Au Royaume-Uni, le journal The Guardian a eu la brillante idée de demander à quelques écrivains des conseils d'écriture. En nous inspirant de leur initiative que vous trouverez ici, nous avons également demandé leur avis à nos auteurs québécois. En cette période de confinement où plusieurs se retrouvent enfin avec du temps à combler, certains souhaiteraient peut-être se lancer dans l'écriture. Mais comment ne pas souffrir du syndrome de la page blanche? Comment stimuler la créativité? Ils sont quatre auteurs qu'on adore à vous partager leurs conseils. Hop! À vos crayons!

Réponse de Marie-Ève Thuot

Je crois qu’il faut avoir beaucoup lu pour écrire, mais qu’en période d’écriture, il faut cesser de lire. C’est un conseil que donne Julia Cameron dans son livre Libérez votre créativité, et c’est l’un des meilleurs que j’y ai puisé : « Voici l’essentiel : tôt ou tard, si vous ne lisez pas, vous allez être à court de travail et bien obligé de jouer. Vous allumerez de l’encens, vous mettrez un vieux disque de jazz ou vous peindrez en turquoise une étagère, et alors, non seulement vous allez vous sentir mieux, mais aussi un peu excité. » Les mots les plus importants ici me semblent « jouer » et « excité ». Quand je veux être plus créative, je fais des choses qui accroissent ma bonne humeur, ma légèreté et ma joie : méditer, marcher, écouter de la musique, danser, regarder des vidéoclips. Ce genre d’activités, qui n’implique pas ou pas trop de mots, crée aussi une sorte de vide dans l’esprit, un vide favorable à l’apparition des idées et à l’inspiration.

Marie-Ève Thuot est la lauréate du Prix des libraires du Québec, dans la catégorie roman québécois, de cette année. Cette jeune auteure en est à son premier roman avec La trajectoire des confettis (Les Herbes rouges), un roman choral qui tient en haleine le lecteur grâce au dévoilement, petit à petit, du passé des protagonistes. Ce livre permet également de multiplier les points de vue sur l’amour, la société, la sexualité, la famille. De quoi nous faire réfléchir, assis sur notre chaise en tournant frénétiquement les pages de ce roman captivant.

Réponse d’Yves Trottier

L’imagination fonctionne un peu comme un muscle. Avant de m’attaquer à la suite de mon histoire, je réchauffe toujours mon cerveau en relisant et en retravaillant ce que j’ai écrit la veille. Lorsqu’une panne survient, je change de rôle. D’auteur, je deviens acteur. Je plonge dans la peau de mes personnages et j’improvise leurs actions et leurs répliques. Si ça ne fonctionne pas, si les idées ne viennent pas, j’adopte une autre tactique. Je me transforme en enfant naïf plein de questions, car le questionnement est un moteur puissant de création. Pourquoi le personnage n’essaierait-il pas ceci ou cela? Et si l’action se déroulait ailleurs? Quelle est la pire chose qui pourrait survenir? Je me lance donc une série de pistes que j’explore avec enthousiasme. Elles finissent toujours par mener quelque part.

Il a fait l’École nationale de l’humour, il a été militaire, il a une maîtrise en sciences politiques, il a travaillé au chemin de fer du Canadien National, a enseigné l’anglais en Corée du Sud… voilà Yves Trottier! Auteur depuis 2006, il a écrit notamment la série jeunesse Les tigres bleus (Les Malins), divers essais ainsi que des romans pour adultes tout comme pour la jeunesse. Sa plus récente publication est Kilan : fils de l’Olympe (Les Malins).
Crédit photo : © Alex Tran

Réponse de Johanne Seymour

Pour écrire, il faut d’abord lire. Puis, il faut écrire, encore et encore. Cependant, qu’on se confronte au geste pour la première fois, la neuvième ou la vingtième, la créativité peut nous faire défaut. Particulièrement pendant la pandémie, où tous les sujets sont pâles en comparaison du drame planétaire qu’on vit. On peut alors se tourner vers les volumes des autres et attendre que l’inspiration revienne ou comme moi en profiter pour faire des gammes en lisant sur l’écriture : Mémoires d’un métier de Stephen King, L’atelier d’écriture de Gabriel Garcia Marquez, Le rideau de Milan Kundera, L’énigme des premières phrases de Laurent Nunez… pour ne nommer que ceux-là. Je choisis au hasard une page de l’un d’eux et je m’y plonge. Invariablement, au bout d’un moment, des idées surgissent pêle-mêle de mon inconscient. Je continue ma lecture jusqu’à ce que l’une d’elles me happe et que mon désir de la développer devienne impératif. Cependant, si même ces lectures ne font pas le truc, je n’ai qu’un conseil. Faites n’importe quoi d’autre. Méditez, repassez, faites le ménage, baladez-vous en voiture, peignez, jardinez et laissez votre subconscient travailler. Au bout de ce repos vous attend votre créativité. Et surtout, n’oubliez pas. Le roman est en vous. Il n’attend que le moment propice pour jaillir.

Grande dame du polar québécois, Johanne Seymour est aussi comédienne, scénariste, metteure en scène et réalisatrice. C’est également elle qui avait fondé le festival Les Printemps meurtriers de Knowlton (2012-2016). Plusieurs de ses romans ont été sélectionnés pour des prix littéraires, et elle travaille sur une adaptation télévisuelle inspirée des personnages de la série Rinzen Gyatso. Son plus récent livre est Le goût de l’élégance (Libre Expression), un roman qui s’éloigne du genre policier et qui se veut plutôt une « ode romantique aux petits bonheurs [et] un hommage sensible pour les librairies, ces lieux où tout est impossible! » en a dit le libraire Billy Robinson.
Crédit photo : © Sarah Scott

Réponse de Rose-Aimée Automne T. Morin

Je ne serai probablement pas très originale, mais je tiens à commencer en vous rappelant que rien ne vous oblige à être productif ou productive en pleine pandémie. Si vous n’avez pas envie de créer, c’est normal. Merci de ne pas vous auto-flagellez pour ça, ok? Maintenant, si vous souhaitez écrire en confinement et cherchez un moyen de vous titiller la créativité, mon conseil serait celui-ci : ennuyez-vous. Offrez-vous le luxe de ne rien faire du tout. De vous éloigner de tout écran et de juste regarder le temps filer. Personnellement, c’est quand mon cerveau est sous-stimulé qu’il se met à se raconter des histoires. Et je suis parfois surprise de constater qu’il y en a parmi elles qui ont le potentiel d’être explorées…

Auteure, animatrice, ancienne rédactrice en chef d’Urbania, documentariste (Comment devenir une personne parfaite, sur Tou.TV), Rose-Aimée Automne T. Morin déborde de talent. Elle a fait son entrée en librairie avec Ton absence m’appartient, roman autobiographique qui a été chaleureusement remarqué. Elle poursuit l’exploration de sa relation avec son père – qu’on découvre comme un tendre égocentrique, ce qui n’est pas tout à fait à son honneur – dans son second roman, Il préférait les brûler. Un récit par fragments, qui dépeint une certaine cruauté qui égratigne l’enfance, mais surtout un roman maîtrisé sur le passage de l’adolescence à la vie d’adulte.
Crédit photo :
© Julien Faugère

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