Daniel Pennac: Déclaration à un amoureux

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J'ai découvert Pennac comme on découvre l'amour en un ami d'ami que l'on croise dans une fête, dont on ne connaît que le nom et la profession, que l'on a salué une ou deux fois, mais qui ne retient pas notre attention jusqu'à ce qu'un soir, l'hôte de la soirée prenne la peine de nous présenter l'un à l'autre... Pour moi, cette fête était un cours de cégep, et l'hôte de la soirée, ma professeure. En mettant La petite marchande de prose dans sa sélection de «livres au choix», elle m'a permis d'établir une des plus profondes, une des plus durables rencontres littéraires de ma vie!

Né Pennachioni en 1944, au Maroc, Pennac devient enseignant dès 1970, et le restera presque jusqu’à l’âge de la retraite. Dans son livre Chagrin d’école, il fait état de son parcours d’élève et de son amour du métier. Car cet amoureux des lettres a d’abord été un jeune cancre que ses professeurs et sa famille n’ont récupéré qu’à grands coups de patience et de passion. Ayant d’abord publié quelques essais et livres jeunesse, c’est en 1985 qu’il fait paraître Au bonheur des ogres, le premier livre de la série des Malaussène, qui marquera le début de son histoire d’amour avec ses lecteurs.

Amoureux de la littérature
Pennac sait provoquer des rencontres entre son lectorat et les auteurs qu’il admire; il nous balade à travers son univers livresque, tant et si bien que ce dernier devient le nôtre. En témoigne Kamo et l’agence Babel, un de ses romans jeunesse, où le personnage de Kamo entretient une relation épistolaire passionnelle avec Catherine Earnshaw, héroïne des Hauts de Hurlevent de Charlotte Brontë. Ou bien cette fantaisie d’auteur que représente Des chrétiens et des Maures, très court roman s’insérant dans la série des Malaussène, où le personnage du Petit est atteint de «bartlebisme», syndrome qui puise sa source au cœur même du Bartleby de Melville, et qui se manifeste par une détermination jusqu’au-boutiste.

Amoureux de la smala
On ne peut que s’attacher aux personnages de Pennac. On les aime comme on aime les membres de notre propre famille. Pour illustrer ce sentiment, il n’est rien de mieux que la série des Malaussène, dont le deuxième tome, La fée carabine pourrait, à lui seul, nous charmer pour toujours. Chaque lecteur pourra se découvrir des affinités avec l’un ou l’autre des membres de cette famille atypique, que l’on apprend à connaître dans ce qu’ils ont de précieux. Je suis certaine de ne pas être la seule qui, encore aujourd’hui, lit comme une épitaphe Aux fruits de la passion, le dernier livre de cette série bien-aimée.

Amoureux d’une ville
Pennac, c’est Paris, mais c’est surtout Belleville. Habitant lui-même ce quartier, il le dépeint dans ses romans et nous en fait vivre la diversité, les nationalités, les langues et les cultures qui coexistent dans un équilibre dont la précarité fait la beauté. Un des plus beaux hommages à ce quartier se trouve dans le roman Monsieur Malaussène, alors que Pennac prend Le Zèbre, un cinéma de Belleville qui a fermé ses portes en 1994, comme théâtre de son récit.

Amoureuse
Pennac, c’est surtout pour moi la poésie des mots, le bonheur qu’apportent ses descriptions de lieux, des attitudes humaines, des injustices ou des moments de pure joie. Il trouve toujours le moyen de nous faire réaliser la beauté comme la douleur par des formules qui se rapprochent le plus souvent des vers que de la simple prose. À l’adolescence, j’écrivais, sur les murs de ma chambre, les phrases qui me semblaient marquantes. Parmi elles, le plus souvent, on trouvait les mots de Daniel Pennac comme autant de perles de sagesse.

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