Au Québec, plusieurs Autochtones et Inuit se définissent par leur appartenance nationale, laquelle se décline en onze nations. Chacune d’elles – tout comme les cinquante-cinq communautés distinctes qui les composent – est unique et possède ses particularités, ses coutumes, ses croyances et sa langue. Découvrez ci-dessous ces onze nations par le truchement d’un auteur qui en est issu.

W8BANAKI (ABÉNAKIS)

Population : 2 780

La Nation abénakise doit son nom au mot Waban et aki, qui signifie « terre du soleil levant ». Établi à Odanak et à Wôlinak, ce peuple originaire du sud du Québec, des actuels États du Maine, du Vermont et du New Hampshire est réputé pour ses vanneries, ses danses traditionnelles, ses masques, ses totems et son premier musée autochtone au Québec.

© Dominique Chartrand

Diane Obomsawin (Obom)
À la fois cinéaste d’animation (elle collabore avec l’ONF), illustratrice, graphiste et bédéiste, l’Abénakise Obom – de son nom d’artiste – est issue de la première vague québécoise de bédéistes dits underground et a notamment participé au magazine Croc. Son style est à la fois minimaliste et naïf et comprend très souvent des personnages anthropomorphiques. De son œuvre, on retient particulièrement Kaspar, publié en 2007, qui relate l’histoire du célèbre « orphelin de l’Europe » à qui devait échoir la couronne de Bade, mais qui, encore nouveau-né, fut enlevé à sa mère puis oublié dans un cachot dix-sept ans durant. À L’Oie de Cravan, elle publie également des œuvres directement inspirées de ses rêves (Plus tard, Pink Mimi Drink) ainsi que l’excellent J’aime les filles, qui regroupe dix histoires de coming-out, et tout autant de récits de premières amours enivrantes. Avec Le petit livre pour les géants, un merveilleux imagier de 600 mots dont certains sont en abénakis, Obom fait sa première incursion en littérature jeunesse. Les références aux contes, à la nature et au territoire sont légion dans ce livre au format épatant : il est aussi haut qu’un enfant de 2 ans!

ANISHINAABE (ALGONQUINS)

Population : 11 748

Installés dans l’ouest du Québec, les membres de la Nation algonquine Anishinaabe font en sorte que leur mode de vie ancestral est encore bien vivant. Ils sont encore une majorité à utiliser la langue algonquine, dans laquelle leur nom signifie « vrai homme ».

Sunshine Tenasco
Plus qu’une auteure, Sunshine Tenasco est une militante anishinaabe. Mère de quatre enfants et dont le tout premier emploi a été de vendre des cartes de bingo, elle a depuis mis sur pied Pow Wow Pitch, entreprise qui soutient les entrepreneures autochtones, et Her Braids, initiative pour l’accessibilité à l’eau potable. Fait méconnu : actuellement au Canada, plus de cinquante avis d’ébullition ou de non-consommation d’eau ont cours dans des communautés autochtones. C’est justement la thématique exploitée dans Nibi a soif, très soif, son album illustré par Chief Lady Bird chez Scholastic. Elle y raconte la lutte quotidienne de Nibi – mot qui signifie « eau » dans la langue anishinaabe – qui cherche comment se procurer de l’eau potable. À travers sa quête (et l’excellente postface), le lecteur comprend l’importance des combats à mener pour aider les communautés autochtones.

ATIKAMEKW

Population : 7 608

Attachés à un mode de vie et à un développement économique respectueux des traditions et de l’environnement, les Atikamekws sont passés maîtres dans le travail de l’écorce, la confection de canots, la fabrication de la pâte de bleuets et le sirop d’érable! Leur nom d’origine signifie « poissons blancs ».

Janis Ottawa
Originaire de Manawan, Janis Ottawa enseigne dans sa langue maternelle au premier cycle du primaire. Dans Wapke (Stanké), recueil au titre en atikamekw qui signifie « demain », elle y signe – comme les treize autres auteurs qui l’accompagnent dans ce collectif – une nouvelle d’anticipation. La sienne se déroule en 2049, et le constat qu’elle dresse sur le sort réservé aux communautés autochtones donne froid dans le dos. Grâce à son personnage, Miko, amoureux d’une fille allochtone aux cheveux couleur de flammes, et empreint d’espoir, on entrevoit la voie que le gouvernement doit éviter de prendre. On a pu voir Janis Ottawa, également actrice, dans le film Avant les rues de Chloé Leriche (2016), où elle s’exprime notamment en langue atikamekw. Fervente ambassadrice de sa culture, Janis Ottawa transmet également sa passion par la danse traditionnelle lors de pow-wow ainsi que par sa pratique du tissage de perles.

EEYOU (CRIS)

Population : 18 535

Les Cris forment une grande communauté, dont la Nation est la troisième plus populeuse
au Québec. En 1975, avec les Inuit, ils ont été au centre des négociations avec les différents paliers de gouvernement pour l’exploitation hydroélectrique de leur territoire.

Virginia Pésémapéo Bordeleau
Fille d’une Crie et d’un Québécois métissé, née à Rapides-des-Cèdres en 1951, Virginia Pésémapéo Bordeleau s’est d’abord fait connaître sur la scène artistique, québécoise comme internationale, grâce à ses talents de peintre. En 2007, elle fait une entrée remarquée dans le milieu littéraire avec Ourse bleue (Pleine lune), l’histoire fascinante de la quête identitaire d’une protagoniste métissée qui renoue avec ses racines cries et son territoire, entre tradition et modernité. Suivront les ouvrages De rouge et de blanc, L’enfant hiver, Je te veux vivant, et Poésie en marche pour Sindy, qui abordent tour à tour les thèmes de la guerre, de la maternité, du deuil, de l’amour et de la sexualité. C’est d’ailleurs à cette auteure que l’on doit L’amant du lac, considéré comme le premier roman érotique autochtone. De cette femme qui a la réputation d’être lumineuse émerge une œuvre colorée à l’image de son nom – Pésémapéo – qui signifie « arc-en-ciel » en cri.

WENDAT (HURONS-WENDAT)

Population : 4 001

C’est à Wendake, à proximité de Québec, que la seule communauté huronne-wendat reconnue dans tout le Canada est établie près du site de son ancienne cité, Stadaconé. Le développement d’infrastructures de grande qualité a permis à la communauté de mettre en valeur son patrimoine et développé le secteur du tourisme culturel.

© Hélène Bouffard

Louis-Karl Picard Sioui
Louis-Karl Picard Sioui possède une feuille de route impressionnante. C’est en 2005, avec le roman jeunesse Yawendara et la forêt des Têtes-Coupées (Le Loup de gouttière), que Louis-Karl Picard Sioui publie, en français, son premier livre. Il écrira ensuite du théâtre, puis de la poésie qu’il performe sur scène et qu’on retrouve dans différentes revues. En 2011, il fait paraître Au pied de mon orgueil (Mémoire d’encrier), un premier recueil, qui offre une écriture très personnelle. La même année, il propose La femme venue du ciel (Hannenorak), qui raconte pour la première fois en français le mythe wendat des origines. Créateur polyvalent, il travaille depuis quinze ans dans le développement, la promotion et la diffusion de la littérature autochtone au Québec. Il est d’ailleurs partie prenante de l’organisation du Salon du livre des Premières Nations.

INNU

Population : 19 955

Appelés Montagnais par les premiers explorateurs français, qui désignaient ainsi les habitants des petites montagnes de la Côte-Nord, les Innus forment la Nation la plus populeuse du Québec. Au Saguenay-Lac Saint-Jean (Pekuakami), on les appelle les Ilnus. Ce peuple millénaire offre aux visiteurs, une industrie touristique distinctive et authentique.

© Sébastien Lozé

J. D. Kurtness
Les auteurs autochtones de romans dits « de genres » ne courent pas les rues. Si l’arrivée de J. D. Kurtness fut ainsi hautement saluée, c’est surtout parce que De Vengeance puis Aquariums sont d’excellents romans, portés par une écriture fine et un fort talent de conteuse. Dans De Vengeance, on suit une tueuse en série qui sévit pour le bien de la société en éliminant les pollueurs, les violeurs, les profiteurs, bref, les méchants. Ce premier roman a d’ailleurs valu à Kurtness, entre autres lauriers, le Prix des voix autochtones pour la prose française en 2018. Aquariums relève quant à lui davantage du roman d’anticipation, racontant l’histoire polyphonique d’un équipage en mission pour reproduire l’écosystème arctique, alors que sur la terre ferme, la majorité de l’humanité a péri en raison d’un grave virus… Entre drame et humour, l’auteure innue – qui écrit en français et qui est déjà traduite en anglais – a visiblement trouvé la recette pour tenir son lecteur en haleine.

INUIT

Population : 12 129

En langue inuttitut, le sens du mot Inuit (« les êtres humains ») renvoie à un temps où les habitants de l’Arctique pensaient qu’ils étaient seuls sur la terre. Les Inuit du Québec peuplent quatorze villages dans l’immensité du Grand Nord. Leur mode de vie et leur art, notamment la sculpture, sont renommés dans le monde entier.

© Éditions Kata

Louise Flaherty
Louise Flaherty, auteure inuit du Canada, a grandi au Nunavut, à Clyde River. Elle maintient que parler l’inuttitut est un élément fondamental de l’identité inuit, et c’est la raison pour laquelle elle a cofondé la maison d’édition Inhabit Media. Les livres qui y sont proposés sont écrits en anglais ou en inuttitut et sont notamment utilisés dans les salles de classe du Nunavut : ainsi, les jeunes ont dorénavant accès à des ouvrages qui leur parlent de leur réalité, de leurs valeurs. D’ailleurs, les lecteurs francophones pourront découvrir Louise Flaherty dans l’album La croqueuse de pierre (Kata éditeur), alors qu’elle y relate le mythe ancien de Mangittatuarjuk, créature magique qui demeure dans une grotte et qui se nourrit d’enfants… Épeurant? Pas tant que ça, lorsque l’on comprend que, traditionnellement, les mythes racontés avaient comme fonction de maintenir les enfants près du camp et de leurs parents, les tenant ainsi éloignés d’une créature encore plus dangereuse… l’ours polaire!

KANIEN’KEHÁ:KA (MOHAWKS)

Population : 19 026

De la puissante Nation mohawk, membre de la Confédération des Cinq Nations iroquoises, il reste un attachement fort aux traditions et rituels. Les Mohawks, deuxième Nation la plus populeuse du Québec, ont su préserver leurs valeurs malgré l’influence des grandes villes voisines.

© Mécanique générale

Walter Kaheró:ton Scott
Actif tant dans les domaines du dessin, de la vidéo, de la performance que de la sculpture, Walter Kaheró:ton Scott entre en littérature avec la publication, en anglais, du premier tome de son roman graphique Wendy chez Koyama Press (2014). Il y met en scène une étudiante montréalaise en arts visuels, sorte d’antihéroïne qui permet d’approcher d’une façon contemporaine les thèmes de la vérité, du doute et de la conscience (ou de l’inconscience) de soi avec un ton marqué d’une ironie bien trempée. La version française a vu le jour en 2019 chez Mécanique générale. Un troisième tome en anglais, où l’on voit une Wendy poursuivre une maîtrise en arts dans une petite ville ontarienne, est paru en juin 2020 chez Drawn & Quarterly. L’artiste collabore aussi depuis 2017 au magazine The New Yorker.

WOLASTOQIYIK (MALÉCITES)

Population : 1 171

La Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk est présente à Cacouna sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent où l’on y retrouve leur édifice administratif dans un lieu naturel d’exception pour l’observation des oiseaux et des mammifères marins. Cette Nation est depuis toujours reconnue pour la qualité de son artisanat : sculpture, décoration en piquants de porc-épic, perlage et vannerie.

© Myriam Baril-Tessier

Dave Jenniss
En plus d’être acteur et metteur en scène, Dave Jenniss est un dramaturge qui évoque dans ses pièces, qui ont souvent un caractère autobiographique, la culture autochtone. Le texte Wulustek, publié en 2011 chez Dramaturges Éditeurs, raconte la perte de repères de la famille Miktouch. Sa langue s’est éteinte et sa terre est appelée bientôt à disparaître. La pièce fait le constat de la difficulté de se construire une identité quand la transmission de notre civilisation s’est rompue. En avril 2020, il publie Nmihtaqs Sqotewamqol/La cendre de ses os, pièce jouée au théâtre de La Licorne. Il écrira aussi Pokuhule, le tambour du temps (2013) et Ktahkomiq (2017). En 2018, il crée Mokatek et l’étoile disparue, un spectacle destiné aux 2 à 6 ans, qu’il adaptera ensuite sous forme de conte aux éditions Hannenorak. Depuis 2016, il est le directeur artistique d’Ondinnok, la première compagnie de théâtre autochtone du Québec.

MI’GMAQ (MICMACS)

Population : 6 226

Au XVIe siècle, ce sont les Mi’gmaq qui accueillirent les premiers Européens sur les côtes de la Gaspésie. L’aide de ce peuple de pêcheurs et de navigateurs fut précieuse pour les explorateurs et les marchands. Une histoire et une identité fortes que les Mi’gmaq mettent en valeur à travers différents sites et activités, comme la pêche au saumon. La musique est au cœur des rituels, festins et cérémonies culturelles micmaques.

Michael James Isaac
Michael James Isaac n’avait jamais eu l’ambition de devenir auteur. Il a travaillé pour différents ministères fédéraux, a été chef de police, enseignant au primaire et à l’université et est actuellement directeur d’une école secondaire à New Richmond. Il a écrit deux livres pour enfants, publiés aux éditions Fernwood, afin que les jeunes puissent découvrir la langue et la culture des Micmacs. L’album Comment le Puma a fini par être appelé le Chat Fantôme fait le récit d’un animal qui a du mal à trouver sa véritable nature. Quant au livre Les savoirs perdus, il rappelle l’importance des sept valeurs fondamentales que sont la sagesse, le respect, l’amour, l’humilité, l’honnêteté, le courage et la vérité.


NASKAPI

Population : 1 321

La Nation naskapie est celle de grands connaisseurs d’un vaste territoire boréal. Les Naskapis continuent à faire valoir leur savoir-faire traditionnel à travers des activités de chasse, de pêche et de découverte touristique de la toundra et de la taïga. Dans leur artisanat, le caribou occupe une place très importante.

John Peastitute
Le conteur John Peastitute naît en 1896 et meurt en 1981. L’enregistrement de ses histoires a permis d’étudier et d’éditer son œuvre, entre autres pour la Naskapi Development Corporation (NDC), qui compte plusieurs livres pour la jeunesse en naskapi et en anglais et qui relatent les légendes de son peuple. Les récits présentés montrent les deux types narratifs utilisés dans la tradition naskapie, soit des tipâchimûna, qui sont des histoires extraordinaires qui ont été vécues et rapportées de génération en génération, et des âtiyûhkinich, c’est-à-dire des mythes et des légendes issus de la culture de la nation. The Giant Eagle and other stories, The Dancing Ants, Caught in a Blizzard and other stories et Chahkapas : A Naskapi Legend sont quelques-uns des titres que l’on peut retrouver.

Article tiré de: 

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