À surveiller

Betty Boob
Julie Rocheleau et Véronique Cazot (Casterman)
La Montréalaise Julie Rocheleau nous épate une fois de plus avec ses illustrations, en nous invitant dans cette brèche creusée dans la vie d’une femme atteinte d’un cancer. La scénariste Véronique Cazot élabore quant à elle habilement le chemin parcouru par la protagoniste amoureuse, cancéreuse puis chômeuse, qui se redécouvre finalement en tant que performeuse burlesque, sous les paillettes et les projecteurs.

 

Gold Star Mothers
Catherine Grive et Fred Bernard (Delcourt)
Afin de permettre aux Américaines d’aller se recueillir sur la tombe de leur mari ou de leur fils morts en France durant la Première Guerre mondiale terminée dix ans plus tôt, le Congrès vote un budget. C’est ce grand épisode, touchant, chargé et porteur d’histoire, que nous racontent Grive et Bernard avec tact et couleurs. Paris deviendra alors pour ces Américaines un lieu de mémoire, mais aussi un lieu où enfin laisser le deuil faire son chemin.

 

Paroles d’honneur
Leïla Slimani et Laetitia Coryn
 (Les Arènes)
Leïla Slimani a remporté le Goncourt en 2016 avec Chanson douce. Elle revient en librairie cette fois avec un roman graphique, habile mélange entre réel et fiction, qui évoque les questions de sexualité, d’avortement, d’adultère et de viol sous le soleil d’un Maroc bercé par des traditions attachées à l’Islam. Ses recherches sur place ayant été riches et nombreuses, elle proposera également Sexe et mensonges La vie sexuelle au Maroc, soit un livre-enquête de 192 pages.   

 

Moi aussi je voulais l’emporter
Julie Delporte (Pow Pow)
La bédéiste qui nous avait épatés avec Journal et Je vois des antennes partout récidive avec Moi aussi je voulais l’emporter, une belle réflexion féministe qui touche à la fois la création, la vieillesse, le travail et la vie qui passe. Bien sûr, le tout est toujours agrémenté de cette floraison de couleurs qui fait la marque de l’auteure de cette écriture à la main, brute, pour transmettre plus d’authenticité, peut-être. En fait, assurément.

 

Ces jours qui disparaissent
Timothé Le Boucher (Glénat)
Dans ce récit fantastique maîtrisé, roman graphique de près de 200 pages, on débarque dans une course contre la montre : Lubin se réveille un matin et réalise qu’une journée sur deux, un autre prend possession de son corps et de son esprit pour mener une existence bien différente de la sienne. Mais bien vite, ce n’est plus un jour sur deux que Lubin « disparaît », mais pour de plus en plus longs laps de temps… Il tentera alors de communiquer avec « l’autre ». Mais… serait-il atteint de schizophrénie? Est-ce l’adulte en lui qui chasse l’enfant? À découvrir…

 

 

Les one shot à surveiller
On saluera l’arrivée remarquée de Victor Lejeune dans le monde de la BD, avec Premiers pas (Atrabile), un one shot – en gravure sur celluloïds! – racontant l’histoire de Ham, le premier chimpanzé à être allé dans l’espace et dont le parcours l’a mené autant dans un marché de viande que dans un zoo puis, à nouveau, à la NASA. Aude Mermilliod prolonge notre été en réunissant trois personnages à la personnalité, à l’âge et au passé totalement différents dans Les reflets changeants (Le Lombard). Il y a Elsa, 20 ans et entre deux hommes, Jean, 50 ans et marabout et Emile, 80 ans et sourd. Leur rencontre, bien entendu, les changera. Chez Actes Sud, on plongera dans un récit nostalgique avec Jérome Pigney dans La disparue, l’histoire d’une grande dame des Lettres françaises qui, à 80 ans, disparaît à Lisbonne.

À lire aussi
Alexandrin ou L’art de faire des vers à pieds, Alain Kokor et Pascal Rabaté (Futuropolis)
Kérosène, Alain Bujak et Piero Macola (Futuropolis)

Les récits intimistes
Halim
nous transporte dans Petite maman (Dargaud), la touchante histoire de Brenda, dont la mère n’a que quinze ans de plus qu’elle. C’est ainsi qu’en grandissant, la petite deviendra elle-même la « petite maman » de sa mère, pour qui elle souhaite malgré tout le bonheur… Aussi, aux éditions La Pastèque, on s’attardera sur Une histoire de cancer qui finit bien, signée Marianne Ferrer et India Desjardins. En 88 pages en couleurs, elles nous racontent une histoire qui donne espoir, celle d’une fille de 15 ans, qu’on suit entre traitements et rendez-vous, dans l’attente de son diagnostic final. Et, comme le dit le titre, ça finira bien pour elle. En abordant la question du deuil amoureux et de la reconstruction de soi, Manhattan Murmures de Giacomo Bevilacqua chez Vents d’Ouest nous entraîne sur les pas d’un personnage qui part, seul à travers les foules, à New York, où il doit réaliser un reportage photo.

Pour les amateurs d’histoire de l’art
Passionnante, l’histoire d’amour entre Manet et la toute première peintre impressionniste, Berthe Morisot, est décrite dans Édouard Manet et Berthe Morisot par Michaël Le Galli et Marie Jeffredo (Glénat). On y découvre ainsi autant leur vie que leur œuvre. Ceux qui préfèrent la fureur de Klimt à la douceur de Manet seront ravis d’apprendre que Jean-Luc Cornette s’attaque au maître viennois de l’Art nouveau, nous transportant en 1907, dans l’univers charnel et symboliste de ce peintre qui a promis de recouvrir d’or, littéralement, la femme d’un ami (Klimt, Glénat). Les illustrations de Marc-Rénier, qui conservent les codes du grand peintre, nous le rappellent à chaque case.

Les BD jeunesse à surveiller
Les amateurs de contes de fées se régaleront de Fée pissenlit (t. 1) (Carine Paquin et Bach, Michel Quintin), alors qu’une petite fée – très gentille et très douée – naît dans la très disgracieuse fleur de pissenlit. Afin de sauver les apparences, deux autres fées tenteront de régler le tout : une des leurs ne peut quand même pas être née d’un pissenlit! C’est également le retour de plusieurs séries, notamment chez Glénat, et on se réjouit d’avance du huitième tome de Lou, du quatrième de Tib et Tatoum, du quinzième de Titeuf et du troisième de Bichon. Si vous n’avez pas encore entamé l’une de ces séries, il est grandement temps de vous y mettre… plaisir assuré!Pour les plus vieux, il faut se tourner vers Giant Days (Allison, Treiman et Cogar, Akileos), où l’on plonge dans l’univers des résidences universitaires avec trois amies qui, pour cette première année, en verront de toutes les couleurs. Oui, des histoires de garçons, mais aussi d’idéaux et d’amitié.

De romans jeunesse à BD
Du côté des adaptations, on souligne la parution de la série de roman Juliette à New York, par Rose‐Line Brasset et Amélie Derock (Hurtubise), de même que l’adaptation de Luna elfe de lune par Élodie Tirel, Lylian et Julie Fontaine Ferron (Michel Quintin). Chez Dominique et compagnie, c’est Alice, à l’aube de sa 5e année, qui est à l’honneur avec l’adaptation du roman Le journal secret d’Alice Aubry, par Sylvie Louis et cette fois illustré par sa fille Blanche Louis-Michaud. Et c’est le retour du Journal d’Aurélie Laflamme avec le tome 4 de sa version illustrée, chez Michel Lafon. Dans le premier tome de l’adaptation en BD de Ma vie selon moi (Jaouis, Grisseaux et Ruffieux, Vents d’Ouest), c’est une grande maison bleue qui devient le théâtre d’une histoire de cœur : dans cette bâtisse, plusieurs personnes y vivent, dont Justine, qui a réalisé qu’un très beau nouveau voisin vient d’y emménager. Bien entendu, elle va tenter de le charmer.  

Des inclassables 
Anne-Lise Combeaud
et Jean-Philippe Thivet nous ouvrent la voie de la philosophie grâce à Philocomix, chez Casterman, où, avec un humour certain, ils plongent dans les pensées de dix grands philosophes qui se sont interrogés sur le bonheur. Toujours en humour fin, le retour de Tom Gauld avec ces gags illustrés en une page ravira les fans de ses nombreux clins d’œil à la littérature et à la culture populaire. À lire chez Alto, sous le titre En cuisine avec Kafka. On surveillera également aux éditions Pow Pow VII, de Thom, ainsi que le second volet de Whitehorse, de Samuel Cantin. Quand Blutch s’attaque aux grands maîtres de la BD, pour comprendre « comment ils faisaient », on le suit avec un bonheur palpable dans sa découverte artistique. Un exercice de style qu’on se plaît à découvrir dans Variations (Dargaud). 

À lire aussi
Soudain l’univers prend fin, Dakota McFadzean (Ça et là)
Corto Maltese (t. 14) : Mû la cité perdue, Hugo Pratt et Patrizia Zanotti (Casterman)
Red Ketchup (t. 9) : Elixir X, Réal Godbout et Pierre Fournier (La Pastèque)
Shelton & Felter (t. 1) : La mort noire, Jacques Lamontagne (Kennes)

La BD comme passeport pour voyager
Chez Delcourt, Jérémy Moreau nous entraîne, dans un pavé de près de 200 pages, dans l’Islande de 1783. La Saga de Grimr, c’est une histoire de dépassement, d’aventure, de héros qui doit prouver sa valeur. Du côté de Marion Duclos (Ernesto, Casterman), c’est sur les pavés espagnols qu’elle nous entraîne, aux côtés d’Ernesto, qui décide de retourner dans son pays natal – l’Espagne, qu’il a quittée en 1939 – après plusieurs décennies et quelques épisodes douloureux gardés tus. Le Brésil, on le visitera plutôt avec Marcello Quintanilha dans L’Athénée (Ça et là), alors que le bédéiste adapte le roman du même nom signé Raul Pompeia. Ce roman graphique d’apprentissage nous entraîne en 1870, dans la vie de Sergio, 11 ans, qui entre au pensionnat où il n’aura pas le choix : il devra devenir victime ou tortionnaire. Deux ans de violence, d’apprentissage, au sein de la haute bourgeoisie brésilienne. Avec Safieddine et Park on rend hommage aux déracinés dans le one shot Monsieur Coucou (Le Lombard). Potlatch (Ça et là), de Danid et Marcos Prior, a été sélectionné pour le Prix de la meilleure bande dessinée espagnole Barcelona 2014. Cet ouvrage novateur, qui mêle histoire d’amour et enquête intime, brouille volontairement les pistes pour le lecteur qui devra reconstituer l’ordre chronologique de l’histoire. Une audacieuse BD. Et pourquoi ne pas voyager directement dans notre métropole? Avec Les saisons de Montréal (La Pastèque), Raphaëlle Barbanègre déploie les multiples facettes de cette ville cosmopolite dont les couleurs changent au gré des saisons. On voyagera dans le temps également avec Zidrou, accompagné aux dessins par Homs, qui nous servira un récit historique, alors qu’un nourrisson est enterré, à la veille de l’exposition universelle, sur le lieu même de l’événement. Deux femmes s’uniront, en colère, pour lever le voile sur ce scandale. À lire dans Shi (t. 1) : Au commencement était la colère (Dargaud).

À lire aussi
Le plus long chemin de l’école, Renaud Garreta et Marie-Claire Javoy (Dargaud)
Le nouveau monde (t. 1) : L’épée du conquistador, Xavier Coyère, Jean Helpert et François Armanet (Dargaud)

Les BD anthropomorphiques 
L’incontournable de la rentrée mettant de l’avant un personnage aux traits animaliers sera assurément Mulo de Pog et Cédrick Le Bihan chez Dargaud. On y suit un âne orphelin qui reçoit une lettre anonyme lui disant qu’il découvrira la vérité sur la mort de ses parents sur une île au large des côtes bretonnes. Il partira donc, sac sur le dos, à la rencontre du destin soulevé par cette lettre; la vengeance l’anime dorénavant puisque ses parents ont été assassinés. Un solide polar aux allures de BD joyeuse. Du côté du Studio Lounak, on renoue avec L’Abominable Charles Christopher, de Karl Kerschl, dans le troisième volet de la série. Cette fois, le chat continue son chemin à travers la forêt des Cèdres tandis que la vie suit son cours auprès des autres personnages. Cette BD émérite possède encore ces dessins à couper le souffle. Lewis Trondheim, ce grand qui fait tant pour que le milieu du 9e art reste dynamique et se renouvelle, revient avec son lapin – eh non, il n’était pas mort dans La vie comme elle vient!– dans Les nouvelles aventures de Lapinot : un monde un peu meilleur (L’Association), un album cartonné 48 pages. Le bédéiste signe également Density (Delcourt), Infinity 8 (t. 5) (Rue de Sèvres) et Happy Bird (Delcourt), l’histoire d’un gamer, ornithophile et accro à Angry Bird qui se trouve un boulot…

Les adaptations de roman
Le joueur d’échecs, de Stefan Zweig,sera adapté par David Sala chez Casterman alors que le classique de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre, a trituré l’italien Matteo Berton durant trois ans. Voilà le travail terminé et proposé chez La Pastèque. On plonge dans l’univers fantastique de Claude Seignolle avec Laurent Lefeuvre qui adapte cinq de ses nouvelles, dans un noir et blanc contrasté et dynamique, dans Comme une odeur de diable (Mosquito).

Découvrez également une entrevue avec Mikaël pour la parution de Giant (Dargaud).  
 
Publicité