À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Le pays des autres
Leïla Slimani, Folio, 416 p., 16,50$
Après Chanson douce, Leïla Slimani s’inspire de l’histoire de ses grands-parents dans Le pays des autres, premier titre d’une trilogie qui mettra en scène plusieurs générations d’une famille marocaine. Un couple — une jeune Alsacienne et un Marocain — qui s’est formé pendant la guerre s’installe au Maroc après la Libération. S’échelonnant sur dix ans, ce roman raconte les difficultés que le couple traverse, trimant dur pour survivre. Pendant que son mari Amine travaille, Mathilde se sent souvent seule avec leurs enfants et isolée alors que les gens se méfient d’elle, l’étrangère. En plus d’habiter dans le pays des autres (et des hommes) — un pays qui tente d’ailleurs de s’affranchir —, elle s’acclimate difficilement à cette nouvelle vie et perd peu à peu ses illusions. Cette œuvre aborde notamment le racisme ainsi que les conditions et l’émancipation des femmes qui tentent de s’extirper des conventions et du joug des hommes.

Le bal des folles
Victoria Mas, Le Livre de Poche, 234 p., 13,95$
Couronné en 2019 du prix Renaudot des lycéens et du prix Première Plume, ce premier roman de Victoria Mas a connu beaucoup de succès, des traductions en plusieurs langues et une adaptation cinématographique. En 1885, Eugénie dialogue avec son grand-père décédé; son père la croyant folle la fait interner à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Là, elle fera la rencontre de plusieurs femmes au même destin tragique que le sien, emprisonnées dans cette institution parce qu’elles sont prétendument folles, hystériques ou déviantes. Ces malades sont soignées en psychiatrie par le neurologue Charcot. Tous les ans, ce dernier organise un événement mondain, le « bal des folles », où il expose ces patientes à des fins expérimentales. Les conditions, la détresse et la liberté des femmes dans une société où les hommes détiennent le pouvoir sont au menu de cette œuvre percutante et bouleversante.

Ce que tu as fait de moi
Karine Giebel, Pocket, 642 p., 16,95$
Jusqu’où la passion peut-elle conduire? En salle d’interrogatoire, le commandant de la brigade des stupéfiants doit rendre des comptes pour expliquer ses gestes. Son obsession pour la lieutenante, une nouvelle recrue sous ses ordres, a complètement chamboulé sa vie. Au même moment, cette dernière livre sa propre version des événements qui les ont menés là. Comment la situation a-t-elle pu déraper à ce point? Que leur est-il arrivé? Dès les premières pages, les prémices sont intrigantes; nous voulons connaître le dénouement de cette histoire. Avec un rythme haletant, ce thriller hypnotique et glaçant illustre la violence, la puissance et la folie potentiellement destructrice d’une passion dévorante.

Flammes
Robbie Arnott (trad. Laure Manceau), Alto, 264 p., 18,95$
Les femmes de la famille McAllister ont ceci de particulier qu’elles réapparaissent pendant de brefs moments après leur incinération. Levi, le frère de Charlotte, compte offrir un cercueil à sa sœur afin d’éviter qu’elle revienne, elle aussi, après sa mort. En apprenant les intentions de son frère, Charlotte s’enfuit, souhaitant elle aussi être brûlée comme le veut la tradition familiale. Sa fuite l’entraînera dans un périple en Tasmanie, un pays des merveilles peuplé de divers personnages hauts en couleur et doté d’une nature luxuriante. Flirtant avec le réalisme magique, ce roman envoûtant et inventif est une ode à l’imaginaire. C’est foisonnant, dépaysant, fantaisiste et audacieux.

Thelma, Louise & moi
Martine Delvaux, Héliotrope, 240 p., 16,95$
Dans ce livre finement construit, l’écrivaine Martine Delvaux décortique Thelma et Louise, un film marquant sorti en 1991, qu’elle a visionné plusieurs fois et qui la bouleverse. Elle parle de la genèse du film, du scénario, du contexte social dans lequel s’inscrivait cette histoire mythique mettant en scène Geena Davis et Susan Sarandon ainsi que cette célèbre scène finale qui provoque des larmes. L’auteure emprunte le chemin de cette œuvre cinématographique pour réfléchir à son parcours, à sa vie, à la violence faite aux femmes et à la place de celles-ci dans la société. « Aujourd’hui, je me dis que mes larmes viennent du fait qu’elles ont le choix entre le pire et le pire. Elles, et moi aussi. »

Oscar
Mauricio Segura, Boréal, 240 p., 14,95$
Campé dans le monde du jazz des années 50, le cinquième roman de Mauricio Segura propose une histoire aussi surprenante que touchante. Après la mort de son frère Brad, véritable prodige du piano, le jeune Oscar se retrouve malgré lui à sa place, au piano, et devient rapidement l’attraction principale dans le quartier où il habite. Entre les cabarets de jazz de Montréal et la gloire mondiale qui l’attend, Oscar prend refuge dans la magie de la musique qui lui permet de plonger dans un univers imaginaire. Le livre, qui se veut un hommage à Oscar Peterson, légendaire pianiste montréalais, porte le lecteur dans un monde de réalisme magique où la musique joue des tours et égaie les cœurs.

Une bête au Paradis
Cécile Coulon, Le Livre de Poche, 282 p., 13,95$
Ce livre, qui a reçu le prix littéraire du Monde en 2019, se présente a priori comme une histoire de famille, un roman de la terre où tragédie est synonyme de quotidien. Le Paradis réfère ici à une ferme isolée où Émilienne élève ses petits-enfants, Blanche et Gabriel, qui ont perdu leurs parents dans un accident de voiture. Mais dans ce roman de filiation, le lecteur devient un témoin de ce monde refermé sur lui-même, où les personnages étouffent et le temps semble figé malgré les années qui passent. Les Ronces, recueil de poésie acclamé de cette même auteure, a par ailleurs paru le 25 février dernier au Castor Astral. Cette réédition inaugure une nouvelle collection de poésie de poche dans la maison d’édition française.

Une première gorgée de café qui pétille rose derrière l’iris
Lily Pinsonneault, Québec Amérique, 32 p., 4,95$
La collection « qa » offre notamment des rééditions de nouvelles parues précédemment dans des recueils collectifs. Parfois, des inédits — comme c’est le cas ici — se greffent à cette sélection qui fait la part belle aux langues déliées et au format plus court, le tout à un prix minuscule. Avec cette novella de Lily Pinsonneault (Sauf que j’ai rien dit, Pas pressée), on a d’abord l’impression de plonger dans une soirée arrosée, non dénuée de marasme. Et tout à coup survient une rencontre, belle dans toute la puissance de son état éphémère, entre la narratrice et un homme sensible et attrayant. S’ensuit la description d’une fin de soirée tout ce qu’il y a de plus authentique, quand deux êtres cherchent à s’aimer et se chuchotent des phrases du genre : « [tu sens] comme un plant de bleuets sur lequel on vient de piler par inadvertance ». On referme ce petit livre avec le goût de vivre, nous aussi, un tel moment de poésie.

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