Rentrée 2016 : Essais

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À surveiller

Un barbare en Chine nouvelle
Alexandre Trudeau (Boréal)
Son père, aimé ou honni, était un titan de la politique. Son frère gouverne le pays depuis bientôt douze mois. Mais Alexandre Trudeau est plus que le « fils de » ou le « frère de ». Depuis une quinzaine d’années, le Montréalais parcourt le globe pour réaliser des documentaires ou des reportages sur des sujets sensibles (guerre d’Irak, conflit israélo-palestinien, crises au Darfour, au Liberia ou en Haïti, etc.). Cette fois, il nous emmène en Chine, un pays qui le fascine depuis sa jeunesse. Il jette, grâce à des rencontres éclairantes, un regard juste et perspicace, souvent loin de nos préjugés, sur les enjeux de ce pays de démesures.

L’âge des démagogues
Pierre-Luc Brisson – Entretiens avec Chris Hedges (Lux)
Le vivifiant Pierre-Luc Brisson propose une série d’entretiens avec le journaliste Chris Hedges, observateur aiguisé de la société américaine et ex-reporter de guerre qui a côtoyé le pire de l’Humanité. Cet activiste – un résistant, un indigné – partage sa vision sur la politique aux États-Unis, sur la montée des extrémismes et sur les limites du capitalisme. C’est dérangeant, oui, mais fort éclairant. Au même moment, Actes Sud publie La guerre est une force qui nous octroie du sens, première traduction de ce texte, paru en 2002, sur l’horreur des conflits armés.  

Dans une classe à part. Histoires de profs inspirants
Mylène Moisan (La Presse)
Les lecteurs du journal Le Soleil le savent depuis longtemps : la journaliste Mylène Moisan a une façon bien à elle,
pleine de sensibilité et d’humanité, de tracer le portrait de parfaits inconnus. Ici, elle s’attarde à des héros de l’ombre, ceux qui construisent, un jeune à la fois, notre société de demain. Elle décrit leur quotidien, leurs fiertés, leurs luttes, leurs espoirs et leurs peines. Parce qu’on se rappelle tous d’un enseignant qui a fait la différence. Parce que ces passionnés méritent qu’on prenne le temps de leur montrer toute notre appréciation.

 

Pour les lecteurs empathiques
Plonger dans les zones d’ombre, s’émouvoir de la persévérance de certains, s’identifier à ceux et à celles aux prises avec divers questionnements : le lecteur empathique sera bien servi cet automne. Le cancer devient parfois un personnage principal, comme dans Je ne sais pas pondre l’œuf, mais je sais quand il est pourri (Flammarion Québec), ce récit-essai de Josée Blanchette, chroniqueuse au Devoir, qui raconte son propre combat et qui scrute tous les enjeux liés à cette terrible maladie, ou comme dans Gratitude (Bourgois) du neurologue anglais Oliver Sacks, qui a perdu sa bataille en août dernier. On aime le regard sensible de la psychiatre Ouanessa Younsi qui plaide pour une compassion plus grande dans les soins (Soigner, aimer, Mémoire d’encrier). L’appel de Karen Messing (Les souffrances invisibles, Écosociété) va dans la même direction, alors qu’elle milite pour une science plus à l’écoute des travailleurs afin de mieux comprendre l’impact de la vie moderne (stress, pollution, etc.) sur eux. Enfin, comment ne pas s’émouvoir devant le récit du chanteur Corneille qui raconte son enfance au Rwanda (Là où le soleil disparaît, XO) ou devant la réaction de Georges Salines, père de l’une des jeunes victimes de l’attentat au Bataclan, qui devant l’horreur a choisi l’écriture (L’indicible de A à Z, Seuil).

À lire aussi :
Mémoires d’une gardienne de prison de Marie-Renée Côté (Guy Saint-Jean Éditeur)
10 ans de liberté de Natasha Kampush (JC Lattès)
Le dialogue dans l’acte éducatif et la relation de soin de Jacques Quintin (dir.) (Liber)

 

Pour les lecteurs nostalgiques
Ces héros d’antan. Ces trésors d’enfance. Ces moments d’hier. Ce sont bien des souvenirs que nous rappellerons les biographies de l’ex-Baronet Jean Beaulne (De Mortagne) ou de l’original Bruce Springsteen (Born to run, Albin Michel). Le chanteur Félix Leclerc revit aussi, sous la plume de sa fille Nathalie, dans un sensible recueil de souvenirs personnels (La voix de mon père, Leméac). Les nostalgiques qui rêvent d’exotisme pourront voyager en Colombie avec le rappeur Manu Militari (Le sourire de Leticia, Stanké) ou sur les plus hauts sommets du globe avec l’alpiniste québécois Gabriel Filippi (Instinct de survie, Guy Saint-Jean Éditeur), un bel exemple de dépassement de soi dont le récit de ses vingt ans d’aventures s’accompagne de bien des tragédies. Comment finir ce tour d’horizon sans penser à ceux qui s’ennuient maladivement de notre sport national, abordé notamment par le journaliste de La Presse Richard Labbé dans L’équipe qui ne devait pas gagner (L’Homme), sur la conquête de la coupe Stanley de 1986, et par le professeur du HEC Jean-Pierre Dupuis dans Où sont les joueurs francophones du Tricolore? (La Presse).

À lire aussi :
The Rolling Stones 1962-1967 de Régis Canselier (Le mot et le reste)

 

Pour les lecteurs scientifiques
Si la science ne vous effraie pas, voici de bonnes options. D’abord, Le pays qu’habitait Albert Einstein (Étienne Klein, Actes Sud) offre un portrait atypique mais fascinant du grand physicien. Autre personnage intrigant, le physicien Bruno Pontecorvo se fait décortiquer par l’enquête méticuleuse de Frank Close (Le mystère Pontecorvo, Flammarion). Autre détour obligé avec l’éthologue Luc-Alain Giraldeau, qui présente au Boréal Dans l’œil du pigeon, un texte franchement passionnant consacré à la vie sur terre et aux mécanismes de l’évolution.

À lire aussi :
Dernières nouvelles des trous noirs de Stephen Hawking (Flammarion)

 

Pour les lecteurs studieux
Nous avons encore tant à apprendre, alors aussi bien en profiter pour s’éduquer. D’ailleurs, comme les quinze participants – Louise Portal, Hubert Reeves, etc. – du collectif Lire (Fides), on aime passionnément les livres. On suit également avec grand intérêt l’itinéraire de l’écrivain Alain Mabanckou qui rend un si bel hommage à la langue française dans Le monde est mon langage (Grasset) en se déplaçant aux quatre coins du monde francophone pour rencontrer des ambassadeurs stimulants (Dany Laferrière, Gary Victor, etc.). Par ailleurs, le déjà regretté Umberto Eco partage, avec humour, ses conseils dans Comment écrire sa thèse (Flammarion).

À lire aussi :
Librairies. Itinéraires d’une passion de Jorge Carrion (Seuil)
Le gardien de la norme de Jean-Pierre Leroux (Boréal)
Amérique. Des écrivains en liberté d’Alexandre Thiltges (Albin Michel)
L’impossible exil. Stefan Zweig et la fin du monde de George Prochnik (Grasset)

 

Pour les lecteurs inquiets
Après la multitude d’attentats aux quatre coins de la planète, plusieurs citoyens sont inquiets. Leur crainte s’accentuera peut-être à la lecture de Terre noire de Timothy Snyder (Gallimard), qui dit pourquoi l’Holocauste pourrait bien se répéter. Un tel contexte permet de replonger dans un passé peu glorieux, tel que celui énoncé dans Une guerre sourde (PUM) de l’universitaire Michael Carley, qui revisite les relations de l’URSS avec le monde occidental. La question du terrorisme n’est pas en reste, avec une pléiade de livres sur le sujet. Notons Le terrorisme expliqué à nos enfants de Tahar Ben Jelloun (Seuil), Le djihad et la mort (Olivier Roy, Seuil), qui analyse finement les attentats récents, et Les enfants de Daesh (Inculte), une enquête de la fondation Quilliam sur le niveau d’endoctrinement des enfants soldats de Daesh.

À lire aussi :
La vérité sur le sucre d’André Marette (VLB éditeur)
La révolution culturelle du capital de Maxime Ouellet (Écosociété)
L’Europe en enfer (1914-1949) d’Ian Kershaw (Seuil)

 

Pour les lecteurs curieux
Un brin inclassable, mais fort réussi, le nouveau livre de Nicolas Lévesque, Je sais trop bien ne pas exister (Varia), surfe entre irrévérence et réflexions allumées. Même sentiment avec l’essayiste Étienne Beaulieu (Splendeur au bois Beckett, Nota Bene), qui partage rêveries et pensées, et avec le philosophe-poète-planteur d’arbres Cajetan Larochelle (Compagnon de la terre, Leméac). On ne sait trop ce que donnera la rencontre entre la blogueuse Stéphanie Neveu et l’historien Laurent Turcot, mais une chose est certaine : on attend impatiemment leur guide irrévérencieux sur la Métropole (Vivre et survivre à Montréal au XXIe siècle, Hamac).

À lire aussi :
Philosophies de la connaissance de Robert Nadeau (dir.) (PUM)
Journal d’un sociologue de Marc Lesage (Del Busso éditeur)

 

Pour les lecteurs égalitaires
Les questions féministes ne sont pas en reste pour cette rentrée. Ça débute avec ce pertinent Abécédaire du féminisme (Somme toute), prolongement d’un segment de l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit! qui offre une vision plurielle de la femme. On aborde le sujet du fardeau de la réussite féminine dans la rencontre de Léa Clermont-Dion et de Marie Hélène Poitras avec plusieurs femmes inspirantes (Louise Arbour, Cœur de Pirate, Marie-Mai, etc.). Le livre s’appelle Les superbes (VLB éditeur).Autre option, marcher sur les pas de cette voix inspirante, l’écrivaine canadienne Élizabeth Smart décédée en 1986 (Le cœur jamais éteint, Leméac).

À lire aussi :
Fille de Gaza d’Asmaa Alghoul et Sélim Nassib (Calmann-Lévy)
Les 17 femmes Prix Nobel de sciences d’Hélène Merle-Béral (Odile Jacob)
 

Pour les lecteurs investigateurs
Les indices sont parsemés ici et là. À vous d’y voir clair! D’abord, on s’attaque à la corruption, notamment avec Corruption. Montréal et ses démons (Leméac), un collectif qui analyse le passé et réfléchit au futur. On glisse dans le monde interlope avec l’infiltrateur Éric Nadeau qui revient, avec l’aide de Stéphane Berthomet, sur la trahison de l’enquêteur-vedette du SPVM Benoît Roberge (Dans l’ombre de Benoît Roberge, Edito). L’homme d’affaires déchu Éric St-Cyr, emprisonné pour un scandale de blanchiment d’argent, nous fait entrer dans le monde obscur de la finance (À l’ombre du soleil, Parfum d’encre).

À lire aussi :
Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports d’Atossa Araxia Abrahamian (Lux)
Métier : infiltrateur 2 d’Alex Caine (L’Homme)

 

Pour les lecteurs engagés
Prendre position, affûter sa pensée, réfléchir au bien collectif. D’entrée de jeu, soulignons le grand retour de l’économiste le plus populaire du moment, Thomas Piketty, qui après Le Capital au XXIe siècle, signe Les hauts revenus en France au XXe siècle (Seuil). Mais il devra surveiller dans le coin gauche Angus Deaton, Nobel d’économie 2015, qui retiendra l’attention grâce à un exhaustif travail sur les inégalités (La grande évasion, PUF). Le philosophe Jocelyn Maclure fait grand bien avec Retrouver la raison (Québec Amérique), un outil vital pour mener à une conversation démocratique éclairée. Cette réflexion serait fort utile pour les électeurs américains en cette période électorale, sujet fortement exploité dans les essais cet automne : Clinton/Trump. L’Amérique en colère (Christine Ockrent, Robert Laffont), Hillary Clinton. Une certaine idée de l’Amérique (Jean-Luc Hees,Baker Street) ou, plus anecdotique, La résidence. Dans l’intimité de la Maison-Blanche (Kate Andersen Brower, Michel Lafon).  

Au Québec, on apprécie le travail de Simon-Pierre Savard-Tremblay qui critique la « dérive de l’État québécois » avec L’état succursale (VLB éditeur). M éditeur est également un lieu de rencontres pour lecteurs engagés : cet automne, on y découvrira deux collectifs, soit La dette du Québec : vérités et mensonges qui cherche à comprendre cette fameuse « dette » qui justifie bien des mesures d’austérité, et Au nom de la sécurité!, qui se questionne sur la criminalisation de l’opposition au pouvoir.

Le comptable et chroniqueur Pierre-Yves McSween questionne notre relation avec nos finances personnelles dans En as-tu vraiment besoin? (Guy Saint-Jean), un plaidoyer efficace pour une consommation responsable. Enfin, découvrons le regard franchement original et pertinent de Tom Slee qui critique les avatars de l’économie du partage portés par les Uber et Airbnb de ce monde (Ce qui est à toi est à moi, Lux).

À lire aussi :
Rééquilibrer la société de Henry Mintzberg (Somme toute)
Bâtir l’économie circulaire d’un collectif (PUM)
La révolution de l’agriculture urbaine de Jennifer Cockrall (Écosociété)
Contre l’allocation universelle de Mateo Alaluf et Daniel Zamora (dir.) (Lux)
Les PME à l’ère de la mondialisation de Martine Boutary, Marie-Christine Monnoyer et Josée St-Pierre (PUQ)

 

Pour les lecteurs identitaires
Quels éléments permettent de distinguer le Québec des autres nations? Difficile d’y répondre, mais le travail de la firme Léger prétend dévoiler sept différences fondamentales des Québécois (Le code Québec, L’Homme). La diversité québécoise est une importante richesse. La situation des Autochtones continue d’attirer l’attention – et c’est tant mieux – notamment avec ce regard cinglant sur le système d’éducation au Nunavik (Une école à la dérive, Nicolas Bertrand, Septentrion). Pour une approche moins sombre, on se tournera vers le précieux médecin-écrivain Jean Désy qui plaide, avec Amériquoisie (Mémoire d’encrier), pour une plus grande « métisserie ».

Fierté québécoise, Couche-Tard a conquis la planète grâce au flair de son fondateur Alain Bouchard, qui dévoile son parcours au journaliste Guy Gendron dans Couche-Tard ou l’audace de réussir (L’Homme). Autre emblème national, le Cirque du Soleil est souvent associé à Guy Laliberté : il est donc intéressant de s’attarder à son cofondateur, Gilles Ste-Croix, qui fait partie de ce grand succès né dans notre cour (Ma place au soleil, La Presse).

À lire aussi :
Une place au soleil : Haïti, les Haïtiens et le Québec de Sean Mills (Mémoire d’encrier)
Amér-india de Gilles Bibeau (Mémoire d’encrier)
La charte de la langue française. Ce qu’il reste de la loi 101 quarante ans après son adoption d’Éric Poirier (Septentrion)
Histoire du Canada : des origines à nos jours de Jean-Michel Lacroix (Tallandier)

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