À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

L’envers du landau : Regard extérieur sur la maternité et ses débordements
Lucie Joubert, Alias, 192 p., 13,95$
De nombreux ouvrages parlent des angles morts de la maternité, mais rares sont les voix qui s’élèvent et abordent la « matrice inutilisée », qui soulignent le refus de ladite maternité de certaines femmes, et ce, malgré le discours nataliste de la société québécoise. Avec une plume vive, qui n’a rien de ronflant, Lucie Joubert réfléchit à la pression que subissent des femmes qui ne peuvent avoir d’enfant, ou celles qui font le choix de ne pas en avoir. « J’ai écrit ce livre afin de déterminer, pour ma compréhension personnelle et pour celle des femmes qui se reconnaîtront peut-être dans ces pages, quel insecte étrange je suis et quelle place je peux espérer occuper dans une économie qui prend appui sur les tables à langer », écrit l’essayiste en préface.

 

Les falaises
Virginie DeChamplain, BQ, 184 p., 11,95$
Ce premier roman marqué par la filiation suit V., la narratrice, qui doit retourner en Gaspésie, coin de pays qui l’a vue naître, alors qu’elle vient d’apprendre la mort de sa mère, recrachée par les eaux du fleuve Saint-Laurent. Dès lors, V. entreprendra de reconstituer les béances de sa généalogie en se terrant dans la maison familiale avec pour refuge les journaux de sa grand-mère qui donneront à la jeune femme les bribes manquantes à son histoire. Puis ce sera le voyage en Islande, sorte de pèlerinage vers un retour aux origines maternelles et une possible libération pour V. Ce récit introspectif gronde de tous les actes manqués, des rencontres qui n’ont pas pu se faire, des voix et des visages oubliés. Les éléments — bourrasques tonitruantes, eaux tempétueuses — portent aussi cette violence qui fait écho à la colère qui habite le personnage et qui possède en elle la promesse des jours d’accalmie.

 

L’autre moitié de soi
Brit Bennett (trad. Karine Lalechère), J’ai lu, 414 p., 16,95$
Auréolée de succès, cette œuvre raconte l’histoire de trois générations de femmes qui essaient de prendre leur place alors qu’on tente de leur en imposer une. Difficile d’être soi-même quand il faut oublier une partie de soi ou être quelqu’un d’autre. Dans une ville fictive du nord de la Louisiane, des mariages métissés ont lieu afin d’éclaircir la peau des descendances et ainsi rendre les Noirs de plus en plus blancs. Ce roman « dense, complexe, formidable dans ses nuances qui s’imbriquent et s’éloignent à la fois », selon la libraire Chantal Fontaine, parle avec sensibilité d’identité, de condition féminine, de transmission, d’héritage, de contraintes sociales, de colorisme et de racisme.

 

La fille de la famille
Louise Desjardins, Boréal, 200 p., 13,95$
Ce roman touchant dépeint la vie d’une jeune femme éprise de liberté, dont on suit le parcours et l’émancipation, de l’enfance à l’âge adulte en passant par l’adolescence, alors qu’elle grandit entourée de ses frères. C’est à travers son regard et ses souvenirs épars, remémorés sans ordre chronologique, que son histoire est racontée. Ces moments forment une courtepointe, tissent le portrait d’une vie. Au fil des années se dessine également le chemin parcouru par les femmes. Même si cette traversée ne se fait pas sans heurts, ces dernières s’affranchissent peu à peu, lasses d’obéir et de s’oublier, se délestant de l’emprise des hommes et de l’Église…

 

Nickel Boys
Colson Whitehead (trad. Charles Recoursé), Le Livre de Poche, 260 p., 13,95$
Dans les années 1960, aux États-Unis, Elwood, un brillant jeune homme noir qui s’apprêtait à entrer à l’université, se retrouve à la maison de correction Nickel Academy après une erreur judiciaire. Dans ce lieu terrifiant — inspiré d’un établissement qui a vraiment existé en Floride et dont le cimetière clandestin a été découvert par une équipe d’archéologie —, d’atroces sévices sont infligés aux pensionnaires. Toujours aux aguets, Elwood s’efforce de survivre à travers cette cruauté inouïe. Grâce à ce tragique et puissant portrait de la ségrégation raciale, de l’oppression des Noirs et de l’injustice, Colson Whitehead a été récompensé du prix Pulitzer — honneur qu’il avait aussi reçu pour Underground Railroad. C’est bouleversant, effroyable et révoltant.

 

Pas même le bruit d’un fleuve
Hélène Dorion, Alto, 192 p., 14,95$
« Nos racines courent sous le sol, invisibles, impossibles à déterrer toutes. On peut essayer d’en arracher une, espérer qu’elle nous mènera vers une autre qu’on pourra dégager, elle aussi, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on perçoive un sens à cette histoire qu’on appelle notre vie », lit-on dans Pas même le bruit d’un fleuve. Avec poésie et sensibilité, ce magnifique roman sonde les tumultes et les naufrages qui ponctuent l’existence, les liens invisibles qui relient les êtres entre eux ainsi que les mystères insondables de la vie. Après le décès de sa mère, Hanna essaie de comprendre pourquoi cette femme semblait souvent absente de sa propre vie. Elle entreprend de se réapproprier son histoire, parce que celle de sa mère fait forcément écho à la sienne, même de façon insaisissable.

 

21 leçons pour le XXIe siècle
Yuval Noah Harari (trad. Pierre-Emmanuel Dauzat), Le Livre de Poche, 570 p., 15,95$
L’historien et auteur de Sapiens et Homo deus décortique ici le XXIe siècle et ses défis contemporains en réfléchissant aux grandes questions qui préoccupent l’humanité, en passant par des sujets comme les risques de guerre nucléaire, la catastrophe écologique, le terrorisme et l’intelligence artificielle. Cet essai brillant et hautement pertinent ne pourrait être plus en phase avec l’actualité avec des questions telles que : « Pourquoi la démocratie libérale est-elle en crise? », « Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle guerre mondiale? », « Que faire devant l’épidémie de fake news? », « Quelle civilisation domine le monde : l’Occident, la Chine ou l’Islam? » Une lecture éclairante.

 

La vie mensongère des adultes
Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), Folio, 432 p., 16,95$
Les romans d’Elena Ferrante remportent beaucoup de succès et celui-là ne fait pas exception : une adaptation en série est d’ailleurs déjà prévue sur Netflix. La vie mensongère des adultes raconte l’histoire de Giovanna, une adolescente vivant à Naples dans les beaux quartiers. Cette dernière entreprend d’en apprendre davantage sur sa tante, qui habite quant à elle dans la partie la plus pauvre de la ville, et à qui ses parents l’ont comparée. Alors que se forge son identité, Giovanna découvre un autre univers et est confrontée aux désillusions ainsi qu’à l’hypocrisie des adultes, à leurs mensonges. « Alliant avec doigté profondeur psychologique, simplicité de la forme et ferveur féministe, Ferrante frappe fort ici encore. Un petit bijou acéré comme un couteau », en a dit Elsa Pépin, chroniqueuse entre nos pages.

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