l’horreur de la guerre, comme Mourir pour la patrie et La guerre des jours lointains. Qualifié de « grand styliste » et de « conteur inoubliable », Akira Yoshimura a laissé derrière lui une œuvre marquante.

 

Yōko Ogawa (1962 – )

© Ulf Andersen

Auteure dont l’œuvre dépasse les quarante romans et recueils de nouvelles, Yōko Ogawa se démarque par sa plume sensuelle, aussi soignée qu’épurée. Si l’ambiance de ses romans y est toujours un brin vaporeuse, énigmatique, le lecteur n’a pourtant jamais l’impression d’y être en retrait. C’est la faute de l’écriture : d’une grande finesse, elle permet à l’auteure de mettre des mots sur l’invisible et d’aborder les thèmes difficiles puisqu’intangibles que sont la mort ou l’écriture, la mémoire ou le réel rêvé. Son très bref roman L’annulaire a été adapté au cinéma en 2005 et raconte l’histoire étrange d’une assistante qui tombe sous le charme de son patron, un taxidermiste du souvenir… Dans Petits oiseaux, elle nous présente un garçon qui ne s’exprime qu’en utilisant le langage des volatiles, trouvant à celui-ci plus de poésie qu’à celui des hommes. Preuve de sa polyvalence, l’auteure aborde, avec Hôtel Iris, la relation de type shibari entre une fille de 17 ans et un vieillard. Dans le court et totalement envoûtant roman qu’est La petite pièce hexagonale, Yōgo Ogawa sonde l’importance de la solitude et de l’introspection en mettant en scène des personnages qui trimballent avec eux une étrange pièce démontable où les gens sont invités à entrer, à se livrer. Et dans le très tendre La formule préférée du professeur, une aide-ménagère et son fils de 10 ans tiennent compagnie à un professeur de mathématiques devenu amnésique — sa mémoire ne va pas au-delà de 90 minutes — et découvriront cette petite magie qui émeut derrière les chiffres. Ce roman, qui a obtenu le prix Yomiuri et a été adapté en film et en bande dessinée, est d’ailleurs une belle porte d’entrée dans l’œuvre d’Ogawa, cette auteure qui traque avec adresse l’étrangeté.

 

© André Bonin / Gallimard

Yukio Mishima (1925-1970)
On retient tous de Mishima son œuvre forte en dénouements tragiques à l’image de sa mort, en 1970 et au sommet de sa gloire : après avoir remis à son éditeur un manuscrit (la conclusion de La mer de la fertilité), il fit un discours honorant le Japon traditionnel et l’empereur, puis se retira pour se donner la mort par seppuku. Mais revenons en arrière. À 24 ans, il publie Confessions d’un masque sous pseudonyme (son véritable nom est Kimitake Hiraoka), l’œuvre autobiographique d’un garçon qui cache son homosexualité. Ce thème reviendra d’ailleurs dans plusieurs de ses ouvrages, notamment dans Les amours interdites, œuvre majeure de cet auteur qui explore l’univers homosexuel dissimulé du Japon de l’après-guerre. Ce roman sera également adapté sur scène par des danseurs en 1958, devenant ainsi la toute première pièce de danse butô (style caractérisé par son côté subversif, introspectif et minimaliste). D’autres œuvres de Mishima seront adaptées, dont Le marin rejeté par la mer, qui le sera dans un opéra, et Le Pavillon d’Or, au théâtre (par le Québécois Serge Lamothe, présenté au Japon), et deux fois plutôt qu’une au cinéma. Parlant de cinéma, soulignons que Yukio Mishima fut également acteur, en plus d’écrire des pièces de théâtre kabuki. Autre art avec lequel il s’acoquine : le kendo, discipline sportive d’escrime avec sabre, qu’il pratiquera toute sa vie. Pour en apprendre plus sur l’auteur, nous vous invitons à lire son œuvre, bien entendu, mais également à écouter Mishima, film de Paul Schrader, qui retrace sa vie et met en scène trois de ses romans, ou encore à lire Mishima ou La vision du vide, signé Marguerite Yourcenar.

 

© DR

Kenzaburō Ōé (1935 – )
Kenzaburō Ōé a étudié la littérature française à l’université de Tokyo, où il a écrit un mémoire sur Jean-Paul Sartre. C’est à seulement 23 ans qu’il sera couronné du prestigieux prix Akutagawa, pour sa nouvelle « Gibier d’élevage », qu’on retrouve dans le recueil Dites-nous comment survivre à notre folie. La naissance de son fils handicapé sera marquante dans son parcours créatif, lui inspirant d’ailleurs son roman Une affaire personnelle, qui raconte l’histoire d’un jeune père dépassé par l’arrivée de son enfant souffrant d’un handicap. Les légendes et les contes provenant de son enfance sur l’île de Shikoku peuplent son roman M/T et l’histoire des merveilles de la forêt, qui se veut également un hommage à son fils. Son essai Notes de Hiroshima s’attarde à la terrible tragédie d’Hiroshima et aux survivants. Citoyen et écrivain engagé, Kenzaburō Ōé milite pour le pacifisme et la démocratie, et contre l’énergie nucléaire. En 1994, il a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre « qui, avec une grande force poétique, crée un monde imaginaire où la vie et le mythe se condensent pour former un tableau déroutant de la fragile situation humaine actuelle », peut-on lire sur le site lié à cette récompense. Humanistes, ses livres témoignent notamment des angoisses existentielles, des drames qui jalonnent une vie et des bouleversements que traverse la société.

 

Haruki Murakami (1949 – )

© Cédric Martigny / Opale / Belfond

On associe souvent Murakami au réalisme magique (d’ailleurs, on vous en a parlé dans un récent numéro sous cet angle). Seulement, il y a beaucoup à dire sur cet auteur japonais — le plus lu dans le monde — qui fait très peu d’apparitions publiques, pressenti depuis des années pour le Nobel sans jamais l’emporter. Outre l’écriture, Murakami se passionne pour la course à pied. On pourra le découvrir notamment dans Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, essai où il trace une habile métaphore de l’écriture en lien avec le fait d’arpenter le bitume chaussé d’espadrilles. La plupart de ses techniques de romancier, nous apprend-il, proviennent de ce qu’il a appris chaque matin en courant : jusqu’où il peut se pousser ou s’accorder du repos, doit-il tenir compte du monde extérieur, etc. Pour ses secrets d’écriture proprement dits, on vous invite à lire son Profession romancier. Son autre passion, c’est le jazz. En 1974, sa conjointe et lui ont d’ailleurs ouvert — et tenu durant sept ans — un petit club de jazz à Tokyo. Depuis 2018, l’auteur est passé derrière le micro et anime une émission de radio sur la musique, sur les ondes de Tokyo FM. Pour tendre l’oreille à ce qui l’anime dans cet art, il faudra lire De la musique : Conversations, signé avec Seiji Ozawa. Oh, et impossible de passer sous silence qu’il est le traducteur vers le japonais de Carver, de Fitzgerald et de Salinger, mais plus par passion pour ces œuvres que par dévotion à l’art de la traduction. Pour le reste, n’en tient plus qu’à vous de vous plonger dans son œuvre romanesque époustouflante!

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