Martin Gray : Au nom de tous les hommes

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Martin Gray : onze livres, un prix littéraire, de nombreux hommages. Dix ans de silence depuis la publication de son dernier ouvrage. Des années d'absence pendant lesquelles il est resté dans l'ombre, s'engageant dans différentes causes. Cet isolement est rompu avec la parution de Au nom de tous les hommes (Du Rocher).

Il n’est pas anodin que ce dernier opus emprunte une partie de son titre à Au nom de tous les miens (1971), œuvre phare dans lequel il révélait son passé marqué par la guerre, les camps d’extermination et la dissémination de sa famille. Suite logique à ce premier ouvrage, Au nom de tous les hommes est le résultat de dix ans de réflexion sur la nature humaine, mais e tragédie personnelle ne fut nécessaire pour amorcer la rédaction de ce second volet. L’inquiétude d’un père pour ses cinq enfants et les questions pressantes des lecteurs (plus de 800 000 lettres en trente ans) auront suffi. « Comment aurais-je pu me taire ? Je ne vais pas me désintéresser égoïstement du monde. Pourquoi cette guerre barbare au Moyen-Orient ? Mes enfants, dans quel monde vont-ils vivre ? Comment vont-ils vivre ? Je voulais répondre à toutes ces questions. Je me suis remis à écrire et c’est pourquoi je suis sorti d’un silence de dix ans. »

Gray confesse : « Je ne pouvais pas faire autrement ! Si je n’avais pas écrit ce livre, je me serais considéré comme un traître. » En effet, c’est animé par ce sentiment d’obligation qu’il a commencé à écrire. « Je crie, je n’écris pas ! Je voudrais que les gens crient avec moi ! Ce livre : c’est un cri, un simple cri, un mot ! Assez ! Assez de haine, de racisme, d’enfants frappés, blessés parce qu’ils sont juifs, chrétiens ou musulmans ! Si le lecteur est sensible à ce que je dis, il faut qu’il crie avec moi ! Qu’il partage mes livres autour de lui pour que tous ensemble nous criions fort pour empêcher ce futur barbare ! »

Martin Gray, qui se définit comme un témoin du XXe siècle, refuse l’étiquette d’auteur : « Je pense qu’on attend de moi que je sois la voix d’un témoin. Un témoin doit parler, dire ce qu’il a vu, ressenti : c’est son devoir. » Pour la rédaction de ce dernier ouvrage, l’image de Caïn et Abel s’est imposée à l’auteur : « Ce premier crime, le meurtre du frère, c’est ce que nous répétons depuis toujours. Cette image, c’est une réflexion sur l’homme, divisé entre Caïn et Abel, écartelé entre le Bien et le Mal, tenté par le crime et rêvant de fraternité. C’est le paradoxe ! » Avec Au nom de tous les hommes, Gray désire éveiller la conscience populaire : « Ce que je voudrais, c’est alerter. J’ai vécu la barbarie, elle m’a blessé, elle a tué les miens. Attention, tout peut recommencer ! Tout recommence déjà ! Je pense qu’il faut simplement, difficilement, dire ce qu’il en est, voir le monde tel qu’il est pour pouvoir échapper à la barbarie. Je voudrais laisser à mes enfants un monde un peu plus juste, un peu plus fraternel, un peu plus humain. » De passage au Québec en août dernier, Martin Gray reviendra en novembre pour donner une série de conférences.

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