Alain Rémond ou le temps de se raconter

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Après trois récits autobiographiques, touchants et drôles, Alain Rémond s'interroge sur la complicité créée avec ses lecteurs autour de son existence ordinaire. Lui qui avait peur de se faire dévorer, a finalement pris plaisir à se raconter. Dans Je marche au bras du temps, l'auteur relate sa tentative de détourner le récit de sa vie pour renouer avec le roman. Pourquoi une livre sur sa vie? Parce que c'était inévitable, les mots étant là, brûlants, ne demandant qu'à prendre forme. «[...] je ne pouvais pas y échapper, de toute façon», répond-t-il aux curieux.

Je marche au bras du temps, c’est la chronique d’un échec, le récit d’un roman qui ne s’écrira pas. Un vrai roman, avec une intrigue soutenue et des personnages entiers. Mais Rémond a le souffle court pour une oeuvre romanesque, après trois pages, tout dérape! Chaque jour est un adieu, le premier tome de sa trilogie intime, est le résultat de cet évitement nécessaire. Ainsi il renoue avec son défunt père par les mots et l’exploration d’une centaine de lettres signées de la main du paternel. Alain Rémond cesse enfin de raconter des histoires pour raconter la sienne ou plutôt… se délivrer de sa vie. «J’avais écrit mon livre. J’avais remboursé ma dette. Envers mon enfance, envers mes frères et sœurs. Envers mon père et ma mère. Et puis, sans trop savoir pourquoi, j’ai continué. J’ai écrit un deuxième livre sur ma vie»: dans Un jeune homme est passé, Rémond met de l’ordre dans sa mémoire comme on range ses plus précieux souvenirs, avec l’espoir et la crainte des possibles découvertes, des images ressurgissant dans la clarté des nouveaux jours qui, par la perte de l’innocence, sont souvent dépourvus de la magie de l’enfance.

«Puis un troisième»: Comme une chanson dans la nuit revient sur la déchirure et le vide laissés au cœur de cet incisif journaliste par son départ controversé de Télérama après trente ans de service. La remise en question est totale! Les doutes profonds, qui portent «sur la liberté, le choix, le destin, le temps qui reste» et qui passe, naissent pour laisser Rémond, avec simplicité et sensibilité, partager à son lecteur son amour de la vie, ses angoisses face à l’avenir, et surtout, son refus d’accepter sagement la fatalité des événements. D’accepter sans rien dire, ni combattre: «Et ce qui nous arrive, c’est qu’on vieillit et qu’on meurt. Je hais la sagesse. Je hais la mort.» Comme nous tous!

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